Big Talk in Rotterdam film festival

Pour ceux que le titre de l’article laissent pantois, Big Talk est le nom de l’émission de TV réalisée lors du festival international de Rotterdam. FJ Ossang s’est soumis à cet exercice le jour de la grande première de Dharma Guns, mais ce n’est qu’aujourd’hui que je le vois en ligne….

Sitôt vu, sitôt partagé !!!!

Big Talk FJ Ossang

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Magnifique et complete discographie de MKB chez Euthanasie

Le label ami Euthanasie, qui a ressorti les vinyls des excellents Komintern Sect, nous propose une belle discographie de MKB.

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Catalogue IFFR 2011 : descriptifs/commentaires des films

Nicole Brenez

LA DERNIERE ENIGME

1982

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : F.J. Ossang. Musique : MKB Provisoire, Tuxedomoon, Cabaret Voltaire, Esplendor Geometrico. Montage : F.J. Ossang.

Interprétation : Robert Cordier, Gina Lola Benzina, Leslie Stiles.

Production : MKB Fraction Provisoire.

12 mn / 16 mm / noir et blanc

« Et quand le hasard fait que le peuple n’a plus confiance en personne, comme cela arrive parfois, ayant été trompé dans le passé par les choses ou par les hommes, on en vient nécessairement à la ruine. » Machiavel cité par FJO.

Premier carton : « Ce film a été tourné le 18 février 1982, avec deux boîtes de 16mm Kodak Double X. Il est librement inspiré du texte Del terrorismo dello stato (la Teoria e la pratica del terrorismo per la prima volta divulgate de Gianfranco Sanguinetti. » La Dernière énigme invente les échos visuels grâce auxquels les événements politiques, en l’occurrence la confiscation des aspirations révolutionnaires d’une génération par le terrorisme d’Etat, s’impriment dans l’imaginaire. Entre essai et fiction, F.J. établit d’emblée son aire formelle : une mythologie du présent. (Nicole Brenez)

ZONA INQUINATA, ou : LA VIE N’EST PLUS QU’UNE SALE HISTOIRE DE COW-BOYS

de F.J. Ossang – 1983

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Pascale Ferran, Serge Ellenstein. Musique : MKB Provisoire, Cabaret Voltaire, Tuxedomoon. Montage : F.J. Ossang.

Interprétation : Robert Cordier, Philippe Sfez, Leslie Stiles, Lionel Tua.

Production : MKB Fraction Provisoire.

21 mn / 16 mm / noir et blanc

« Le texan Benz est à la tête d’une organisation de tueurs à gages. Le capitaine Mort est son bras droit. C’est en poussant sa maîtresse  Stella dans le lit du boss que le capitaine Mort est parvenu à ce poste de chef des tueurs. La situation devenue pour lui intolérable, il décide de supprimer le cow-boy. » (F.J. Ossang)

En 1928, La Zone pour George Lacombe, ce sont les entours misérables de Paris où vivent les classes dangereuses ; en 1950 pour Jean Cocteau, le territoire administratif où Orphée doit aller rechercher Eurydice disparue ; en 1959, Interzone est le premier titre du Naked Lunch de Burroughs ; en 1983, la Zone toxique d’Ossang opère la synthèse et réunit tous ces territoires d’inquiétude sous le drapeau des couleurs mortes. (Nicole Brenez)

L’AFFAIRE DES DIVISIONS MORITURI, de F.J. Ossang

1984

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Maurice Ferlet. Musique : MKB Provisoire, Cabaret Voltaire, Tuxedomoon, Throbbing Grisle, Lucrate Milk, Esplendor Geometrico. Son : JM Baudouin. Montage : F.J.Ossang.

Mixage : Julien Cloquet.

Interprétation : Gina Lola Benzina, Lionel Tua, Frankie Tavezzano, Philippe Sfez, Elno.

Production : MKB Fraction Provisoire.

