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Pierre Carles | |||||||
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2 Octobre 1999 : Carles est embarqué au poste à l'occasion d'une action de la Coordination permanente des media libres (CPML, dont nous sommes membres), au moment de la cérémonie d'auto-célébration télévisuelle des 7 d'or. Le récit de cet épisode par Libération et l'Humanité. | |||||||
Pas vu à la télé : En face du Grand Rex où se tenait la treizième cérémonie des 7 d'or, sept journalistes et sympathisants de Télé Bocal ont été placés en garde à vue. Eclectisme d'une soirée entre grilles de télé et de cellule. Les cars de police s'alignent, côtoyant les limousines indécemment garées le long des barrières de sécurité qui encerclent le Grand Rex, où se tient la treizième cérémonie des 7 d'or. Le quartier est bouclé, façon Fort Knox. Un habitant lâche, les dents serrées : "Je pourrais passer ? J'habite ici." Le policier, pince-sans-rire, lui rétorque : "Je pourrais voir la carte d'identité qui me prouvera que vous habitez bien ici ?" Ambiance. À croire que le temps de chien a douché l'enthousiasme et la bonne humeur d'une soirée tout à la gloire du tube cathodique et de ses vedettes, smokings et robes du soir à l'avenant. Mais la cérémonie, si elle tolère à moitié les allées et venues des passants tentant, qui de voir une vedette, qui de rentrer chez lui, ne tolère pas la présence des médias libres. En début d'après-midi, vers 15 heures, un membre de Télé Bocal a été interpellé. "Ils ont porté plainte contre moi parce qu'on a dû faire sauter le cadenas d'une grille, afin d'accéder au toit d'un immeuble mitoyen du Grand Rex. On voulait y installer un émetteur qui aurait permis la diffusion de nos émissions. Mais ce cadenas, on l'a immédiatement remplacé !", se défend Michel, à peine sorti de ses cinq heures de garde à vue au commissariat du 2e arrondissement. La police a veillé à ce que "l'embastillé" se sente un peu moins seul derrière des grilles pas très cathodiques. Un peu plus tard devant le Grand Rex, Richard Sovied, journaliste à Télé Bocal tente caméra à l'épaule d'interviewer Pierre Carles, auteur sulfureux du brûlot Pas vu pas pris mettant en lumière la connivence politico-médiatique. "J'étais en train de répondre aux questions de Richard, lorsqu'un CRS m'a demandé de m'identifier. J'ai refusé de le faire comme la loi m'y autorise. Vexé, le flic a demandé du renfort et les choses se sont envenimées", ricane Pierre Carles. Les deux protagonistes se sont retrouvés ceinturés, puis mis à terre et menottés. Dans la foulée, deux journalistes, de Libération et du Parisien, qui couvraient l'événement, ainsi que deux membres de Télé Bocal, ont été embarqués, direction le commissariat le plus proche. Liberté de la presse, vous dites ? Quand Richard brandit sa carte de presse, le policier aboie vertement : " Pendant quelques heures, aucune information ne filtre du commissariat. À l'intérieur non plus d'ailleurs. "On est restés dans la cellule sans savoir pourquoi on était là. Au bout d'un moment, on nous a dit que c'était pour témoigner et vérifier nos identités", raconte Julien, qui vient juste de sortir de son interrogatoire, tout heureux de retrouver les autres membres de l'association et son matériel vidéo intact. "On a même récupéré notre banderole de contestation !" se console-t-il. Richard non plus ne repart pas les mains vides, montrant son assignation à comparaître : "Je suis convoqué au tribunal le 18 novembre à 13 h 30." Motif ? "Résistances avec violence", ironise ce journaliste avoisinant les soixante kilos tout mouillé, rigolant : "J'aurais frappé deux CRS. Le premier faisait 120 kilos, le deuxième deux têtes de plus que moi. De toute manière, les journalistes présents pourront témoigner", lâche-t-il. Ultime souvenir de leur passage, rédigé dans le carnet de suggestion du