F.J. Ossang | ||||||||||
Créateur tous azimuts. | ||||||||||
Ne rien laisser derrière soi. | ||||||||||
n après-midi pluvieux parisien, derrière République. Dans quelques minutes, rencontre avec F.J. Ossang, musicien, cinéaste, écrivain. Je ne l'avais vu qu'une fois, il y a dix ans de ça, à la projection de ses films : « La nuit du Stelinskalt ». Le rendez-vous est pris à La Marine, dans le haut lieu de la culture du monde civilisé : le bon vieux troquet. Lors de la préparation de l'interview, Diabase, son éditrice actuelle, m'avait prévenu : l'idée force dans toute l'uvre d'Ossang, c'est lui. Le personnage, attachant et très agréable me disait-elle, est le ciment qui relie tous les livres, films, disques. Impression confirmée, et au delà de mes attentes : deux heures d'intense discussion, agrémentées de bières et whisky pour faire refroidir la chaudière ! « J'ai commencé à écrire vers 13 ans, des poèmes. Je rêvais d'être acteur et écrivain de pièces de théâtre. C'est l'écriture qui m'a toujours captivé, c'était nécessaire ». Enfance dans le Cantal, auprès d'un grand-père revenu de la guerre de 14 opposé à toute forme de violence (le petit Ossang ne pouvait pas jouer aux cow-boys, comme il l'écrit dans son livre le plus personnel « Au bord de l'aurore », autobio aux accents du Voyage au bout de la nuit), et début en 1977 avec la revue Cee, dont les derniers numéros seront publiés par Christian Bourgois. Des années d'écoute des Velvet, Stooges, Roxy Music, et voilà le débarquement du punk ! « J'ai commencé la musique à cette époque, car avec le punk, pas besoin d'être musicien. Mon premier groupe a été DDP (De la Destruction Pure). Avec le punk, l'indus. et la cold wave, on a vécu de belles années. Je ne me suis jamais reconnu dans la République des Lettres, qui ressemble plus à une monarchie sauvage... Le rock, au contraire, par l'accès à la scène permet de transgresser la culture de classe. La musique n'était qu'un prétexte pour nous, qu'un point de convergence de toutes les frustrations. Elno me disait que le punk était génial, car il avait connu grâce à ça des gens de tous les milieux. » Création des Messageros Killers Boys en 1980, puis passage par l'IDHEC. Tournage avec les moyens du bord de courts métrages : La Dernière Enigme en un jour, Zona Iniquita en deux, et L'Affaire des Divisions Morituri (premier long métrage) en trois semaines... « Quoi qu'il arrive, je reviens toujours à l'écriture. Pour moi, le rock reste une voie médiane entre le cinéma et la littérature. Le cinéma est une dilution des objectifs, la vraie langue de Babel, ce qui fait que mes films ont été mieux perçus en Asie malgré un sous titrage parfois aléatoire. » Les apatrides trans-européens Est ce le fait de venir du cul du monde (le Cantal) qui fait qu'Ossang n'a jamais l'air en place et qu'il recherche toujours le mouvement, dans une espèce de perpétuelle fuite en avant ? Dans Génération Néant, il se proclame apatride transeuropéen, fuyant le Vieux Monde où les classes moyennes prolifèrent dangereusement (Divisions Morituri). Ce sentiment, on le retrouve aussi dans son rapport à ses oeuvres : Ossang, poète cinéaste qui fait du rock, ou rocker qui veut faire l'artiste ? La classification en chapelles, les microcosmes ne rendent pas son intégration facile. « Je me retrouvais dans une impasse dans tous les domaines, je passais d'un art à l'autre. J'ai toujours considéré que la totalité procède par fragments, que l'on est dans une situation de guérilla culturelle, et que le fait d'avoir des faisceaux d'actions multiples définit l'artiste du XXème siècle. Malgré ça, cet état de fait vient plus d'un certain pragmatisme que d'une vraie attitude culturelle. » « J'ai été très marqué par les années 20, les modernistes, Dada, etc. J'ai de suite adhéré au punk car pour moi il devait faire table rase du passé, et créer une irrésistible accélération vers le XXIème siècle. On voit malheureusement ce qu'il en est advenu... » I think acting is better for actors À la question, quelles sont les rencontres qui t'ont le plus marqué, Ossang cite spontanément 3 noms : Claude Pélieu (traducteur des poètes beat américains), Stéphane Ferrara doté d'une "intelligence étrange", et Joe Strummer, leader des Clash, LE groupe punk avec les Sex Pistols. « J'étais sur le projet de long métrage Docteur Chance, et je lui ai envoyé le synopsis par fax. Moins d'une semaine après, il me répond que ça l'intéresse, mais "Acting is better for actors", me prévient-il. Je me rends à Londres pour en discuter, et dès les premières minutes le déclic se produit. On parle toute la nuit, c'est incroyable ce qu'il peut être ouvert... Ses films, et c'est le moins que l'on puisse dire, sont euh.... originaux. On aime ou on déteste, pas de compromis. Le premier que j'ai vu a été L'Affaire des Divisions Morituri, manifeste proto-punk où s'entremêlent discours politique et polar. Il m'a longtemps fait penser au plan formel, au premier de Caro et Jeunet, "Le bunker de la dernière rafale". Musique omniprésente, utilisation très importante du titrage, textes scandés par F.J. lui-même, la patte est là... Sur son deuxième, on remarque que la photographie est tenue par Darius Khondji, dont c'est la première direction photographique. Résultat : des noirs et blancs splendides, où transperça selon les Cahiers du Cinéma, l'influence majeure de l'expressionnisme allemand (Murnau, Lang...), mélangé à de la série B américaine. « La création dans un premier temps, nécessite une certaine imitation. C'est vrai que mes influences majeures sont à la fois Eisenstein et les films américains des années quarante-soixante. Cette soit-disant série B, comme l'on a pu qualifier les films de Jacques Tourneur, a un talent immense. Celui-ci est le contraire de ce que nous propose le cinéma actuel, où tout doit être montré, avec des effets spéciaux les plus coûteux possibles. N'ayant pas ces possibilités, la série B de l'époque se devait d'être inventive sur le plan du style. »
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Miguelito Lovelace pour le MHM, 2001. |