81 mn / 35 mm / noir et blanc et couleur

« Une histoire de gladiateurs sur fond d’Affaire Allemande. Des mecs vendent cher leur peau au lieu de se laisser mourir sur le territoire contrôlé par la middle class européenne. L’un d’eux est devenu une sorte de star du souterrain, mais il finit par se briser. Plus qu’une issue : cracher le morceau à la presse… » (FJO)

Emblème du cinéma punk français, L’Affaire des Divisions Morituri transpose en peplum futuriste la révolte populaire qui gronde dans la jeunesse européenne depuis la mort en prison des membres de la RAF – dont la plupart, d’ailleurs, étaient cinéastes. (NB)

LE TRESOR DES ILES CHIENNES, de F.J. Ossang

1990 (France/Portugal)

Scénario : F.J. Ossang.  Photographie : Darius Khondji. Musique : Messageros Killers Boys. Montage : Natalie Perrey. Décor : Jean-Vincent Puzos. Son : Jorge Cerveira. Mixage : Julien Cloquet.

Interprétation : Stéphane Ferrara, Michel Albertini, Mapi Galan, Diogo Doria, Serge Avedikian, Clovis Cornillac.

Production : Gemini Films / Les 3 Lumières Productions (Paulo Branco et Oskar Leventon)

109 m, / 35 mm / cinémascope noir et blanc / Dolby SR

« L’ingénieur Aldellio a découvert la synthèse artificielle de deux substances fondamentales (le Stelin et le Skalt) permettant la production d’une énergie (l’Oréon). Grâce à cette découverte, l’équilibre mondial a été reconditionné. Quand débute le film, l’ingénieur a disparu avec le secret de transformation du ‘Stelinskalt’. Le consortium producteur de l’Oréon, la Kryo’ Corp, est au bord de la faillite. Et le monde à la frontière du chaos… » (FJO)

La bande-son du Trésor des Îles Chiennes, qui aligne les morceaux d’anthologie ― « Pièces du Sommeil », « Descente sur la Cisteria », « Désastre Des Escortes », « Passe des Destitués », « Chant des Hyènes » ou le séminal « Soleil trahi » ―, accélère le voyage psychique de figures tournoyant dans leurs hallucinations d’intrigues. À l’imagerie consumériste contemporaine des Big Lebowski et autres Bad Trip, on oppose la magnificence plastique, l’énergie combattante et la sincérité expérimentale des îliens d’Ossang. Sur fond de cendres et de laves immémoriales, fuyant la Ténèbre au volant de jeeps subtilisées à des rêves d’enfance, les personnages propulsent vers le futur cet art de la drogue légué par des siècles de romantisme noir. C’est lui leur vrai trésor, thésaurisé par des poètes addictés par-dessus tout à leur discipline. Leur arsenal : non pas tant guns et kalashnikovs, que « le prince cutter » (comme F.J. le chantera plus tard dans « Claude Pélieu was here »), c’est-à-dire la puissance de découper et trancher autre part que sur les pointillés, l’instinct de s’arracher à tout ce qui pourrait les retenir de s’abandonner au vertige. (NB)

DOCTEUR CHANCE, de F.J.Ossang

1997 (France/Chili)

Scénario : F.J. Ossang. Photographie : Rémy Chevrin. Musique : Messagero Killer Boy. Montage : Thierry Rouden. Décor : Santiago Isidro Pin. Son : Julien Cloquet, Stéphane Brunclair.

Interprétation : Pedro Hestnes, Elvire, Joe Strummer, Marisa Paredes, Stéphane Ferrara, Lionel Tua, Fedor Atkine.

