| Le Professeur Choron vous salue bien (bande de cons)Mardi soir, j’ai profité d’un moment d’inattention de Christophe Kantcheff et d’Ingrid Merckx, les tauliers de la rubrique Culture qui se tapent tous les films en avant-première, pour leur piquer le carton d’invitation à la projection presse de « Choron dernière, vie et mort du Professeur Choron et de Charlie Hebdo », un film de Pierre Carles et Martin. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Professeur Choron, de son vrai nom Georges Bernier, a été, entre autres facéties, le fondateur de Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo. Le type chauve à porte-cigarette en pull rouge qui envoyait chier la terre entière, c’était lui. Autant le dire tout de suite, le docu vaut le détour. Évidemment, avec un tel personnage central, ça aide. Choron, qui exhibe sa bite comme Sarkozy sa montre, y est dépeint avec bienveillance, bien que les auteurs s’en défendent. La -trop- longue séquence consacrée au « retour sur les lieux d’enfance du Professeur », qui a le mérite de montrer un Choron sans fard, en atteste. Les quatre mains qui guident la caméra aiment leur sujet, même si elles ne cachent pas les mauvais côtés du bonhomme, au sommet desquels trône une solide réputation de gestionnaire calamiteux, qui aura précipité Charlie à la banqueroute. L’autre versant du film, pas le moins intéressant, s’intéresse à l’actuelle équipe de Charlie Hebdo, relancé en 1992 après plusieurs procès intentés par Choron pour empêcher l’utilisation du titre. A la tête de cette nouvelle rédaction, l’insupportable Philippe Val. Choron est rond comme un ptit ballon de rouge, Val est sec comme une trique. Quand il ne vitupère pas contre la terre entière, l’œil brillant, Choron a la banane. Quand Val ne fréquente pas les marches du Festival de Cannes en smoking, acoquiné de BHL (tiens donc), il tire la gueule. Et traite de « stupide », avec une rare condescendance, le reporter qui a l’audace de lui demander par quel miracle Charlie n’a rien fait de particulier pour rendre hommage au Prof à sa mort, en janvier 2005. Dans l’une des scènes les plus pathétiques du documentaire, Carles et Martin, dans le rôle des journalistes naïfs, interrogent l’équipe, attablée dans une belle brasserie, sur cette même question, le pourquoi de l’absence d’hommage au Professeur dans Charlie au moment de sa mort. Malaise à table. Autre question qui fâche, qui décide de la Une du journal ? « Avant, c’était à l’unanimité, maintenant, c’est lui qui décide », lâchent les employés en pointant du doigt Philippe Val. Les employés, il faut bien les nommer ainsi, les Cabu ou autre Wolinski, réagissant comme des sous-fifres apeurés face à Val, mâchoire serrée et faciès impassible, sauf pour esquisser un semblant de rictus, le regard froid, sans un regard pour ses « gens ». Rien n’est dit dans cette scène, mais la communication gestuelle et spatiale crache le morceau avec une froide cruauté : il y a un patron à bord et ses obligés, priés de suivre la ligne. A une autre occasion, dans une démonstration de lâcheté d’une rare limpidité, les mêmes Cabu, Wolinski, suivis par Val, bien entendu, nieront le rôle moteur de Choron, en mettant en avant Cavanna, toujours présent dans le nouveau Charlie Hebdo. Pas de chance, le même Cavanna, seul dans son bureau, face caméra, infirmera lui-même cette réécriture de l’histoire, en remettant Choron à sa juste place, celle de tête de proue du journal, tiré à l’époque par ces deux bourrins complémentaires. Il lui viendrait d’ailleurs presque la larme à l’œil, à Cavanna, en souvenir du bon vieux temps. A moins que ce soit une violente prise de conscience de ce qu’il est devenu, lui et ce journal, tellement loin de ce qu’il fut. « Choron dernière », c’est à déguster dans toutes les bonnes tavernes à partir du 7 janvier : www.choronderniere.com | |