Délocalisée
depuis quelques temps à Montpellier, C-P Productions est un peu un OVNI
dans le paysage des sociétés de production audiovisuelle. Annie Gonzalez,
productrice et élément moteur apparemment inépuisable, explique :
« En 1998, Pas vu pas pris était déjà bien avancé,
mais s’est posée la question de sa diffusion : nous étions 17 associés
et nous voulions soutenir ce projet qui était censuré avant même d’être
sorti. » Après la campagne de soutien orchestrée par l’association
Pour Voir Pas Vu et relayée par Charlie Hebdo, une somme suffisante
est réunie pour assurer la réalisation et la distribution du film en salles.
« Nous avons donc monté une société de production pour finaliser
et sortir le film. » Énorme succès du film en salles
(160 000 entrées, un chiffre assez exceptionnel pour un documentaire).
« On a donc essayé de continuer ensemble. »
Aujourd’hui, c’est cette volonté d’aventure collective qui semble toujours
de mise, pour l’instant autour du travail de Carles : « On
a produit les trois films de Pierre, et maintenant, il y a une nouvelle
ouverture avec un projet sur le refus du travail précaire, Volem rien
foutre al païs, qui sera coréalisé par Pierre Carles, Christophe Coello
et Stéphane Goxe. » |
||||
Mais les projets C-P sont « systématiquement refusés par les chaînes françaises (1). Que l’on propose une coproduction sur scénario ou la diffusion du produit fini, la réponse est toujours la même. Sur un film comme La Sociologie est un sport de combat, qui est tout de même le seul documentaire réalisé sur Pierre Bourdieu, c’est pour le moins surprenant. » Pourtant, des sociétés de production dont les films sont refusés par les chaînes, ça n’a vraiment rien d’exceptionnel. « Mais la spécificité de C-P, c’est que nos films ont un succès très remarquable en salles. » Devant ce rejet cathodique, pour financer un projet comme Volem rien foutre al païs, « nous devons expérimenter de nouvelles solutions, et c’est ce que nous faisons avec la cassette vidéo Danger travail. C’est un soutien pour amorcer le tournage du prochain long métrage, mais son objet est aussi de générer de l’intérêt autour de la problématique du refus du travail. » Dans cette étonnante série de documents (Danger travail), disponible en VHS, on découvre « des gens qui refusent la logique du travail précaire et préfèrent adopter un mode de vie qui exclut l’idée d’un travail rémunéré. » Les
autres projets incluent une fiction de Thomas Bardinet, Cache-cache :
« Une histoire avec des adultes très "bourgeois-bohême",
qui se retrouvent en vacances avec des enfants, et les enfants prennent
leur autonomie, ce qu’apparemment revendiquaient les adultes en leur disant :
"Allez vous amuser, vous êtes en vacances." Mais les enfants ont
trop bien joué à cache-cache, ils ont disparu, et les adultes sont totalement
déstabilisés. L’idée, c’est de produire une fiction traversée par des
enjeux politiques, mais qui n’est pas un film militant, "guédiguianais"
ou "ken-loachien". » Mais pour exister, tous ces projets doivent emprunter des chemins de traverse : « Nous sommes "condamnés" à ce que nos films marchent en salles… Heureusement, il y a le réseau des salles Art et essai, avec certaines salles, comme le Saint-André-des-Arts à Paris ou les cinémas Utopia à Bordeaux, Toulouse, Avignon… qui laissent les films longtemps en salles, pour que le bouche à oreille puisse éventuellement faire son effet. » (1)
Les films de Pierre Carles ont toutefois été diffusés par la chaîne associative
Zaléa TV lorsqu’elle
pouvait émettre sur le bouquet CanalSatellite. |
Dessins : Philippe Hollevout |