Production : La Compagnie des Films / Valcine-Santiago (Jacky Ouaknine et Carlo Bettin)
97 mn / 35 mm / couleur / Dolby SR

« Angstel attend Zelda devant un cinéma où l’on projette l’Aurore de Murnau – mais Zelda ne vient pas. Il voit alors sa dernière chance s’évanouir. Tout lui devient insupportable – ses amours ratées, son talent littéraire gâché, et la conviction d’être devenu étranger  à lui-même et au monde… C’est alors qu’il croise Ancetta, danseuse au ‘Wasted’. » (FJO)

Avant de pouvoir récupérer quelques bobines de pellicule couleur sur l’armée allemande et réaliser vingt minutes de pur génie chromatique pour Ivan le Terrible, Eisenstein avait rédigé des dizaines de pages sur la question de la couleur au cinéma. Sous ses atours d’histoire d’amants en cavale, Docteur Chance, premier film en couleurs d’un expert du noir & blanc, participe de la même excitation expérimentale : comment mettre le cinéma à niveau des initiatives chromatiques de la peinture, que celles-ci nous soient léguées par certains retables médiévaux, par les gravures de William Blake ou par les tableaux d’Asger Jorn ?

Dans ses Notes de travail (1996), F.J. Ossang le formule avec ses termes inimitables : « Ce film devrait avoir la pureté coupante et confusément colorée d’un poème de Georg Trakl – non au cinéma plus misérable que la misère, plus sexuel que le sexe, plus lourd que le plomb tant il se paraphrase. (…) Détail : un close-up n&b ne produit pas l’effet d’un close-up couleurs (pourquoi). Pourquoi le découpage des films actuels semble “ comatisé ” par de l’émanation. Profaner la coloration par les structures. Déterritorialiser. » (NB)

Silencio

de FJ Ossang

France/Portugal/2006/20’/nb/35mm (Prix Jean Vigo 2007)

Scénario : F.J. Ossang – Images : Denis Gaubert – Musique : Throbbing Gristle – Montage : F.J. Ossang – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents – Chaya Films

Avec Elvire, Antonio Camara

Silencio, Vladivostok et Ciel éteint ! : trois bijoux en argent. La Trilogie du paysage marque les débuts d’une collaboration enchantée entre Ossang et son directeur de la photographie Gleb Teleshov, rencontré lors d’un atelier à Vladivostock.

« Le numérique est une circulation permanente d’électrons – tandis que l’argentique est une élévation hors du noir premier, comme l’icône – 24 images fixes par 24 images fixes… » Presque dix ans après le flamboyant Docteur Chance, F.J. « reprend la main », comme il le dit, avec Silencio ! , poème visuel qui s’inscrit dans la tradition des élégies documentaires de Rudy Burckhardt ou Charles Scheeler. Mais au temps de Throbbing Gristle, la poésie se mesure aux désastres industriels, aux apocalypses nucléaires invisibles : journal de voyage, méditation optique, nuancier bouleversant des teintes du noir et blanc, chant d’amour, promenade des fantômes légers dans les rayons affolants de l’espoir… strike. (NB)

Vladivostok

de  FJ Ossang/Fr-Russie/2008/5’/nb/35 mm

Images : Gleb Teleshov – Musique : Jack Belsen – Montage F.J. Ossang – Thierry Rouden – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents / Vladivostok Film Commission

Exercice d’atelier, Vladivostok pourrait passer pour les fragments d’un film des années 20 perdu par un membre la FEKS. Splendeur plastique, bribes de fiction létale : un concentré de la poétique ossangienne. « Entre mots et mondes les énigmes grouillent », écrivit le poète psychédélique Claude Pélieu à propos d’Ossang. Vladivostok cultive la richesse de tels intervalles, par où ruisselle la poésie. (NB)

Ciel éteint !

de  FJ Ossang/Fr-Russie/2008/23’/nb et coul/35 mm

Scénario : F.J. Ossang – Images : Gleb Teleshov – Décor : Jean-Vincent Puzos – Musique : The Eighties Matchbox B-Line Disaster – Jack Belsen – Montage : F.J. Ossang – J.C. Sanchez – Production : OSS/100 Films & Documents / Vladivostok Film Commission / Lovestreams agnes b. productions