commissariat : "Laisser les journalistes interviewer Pierre Carles" ou encore "Ne pas défendre les soirées privées payées avec notre argent". Enfin libérés, tous se rassemblent autour d'un plateau de télé improvisé sur la plate-forme d'un camion de la Coordination permanente des médias libres (CPML), stationné avec autorisation en face du Grand Rex. Retour à l'envoyeur, les associations rendent une dizaine de téléviseurs à Catherine Trautmann, avec ce cri du coeur, inscrit en jaune pétant sur l'un d'eux, "fais-moi jouir". Et en filigrane, "nous réclamons l'accès aux ondes hertziennes". Sur place, Alain L'Huissier, président d'Ondes sans frontières (OSF), dénonce "la création de ce système uniquement alimenté par une télévision commerciale", ainsi qu'"un argumentaire qui prétexte l'absence de canaux libres afin d'empêcher à une télévision associative d'émettre". Rien que sur Paris, il en a déjà recensé huit de disponibles. Pierre Carles revient sur son "arrestation croquignolesque, qui prouve bien que ceux qui détiennent les rênes de la télévision aujourd'hui, commencent à flipper devant l'ampleur du mouvement lancé par les médias libres". À l'intérieur du Grand Rex, en coulisses, autre ambiance. Journalistes et microcosme audiovisuel en sont encore aux petits fours et au champagne, ne se souciant pas de ce qui se passe dehors et n'ayant d'yeux que pour le couple Lauby-Foucault qui officie sur la grande scène. Le lieu a des allures de défilé de mannequins : l'inévitable Adriana Karembeu, Linda Hardy ou encore Sandrine Dominguez rentabilisent leur forfait maquillage. Entre deux questions aussi pénétrantes que " Alors, ça fait quoi d'avoir un 7 d'or ? " et " Où allez-vous le mettre ? ", Jean-Pierre Pernaut, meilleur présentateur de journal télévisé (sic), intervient avec luminosité sur l'affaire. Genre : "Pierre Carles, c'est qui ça ? Pas vu, pas pris, c'est quoi ça ?" En revanche, Ruth Elkrief paraît plus au courant. Son sourire s'élargit à la seule évocation de Pierre Carles, et sa réponse fuse : "Je n'ai pas à vous répondre." Guillaume Durand, que la question interpelle franchement, nie "le danger que peuvent représenter ces télévisions libres sur les ondes". Voulait-il dire qu'il n'y a aucun danger que cela arrive un jour ? Emmanuel Chain, quant à lui, a du mal à y croire : "C'est hallucinant ! Mais les médias libres, c'est comme les petits producteurs face aux grandes surfaces." On est analyste économique ou on ne l'est pas. Pour Claire Chazal, "les médias sont libres en France. La preuve, vous pouvez m'interroger !" Elise Lucet, lucide : "Pierre Carles a été placé en garde à vue ? Il doit être content, alors !
Les «médias libres» s'invitent aux 7 d'or. Sur l'une des parois du panier à salade, un autocollant de Reporters sans frontières. «C'est sûr, ils vont nous faire louper les 7 d'or», ironise un des interpellés. Dans l'après-midi de samedi, cinq membres de la «Confédération permanente des médias libres» (CPML) et deux journalistes, du Parisien et de Libération, ont passé environ quatre heures aux mains des forces de l'ordre. Motif: «dégradation», «rébellion» et «trouble à l'ordre public». Récit d'une journée tohu-bohu en marge de la cérémonie des 7 d'or. 15 h 00. Quatre membres de la CPML dont Pierre Carles, réalisateur de Pas vu, pas pris un film censuré par Canal +, arrivent devant le Rex. A 19 heures, la CPML a prévu de manifester aux marches de ce lieu où s'est réuni le gratin de l'audiovisuel français pour assister à la treizième cérémonie des 7 d'or. Dans la journée, des télévisions membres de la CPML - non autorisées par le CSA (1) - ont émis illégalement pour prouver qu'il existe des fréquences hertziennes disponibles que leurs émissions peuvent parfaitement occuper, action analogue à celle du 14 juillet (Libération du 15 juillet). Dissensus TV, une télévision issue de l'association Pour voir Pas Vu, qui