Cher Philippe, Je me demandais si tu allais me faire signe pour mexpliquer ce qui avait motivé la suppression dune partie de mes propos dans linterview publiée dans Charlie hebdo du 3 février dernier
Mais ne voyant rien venir, au bout de trois semaines, je me décide à técrire. Jaimerais en effet que tu me dises pourquoi une phrase a disparu de lentretien avec les membres du groupe Zebda, retranscrit par Olivier Cyran qui à ma demande me lavait faxé avant publication. De même, pourquoi as-tu fait retirer mon nom du titre en page 10 du journal, ce qui aboutit du coup à un contresens ? Les lecteurs de Charlie hebdo ont dû être un peu surpris de lire dans leur journal : Zebda : « Ya pas darrangement » avec la télé alors que les membres du groupe toulousain disaient à peu près le contraire dans lentretien. Lorsque jai rencontré Joël, Magyd, Mouss et Tayeb, le 21 janvier dernier, pour discuter de leurs passages à la télévision et débattre avec eux de lintérêt de se rendre ou pas dans des émissions de télévision (comme celle, par exemple, de Michel Field sur France 3), ils estimaient quil fallait parfois accepter de collaborer avec le petit écran pour avoir une chance de se faire entendre. Je défendais une position nettement moins conciliatrice. Je nai donc pas bien compris comment notre entretien initialement titré P. Carles / Zebda : « Ya pas darrangement » avec la télé (ce qui résumait à la fois ma position et constituait un clin dil à Zebda en référence à leur chanson « Ya pas darrangement ») sétait subitement retrouvé amputé de mon nom. Ce dernier absent, le titre de larticle se transformait en simple jeu de mots et dénaturait même le sens de linterview. Etait-ce leffet recherché ? Cette disparition prend peut-être son sens quand on sait qu'une partie de mes propos non-publiés - avait trait à Charlie hebdo et à l'évolution de sa ligne rédactionnelle de ces derniers mois (soutien de son rédacteur en chef à l'opération de lOTAN lors de la guerre au Kosovo, appel à voter pour le candidat écolo-libéral Daniel Cohn-Bendit au moment des élections européennes). Dans le passage qui suit, les premières phrases ont été publiées par Charlie : Un jour, il y avait Denis Robert chez Delarue. Denis Robert, cest ce type qui a fait un bouquin pour expliquer pourquoi les affaires ne sortent pas. Ça ma énervé que Robert vienne parler de corruption et ne dise rien sur Delarue, qui se fait plein de fric grâce à sa maison de production. Il le dédouanait. Cest la même chose avec Field, qui a lui aussi sa boîte privée. Ces types-là se servent de vous pour entretenir leur image. Ils font illusion. Mais, dans l'entretien, j'ajoutais : Tout comme Charlie Hebdo, toutes proportions gardées, fait illusion grâce à des gens comme Charb ou Siné. Et un des membres de Zebda me répliquait : Je ne vois pas ça comme ça. Je ne crois pas que Charlie ait besoin dalibi. Ces dernières phrases ont disparu du texte de linterview. Je me souviens dun temps pas si éloigné où tu dénonçais la censure dont tu avais été victime à la télévision en raison de propos concernant la firme Vivendi. Je sais aussi, d'expérience, qu'on peut toujours invoquer des « raisons techniques » (pas assez de place, despace) pour dissimuler des choix qui sont d'ordre politique. Je serais très sincèrement désolé que tu t'inspires à ton tour de telles pratiques. Bien à toi, Pierre Carles |