Avec : Elvire – Guy McKnight

Jusqu’à présent, les films de F.J. Ossang ne ressemblaient à rien d’autre qu’à lui-même. Ciel éteint ! soudain l’apparente au Philippe Garrel des années 70, celui de Marie pour Mémoire et du Révélateur, si proche de Jean-Pierre Lajournade, cinéaste libertaire radical. Quotidien mythologique des amants démunis, Philémon et Baucis encore jeunes, dans leur cabane (de chaume chez Ovide, de bois chez Ossang). On découvrira, après le générique de fin, la plus belle déclaration d’amour jamais exprimée visuellement. (NB)

Dharma Guns

a film by F.J. Ossang

(93′, 35 mm BW/color, 2010)

Number of reels : 5.

Ratio : 1.85 – 24 im/s – Dolby SR/SRD

Production :

a franco-portuguese coproduction

OSS/100 Films & Documents / LOVESTREAMS Agnes b productions (Paris)

Cinemate (Lisbonne)

a film written and directed by F.J. Ossang

music : Jack Belsen – Little Drake – MKB fraction provisoire – Lard – The Cramps – The Eighties Matchbox B-Line Disaster

director of cinematography : Gleb Teleshov

scenography / set designer : Yann Mercier – Severine Baerel

editing : F.J. Ossang – JC Sanchez

sound editing :  F.J. Ossang – Stéphane Brunclair

costume designer : Pierre-Yves Gayraud – Karine Charpentier

leading actors

Guy McKnight is Stan van der Decken

Elvire is Délie

Lionel Tua is Jon

Diogo Doria is Dr Ewers

Le cinéma est ce medium orphique qui permet de sortir les corps des ténèbres. Dharma Guns décrit ce voyage, les puissances de la lumière qui traverse l’argentique, invente la fable et les situations visuelles nécessaires à la description d’un tel processus.

La fable : un jeune homme, indistinctement poète, scénariste et guerrier, meurt. Comment restituer l’advenue des images dans son cerveau ? Quelles dernières images verrons-nous, au cours de notre agonie ? Des images d’amour ? D’angoisse ? Notre esprit s’occupera-t-il à régler des situations psychiques, à trouver les causes de sa mort, à frayer un chemin vers une autre vie ? Et dans quel état ces images ultimes nous arriveront-elles ? Des éblouissements ? Des lueurs ? Des envahissements ? De quel statut relèveront-elles ? Des souvenirs, des hypothèses, des présomptions ? La plastique magistrale de Dharma Guns permet de ressentir les mouvements des yeux, des nerfs optiques, des synapses et des circonvolutions comme si F.J. Ossang avait été capable de greffer le cinéma aux lieux mêmes de la naissance des images psychiques, sur le système nerveux central. “Mes yeux ont bu”, entend-on dans ce traité digne des espérances qu’Artaud plaçait dans le cinéma. Dharma Guns toujours en vol, en vogue, toujours vers l’Ile des Morts, chef d’œuvre qui sous nos yeux vient se placer lentement, dans le ralenti sidérant d’une évidence, aux côtés de Nosferatu et de Vampyr. (NB)

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Catalogue IFFR Rotterdam 2011 : introduction generale sur FJ Ossang

Nicole Brenez

F.J. Ossang, le grand style insurrectionnel

Cinéaste, écrivain, chanteur, messager, F.J. Ossang, né dans le Cantal le 7 août 1956, pratique la poésie sous toutes formes.

Musique, avec son groupe MKB Provisoire (Messageros Killer Boy) ; prose (une vingtaine de livres publiés, parmi lesquels De la destruction pure, 1977, Corpus d’octobre, 1980, Descente aux tombeaux, 1992, Unité 101, 2006, et l’emblématique Génération néant, 1993) ; cinéma : dix films et autant de poèmes visuels, si la poésie signifie une violente tempête vitale. Ossang feint de ne pas pratiquer la peinture et le dessin, mais il a créé les gris sublimes de Silencio et toujours mis ses excellents opérateurs, Darius Khondji pour Le trésor des îles Chiennes, Rémi Chevrin pour Docteur Chance, Gleb Teleshov pour Dharma Guns, en état de grâce, inventant des images irradiantes sans équivalent dans l’argentique mondial. Joe Strummer a dit de lui qu’Ossang était le seul cinéaste avec qui il retournerait immédiatement. Son œuvre appartient au grand style insurrectionnel qui traverse l’histoire de l’art anti-art depuis Richard Huelsenbeck jusqu’aux films de Holger Meins.

