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Pierre Carles | ||||||||
Discussion à bâtons rompus avec Annie Gonzalez, productrice, et Roger Ikhlef, monteur Ruse de l’Histoire, faire un film sur le non-travail exige beaucoup de travail. Dans un restaurant japonais de la rue Rennequin, Annie Gonzalez, productrice et cheville ouvrière du projet, et Roger Ikhlef, exerçant en poète le sacerdoce de monteur, m’ont raconté l’aventure Volem.
Pierre a rencontré le duo Stéphane-Christophe lors d’un Festival à Perpignan en 2000. En discutant, ils se sont aperçus qu’ils avaient la même envie, celle de travailler sur des gens contents de ne pas aller travailler. Ils ont commencé à réfléchir sur le sujet de « Volem », à faire des enquêtes, des entretiens, à réunir de la documentation. Deux ans après cette rencontre, je leur ai proposé de passer à une recherche concrète pour aboutir au départ à un court-métrage. Quand j’ai vu les entretiens filmés par Stéphane et Christophe, je les ai trouvés très forts, très surprenants. La grande qualité du duo est sa bonne distance avec les
Je viens quand on me le demande et je choisis alors ceux avec qui je vois que ça va fonctionner. Car c’est dangereux d’être sur un mauvais film. Je dis souvent qu’un bon film rend bon et qu’un mauvais film rend mauvais. Tu peux tomber malade, car tu dois tout donner. Si tu donnes tout à un salaud, il te bouffe complètement. Ce n’est pas un hasard si, dans « la Misère en France », Bourdieu a montré une monteuse alcoolique !
La réflexion sur l’ego a été travaillée de l’intérieur. Les réalisateurs se sont posé sincèrement la question de ce que représente le bonheur personnel à partager pour avancer dans une aventure collective comme « Volem ». La notion collective est vraiment rare dans une oeuvre pourtant collective comme le cinéma…
Après « Attention », les recherches pour « Volem » ont donc continué. Avec Stéphane, j’ai élaboré un scénario très écrit pour le présenter à l’avance sur recettes et obtenir d’autres financements. Quand nous avons eu l’avance, à un moment donné, je me suis dit qu’il était temps de délimiter un temps de tournage et de s’y tenir. J’ai mis des dates butoirs et, en outre, je leur ai demandé de travailler avec un chef opérateur au son et à l’image, ce qu’ils n’avaient pas l’habitude de faire. On a également filmé les débats à l’issue des projections d’« Attention » que j’ai fait monter. Pour ne pas qu’ils soient submergés par l’énorme matériau qu’ils venaient de tourner, je leur ai proposé de travailler avec un monteur. J’ai pensé à Roger que j’avais rencontré à la fin du tournage de « 9m2 ». Je me suis dit que c’était lui qu’il nous fallait. J’ai pensé que son trajet direct et sensible à la matière tournée allait offrir une grande liberté et un nouveau souffle à « Volem ».
J’avais vu tous les films de Pierre et je les avais appréciés. Quand Annie m’a appelé, j’ai voulu discuter avec eux avant d’accepter. Annie m’a envoyé des cassettes. Il y avait au moins douze heures de matériel, j’ai choisi huit heures tout seul. Je suis descendu à Montpellier, on a projeté les huit heures, puis on est passé à quatre heures et j’ai fait mon montage, une version de trois heures qui était pour moi la plus belle. Le vrai travail se fait pendant la première projection des rushs. J’ai un chronomètre lumineux et un cahier pour noter les points forts, tout ce qui peut être articulé . La première lecture est la plus importante. Après quand tu relis un plan, tu n’as plus le même sens que la première fois, tu t’enfonces ailleurs. Il y a des phrases mélodiques qui ne varieront jamais, plus tu les écoutes, plus elles deviennent banales. Il faut donc avoir une confiance absolue dans ta première impression et la garder en mémoire.
Dans la grande version, il y avait la contradiction du film, son autocritique à la fin. Ils l’ont supprimé parce que ça fout la trouille. Il y avait de grands débats contradictoires avec des spectateurs qui prenaient à rebrousse-poil le spectateur. À mon avis, c’était la grande nouveauté du film. Moi, j’avais jamais vu ça. Même Rouch ne l’avait pas fait. Mais c’était difficile d’accepter une fin où le spectateur partait dans le vide, dans le vertige, dans la solitude. Il n’y avait plus de consolation. À l’heure du saké, Annie analyse pourquoi cette fin n’a pas été choisie?
On a tous fait un chemin personnel. Pour moi, c’était assez épuisant parce qu’il fallait faire le lien entre tous. C’était passionnant aussi. J’y ai pris beaucoup de plaisir, nous avons tous appris des choses. Mon inquiétude n’était pas de ne pas finir ce travail de plusieurs années mais de garder jusqu’au bout cette énergie, cette écriture apportée par Roger. La grande force du film est d’être très physique et très abstrait à la fois. Cela a pu se produire grâce à l’écriture des quatre personnalités qui y ont contribué.
La seule chose que je cherche, c’est la musicalité. C’est Beethoven. Ceux qui souhaitent là encore une fin heureuse ne liront pas les mots qui suivent, puisqu’ils disent que, sans le savoir, la productrice et le monteur de « Volem » passent non loin de l’immeuble de l’avenue Niel duquel Gilles Deleuze s’est défenestré.
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