a permis la sortie en salles du film de Pierre Carles, entendait le diffuser sur le quartier via un émetteur placé sur le toit du Rex puis, grâce au même émetteur, retransmettre en direct la manifestation du soir et dérouler une banderole sur la façade du bâtiment. Le projet frise l'illégalité: il a fallu, la veille, s'introduire dans un immeuble adjacent au Rex pour y déposer le matériel. Cette fois, l'entrée est gardée par le service d'ordre de la cérémonie: Michel Fiszbin, de Dissensus TV, réussit à pénétrer dans l'immeuble, mais le reste de la bande est rudement refoulé par un vigile. 15 h 15. Le ton monte quand le vigile intime l'ordre aux protagonistes de rester sur place en attendant l'arrivée du chef de la sécurité. Arrivent quelques policiers en tenue (Compagnie d'intervention, les CRS parisiens) qui procèdent à des vérifications d'identité et partent à la recherche de Michel Fiszbin, caché dans un cagibi à l'intérieur de l'immeuble. 15 h 30. D'autres policiers arrivent en renfort. Explication de leur chef au journaliste de Libération: «Ils sont là parce que des sacs plastique ont été trouvés dans l'immeuble.» C'est alors que débarquent deux gendarmes en tenue bleu électrique: les démineurs sont là! Rigolades parmi les membres de la CPML restés dehors: les sacs poubelle ne renferment en fait que le matériel d'émission. 15 h 45. Intervention du directeur général du Rex, Bruno Blanckaert, qui plastronne en rappelant que son établissement fut le «premier à accueillir les radios libres». Il précise tout de même: «Je suis responsable au regard de la loi, je vais donc porter plainte mais de façon très symbolique.» L'objet de la plainte? «Dégradation»: un cadenas a été forcé. 16 h 00. Arrivée, caméra au poing, de Richard Sovied, journaliste à Télé Bocal. Il entreprend d'interviewer Pierre Carles: «Pierre Carles, que se passe-t-il?» Un policier fond alors sur Richard Sovied, empoigne l'objectif de la caméra et lui ordonne de l'éteindre. Pierre Carles tente un «laissez-le...» et se retrouve illico à terre, les poignets menottés. La main prise dans la sangle de sa caméra, Richard Sovied se contorsionne afin de préserver son matériel. Les policiers, de leur côté, parlent de «Rébellion.» Il est ceinturé, menotté et maintenu brutalement à terre par quatre agents. 16 h 15. Le groupe - journalistes du Parisien et de Libération inclus - est mis à l'écart des passants qui commencent à s'interroger. Palpation et fouille par un policier qui découvre un couteau Laguiole dans une poche: «- C'est quoi ça? - C'est pour faire les sandwiches.» Tout ce beau monde est embarqué au commissariat du IIe arrondissement. 16 h 50. L'affaire va durer environ trois heures: attente dans un couloir, interdiction de téléphoner, de fumer, toilettes («WC détenus») surveillées et mise en garde à vue de Michel Fiszbin pour «dégradation» et de Richard Sovied pour «rébellion». Deux membres des forces de l'ordre auraient déclaré à l'officier de police judiciaire avoir été frappés. 19 h 30. A l'accueil du commissariat, sympathisants et journalistes, informés de l'interpellation, tentent d'accélérer leur libération. Vers 20 heures, le matériel saisi est rendu et le groupe des sept remis en liberté. L'émetteur sera finalement fixé sur un camion et la manifestation de la CPML sera donc bien retransmise. 21 h 00. Début de la treizième cérémonie des 7 d'or sur TF1. 00 h 45. Vincent Lagaf', animateur du Bigdil sur TF1, reçoit le 7 d'or de la «personnalité de télévision de l'année» l (1) A Paris: Télé Bocal, Ondes sans frontières, Dissensus TV, Télé Plaisance, Télé Tolbiac. A Montpellier: Les mutins de Pangée TV. A Tours: Sans canal fixe. A Bordeaux: TV sans frontières et Aquitaine TV. A Besançon: Haro TV. A Marseille: Primi Tivi, Midi Rouge et Taktik ainsi que la Fédération des vidéos des pays et des quartiers dans plusieurs régions de France. | |||||||