L’esthétique d’Ossang a pour singularité de déployer ses inventions plastiques, narratives et rythmiques au sein d’une iconographie de genre la plus populaire possible, de sorte que l’intensité poétique retransforme les archétypes (mauvais garçons, tribus, femmes fatales, guerriers) en prototypes, transmue les effigies faciles en créatures palpitantes éperdues d’amour, de sentiments, de devenir et d’espace. Ossang est un grand cinéaste de l’aventure : aventure des tournages, scénarios en forme d’épopées plastiques, aventures psychiques où les personnages voyagent de l’exaltation à l’extase jusqu’à se volatiliser en haute atmosphère prace qu’ils ne peuvent plus jamais redescendre, comme à la fin de Docteur Chance. Le récit ne gère pas des péripéties à la morne manière des films ordinaires, il permet de déployer des situations visuelles, comme chez Jean Epstein ou ses maîtres soviétiques (parmi lesquels le Kalatozov de Soy Cuba). Plutôt que la poursuite ou la course, Ossang filme le monde que la vitesse engendre et se plonge dans la matière des couleurs et l’événement des sensations. Quel que soit le récit traité, celui-ci advient par l’amour des mots, non pas tant le dialogue que la formule, le carton, le slogan, la pointe, donnant lieu à ce graphisme monumental si caractéristique de cette œuvre.

Mais il s’agit surtout de rétablir des gestes épiques dans la culture visuelle populaire, d’écarteler les choses jusqu’à ce qu’elles deviennent impensables de beauté. Dans Dharma Guns, Ossang invente une poétique des images ultimes, les vertiges et réglements de comptes psychiques qui envahiront notre cerveau au seuil de notre mort, les lueurs et fulgurances qu’il faut extraire encore de son argentique bien-aimé.

Génération Néant. De la poésie en société de contrôle

La meilleure introduction à l’énergie ossangienne nous est fournie par un Cinématon, son portrait par Gérard Courant. Il s’agit du  Cinématon °52
,  
”fait à Perpignan (France) le 10 avril 1979 à 15 heures”. À cette date, Ossang est ainsi présenté : “Profession : chanteur, écrivain, éditeur”, en effet, il est basé à Toulouse où il a fondé la revue Cée et les Cééditions, il n’a pas encore réalisé de films. Qui a vu un Cinématon en connaît le principe immuable : un plan fixe, une bobine de film, une auto-mise en scène. F.J. Ossang choisit d’avancer vers la caméra, il rugit, si près qu’il semble la dévorer comme dans le célèbre film de James Williamson, The Big Swallow (1901), puis s’en empare et se met à courir, transformant le calme dispositif de Gérard Courant en déchaînement visuel et gymnique. Cet appétit d’ogre pour le cinéma se manifeste aussi d’emblée dans ses premiers textes publiés. Le numéro 7 de la revue Cée, éditée par Christian Bourgeois, dans les colonnes de laquelle se succèdent entre autres John Giorno, Pierre Molinier, André Masson, Bernard Noël, Christian Prigent, Jean-Luc Parant et une figure clé dans l’univers d’Ossang, le romancier surréaliste Stanislas Rodanski, contient le texte “Videoscripts & Chant tribal”, mixte furieux d’un manifeste, d’un journal, d’un scénario, d’une rêverie, d’un tract et qui se découvre rétrospectivement comme la plate-forme esthétique des films encore en gestation. On peut y lire, avec pour fond sonore les rumeurs d’une guerre civile mondiale et pour montage visuel une ponctuation d’encadrés comme autant de photogrammes et de futurs cartons filmiques (dont l’un emprunté à Raoul Haussmann) : “D’ailleurs, il n’y a jamais eu d’art : rien qu’une guerre incessée de sévices contre la durée sociale, pour la diversité du réel. Seulement et surtout des agirs pour désincarner le toujours ouvert !”

