Le journal d'un homme moderne

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#050502
Le hold-up

Un hold-up : dans un hold-up, le délinquant s'empare de vos avoirs et en use et en abuse à son profit, sans barguigner et sans remords. C'est donc un hold-up fort réussi qu'a accompli le délinquant Chirac aux dépens de ces bons cons d'électeurs français « de gauche », prouesse d'autant plus délectable que son auteur était déjà nanti des voix suffisantes pour gagner (mais c'est un glouton et les volés de désespérants gogos) et que les raptés s'imaginent encore que le Rapetou leur sera comptable des voix qu'il leur a volées ! La triste adresse qui suit est une déploration à destination de ces électeurs abusés parmi lesquels je compte nombre d'amis, de parents, de collègues, de connaissances, une femme même, c'est vous dire que le drame de leur immense connerie m'est un malheur.

Des bons cons par milliers : nous venons de vivre quinze jours terribles, terribles pour l'arithmétique électorale malmenée (tant d'absurdes comptabilités), l'histoire falsifiée (tant de fausses comparaisons et de citations curieuses), terribles pour ma boîte-aux-lettres remplie de messages stupides et redondants (de kyrielles de stratagèmes grotesques notamment, pour imaginer donner un poids et un sens à l'acte de voter, comme s'il était autre chose justement que l'addition d'atomes désocialisés —stratagèmes qui s'évanouirent subitement devant la grande menace de l'Annulation); terribles pour l'unanimisme totalitaire qui s'étalât dans les médias : un à un, du Medef à Noir Désir, de François Pinault à Olivier Besançenot, les associations anti-racistes, les éditeurs catholiques, les syndicats ouvriers, les partis socio-démocrates, les déportés, les flics, les juges, les chanteuses à voix, les rappeurs, les comiques troupiers, les journaux de Télérama au Monde en passant par Charlie Hebdo et Le Figaro plus L'Huma réconciliés, les dessinateurs humoristiques, les artistes conceptuels et les acteurs de boulevard, les écrivains à succès et les footballeurs et le formidable raz-de-marée de tous ceux qui s'étaient fait un devoir ou qu'on avait sommé de, tous sont venus plier un genou devant de Sauveur de la France et de la Démocratie Représentative réunies, le Grand Jacques (qui en a d'ailleurs profité pour fustiger quelques turbulentes marques de ralliement et, surtout, profité pour s'adonner à son kriegspiel partisan de droite favori).
C'était à dégobiller.

Un terrible aveuglement : par quelle mystérieuse transmutation tout le bon « peuple de gauche » a-t-il réussi à se convaincre que le fascisme était à notre porte et que « la droite » avait besoin de ses voix pour lui faire barrage ? J'arrive difficilement à le comprendre.
Il leur a fallu transformer Le Pen en Hitler, Chirac en démocrate à l'écoute des urnes, 20% des voix au premier tour en plus de 50% au deuxième, imaginer que la « résistance à la barbarie » s'était jamais réalisée dans les urnes; s'imaginer, avec l'arme de leurs bulletins JC, en insurgés de 1848, en résistants de 1940, en torturés chiliens, en combattants du ghetto de Varsovie, en Émile Zola et en dazibaoistes, [signalez vous-même ici le héros révolutionnaire qui vous inspira, je manque de votre imagination].
Il leur a fallu vouloir si fort être dans le camp des vainqueurs au soir de l'élection (même si ce camp est semé d'immondices), ne pas avoir été renvoyé (provisoirement sans doute) aux poubelles de l'histoire; se faire pardonner, allez savoir pourquoi, de ne pas avoir voté ou d'avoir voté selon leur cœur, pensez, ils avaient choisi un candidat qui leur convenait (Crime de Dispersion), sanctionné un pouvoir qui avait trahi ses promesses (Crime d'Irréalisme), ou la déliquescence d'un système (Crime de Retrait, le plus grave).
Il leur a fallu aussi, pour certains, mentir et organiser leur oubli, dire que Chirac, lui, n'avait pas de sang sur les mains (les canaques en rigolent encore, et tous les morts des guerres impériales des années récentes et les flingués des bavures policières etc.), qu'il ne s'était jamais compromis avec l'extrême droite (c'est la dernière blague à la mode à Dreux, et le grand Jacques s'est bien foutu de votre gueule avec ses quatre félons des conseils régionaux alignés), d'autres n'ont même pas réussi à s'expliquer, comme les rejetons dévoyés de Bronstein (Ç'aurait été retourné le piolet dans la plaie et parler de « front uni »...).
Tant de braves gens qui mettent un mouchoir sur leur Raison, qui s'oublient dans une communion imbécile; tant d'imbéciles aussi, « démocrates » inquisiteurs qui dressent les bûchers des déviants et construisent des dangers imaginaires.
C'était à pleurer.

Mais le plus terrible est à venir et vous en porterez la responsabilité :

— Car vous serez là, à serrer les menottes de l'immigré expulsé, à soutenir le bras du flic flingueur quand les bavures reprendront, vous donnerez le coup de main à l'huissier qui balance le matelas par la fenêtre, on vous filera les clefs des écoles et des postes fermées au nom de la Rentabilité, des usines vidées au nom du Marché, des maisons de redressement pour voleurs à l'étalage pré-pubères, vous contresignerez les programmes scolaires épurés et les lois liberticides, vous pousserez la chansonnette avec les politiciens égarés dans les émissions décérébrées, vous tirerez les chèques de la baisse des impôts en faveur de l'entreprise et du capital, vous muterez les « juges rouges » à Petaouchnok, la chasse aux pauvres et l'augmentation du contingent des insécures, des a-culturés, se fera avec votre accord explicite, votre assentiment, vous serez COUPABLES !
Que ce soit la clique chiraquienne, forte du plébiscite napoléonien que vous lui avez octroyé, appuyée sur le vote d'extrême droite (surveillez donc, chères belles âmes, les reports de voix de Droite aux législatives prochaines, lorsqu'un de vos candidats s'affrontera avec un candidat du FN au second tour...); que ce soit la « gauche de gouvernement », le flic Dray et ses Kelton à 200 000 balles, la catéchumène Royale et son prince consort, familialistes, antiféministes, sermonneurs, les deux jumeaux du capital Fabius et DSK, le bulldozeur de Vitry et contempteur des « dealers immigrés » de Montigny Hue, vous serez de ceux qui auront accepté la poursuite d'une politique qui a délaissé les classes populaires et nous a conduit droit dans le mur.

— Et les mêmes causes produisant les mêmes effets tant qu'on s'obstine à les ignorer, à botter en touche et trouver des pis-aller ridicules, dans cinq ans, vous aurez droit après cinq ans de lepénisme sans Le Pen, à un Le Pen propre, souriant, bien habillé, sans trop de casseroles pétainistes à sa traîne, un petit Berlusconi ou Haider, allié aux conservateurs à qui vous venez de donner un certificat de démocratie.
Celui-là poursuivra la politique du Capital avec la dose de violence étatique qui est désormais nécessaire pour contenir la protestation devant la violence économique sans frein, avec les armes médiatiques et culturelles modernes nécessaires à l'amoindrissement intellectuel qu'il réclame.

Et vous serez peut-être victimes, mais aussi RESPONSABLES et COMPLICES, pauvres et misérables cons !    

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