À l’instar de sa prose déchaînée, les films romantiques, punk et apocalyptiques d’Ossang relèvent d’un ethos de guerillero pour lequel tout fait arme : un point d’exclamation, une majuscule, un iris, un fondu au noir, un hommage à L’Aurore de Murnau, la description d’un amour inconditionnel. Autant de rafales lancées dans l’épais brouillage électronique en quoi consiste le monde. Chez Ossang, tout est combat, énergie enragée d’une lutte sans fin et sans issue contre l’ordre. Dès qu’il passe à la réalisation avec La Dernière énigme (1980), librement inspiré du traité situationniste de Gianfranco Sanguinetti Du terrorisme et de l’Etat qui venait d’être traduit en France, Ossang noue les énergies du constructivisme (pour la poésie de la fabrique), de Gil Wolman (il y parodie l’entame de L’Anti-Concept) et de W.S. Burroughs (pour la liberté de montage). Un film doit être un attentat : contre le sens commun, contre la tristesse, contre toutes les formes de domination, donc d’assignation et d’identification. “Dada Rock’n roll Guerillas. Le ressort de la guerilla est le REFUS d’un lieu de bataille déterminé. Guerilla Mentales : REFUS de tout registre culturel déterminé.”

Certains grands poètes, tels Jean Epstein ou José Val del Omar, estimaient que le cinéma, machine intelligente, possédait le pouvoir de déceler les harmonies selon lesquelles le monde est structuré ; un film du musicien F. J. Ossang, à l’inverse, revendique le chaos, le vertige, un pur et irréductible désordre. Il ne gère rien et surtout pas les émotions d’un spectateur réquisitionné, il ne raconte pas une histoire, il manifeste comment nous sommes en proie à l’Histoire, il nous bombarde de sensations et de splendeurs, il s’organise à la manière d’un complot auquel pour survivre personne ne doit tout comprendre, il invente un autre langage et d’autres codes à l’instar d’une société secrète ou de bagnards intrépides préparant leur évasion, il crée une explosion dans le cours du monde, une trouée lumineuse par où, peut-être s’échapper, peut-être mourir, sans doute les deux à la fois.

La Vitesse

Dans une telle entreprise, l’élément crucial devient la Vitesse. Rien ici ne défile comme dans le cours ordinaire du monde, rien ne s’aligne sur les ordres et les consignes de l’usuel : ni la diction des acteurs, aussi singulière et autonome que celle qu’a inventée Robert Bresson mais sur le registre complémentaire et fiévreux de l’agitato ; ni les gestes des personnages, aux corps mués par le speed ; ni l’enchaînement des actions, qui au lieu d’articuler tranquillement cause et conséquence se noue en vortex ; ni le rapport des images à leur présent qui, au lieu de fournir un simple reflet, vont quêter auprès des icônes passées (souvent Expressionnistes) les secrets du devenir, comme si la vérité de l’histoire collective se trouvait encryptée dans des dossiers dont on sait qu’ils seront déclassifiés au siècle suivant mais dont on devine aussi qu’entretemps ils auront été falsifiés puis détruits.

“Le cinéma c’est la dernière chance, l’art unitaire et collectif. Le cinéma est une grande force critique des autres modes d’expression, il revisite la littérature. Je pense qu’au XX° siècle le cinéma a bouleversé la littérature, le cinéma muet a été le surgissement d’un récit par réseau, qui excède le récit séquentiel. La spécificité du cinéma n’est pas de voyager hors du temps mais de créer une espèce de dislocation entre le temps et l’espace, qui répond à l’accélération du temps dans la société. Qu’on bondisse en avant, viennent ensuite les retours arrière, sauf que la mémoire n’opère que relativement. Ce retour arrière produit une perte dans le temps et finalement la lumière demeure plus ou moins la seule à mémoriser – à créer du futur. » (F. J. Ossang, La Gazette des scénaristes, n°15, hiver 2001).

Lux fecit

F. J. Ossang, noire lumière de l’intelligence et de l’amour. Les héros de F.J. Ossang se nomment Ezra Pound, Roger-Gilbert Lecomte, Josef von Sternberg, Orson Welles, Glauber Rocha ou Georg Trakl. Au détour d’une phrase, on apprend que pour lui les génies français sont Arthur Cravan, Jacques Vaché, Jacques Rigaut et Guy Debord. Pourtant c’est bien à Hegel, le grand inventeur du négatif, que revient la formule des courses vertigineuses des personnages d’Ossang vers l’illimité, du souffle ardent qui traverse cette œuvre : « Etre libre n’est rien, devenir libre est tout ».

Autres publications : Revue CEE (1977-79), Alcôve clinique (1981), Au bord de l’aurore (1994), les 59 jours, (1999), Landscape et silence (2000), Le Ciel Eteint! (2000), Tasman Orient (2001), Ténèbre sur les planètes (2006), WS Burroughs / Formule mort (2007)

Albums principaux de Messageros Killers Boys (MKB Fraction Provisoire) : Terminal Toxique (1982), l’Affaire des divisions Morituri (1984), Hôtel du Labrador (1988), le Trésor des îles chiennes (BO du film, 1991), Feu! (1993), MKB – live (1996), Docteur Chance (BO du film, 1998), Baader Meinhof Wagen! (2006).

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News from Rotterdam

Selon nos informations, la première de Dharma Guns s’est particulièrement bien passée, hier au festival de Rotterdam : salle comble (900 places, excusez du peu..), et Big Talk TV en ouverture.

Ce dimanche est prévu un interview sur le site du festival, qui serait aussi diffusé à la TV hollandaise.

Dès que nous avons le lien, nous vous le diffuserons, promis.

En attendant, quelques news en hollandais, dont l’annonce de la soirée ou les DJ seront : Elvire, Mr Nasti (MKB) et FJ Ossang
Et cette belle présentation en anglais

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Le film annonce de Dharma Guns

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L’affiche de Dharma Guns

Affiche Dharma Guns, FJ Ossangmerci à Nicole Brenez, cinémathèque française

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F.J. Ossang sera au FICUNAM de Mexico pour une rétrospective, du 24 Février au 4 mars

tout est dans le titre, mais si vous voulez en savoir plus, rendez vous sur leur site en (anglais)

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23 Fevrier 2011 : sortie de DHARMA GUNS en FRANCE !!!

Sortie nationale organisée par Solaris avec en prime une rétrospective des 3 premiers longs métrages de FJ Ossang :

  • L’Affaire des divisions Morituri
  • Le Trésor des Iles Chiennes
  • Docteur Chance
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RETROSPECTIVE DES FILMS DE F.J. OSSANG AU 40° FESTIVAL INTERNATIONAL DE ROTTERDAM (du 26 Janvier au 6 Février 2011)

RETROSPECTIVE DES FILMS DE F.J. OSSANG
AU 40° FESTIVAL INTERNATIONAL DE ROTTERDAM
plus d’infos sur leur site
du 26 Janvier au 6 février 2011 :
LA DERNIERE ENIGME (13′, NB, 1982)
ZONA INQUINATA (21′, NB, 1983)
L’AFFAIRE DES DIVISIONS MORITURI (81′, NB/couleurs, 1984)
LE TRESOR DES ILES CHIENNES (109′, cinémascope NB, 1991)
DOCTEUR CHANCE (97′, couleurs, 1998)
SILENCIO (21′, NB, 2006)
VLADIVOSTOK (5′, NB, 2008)
CIEL ETEINT! (23′, NB, 2008)
DHARMA GUNS (93′, NB/couleurs, 2010)
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