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’Église
catholique vient, une fois de plus, de manifester son sens profond de
la Charité, valeur sans doute inscrite dans les vertus théologales.
Ainsi, les évêques philippins demandent au président
le retrait d’une grâce conditionnelle octroyée à
Norberto Manero (Le Monde, 23/02/00), coupable de meurtre et
sacrilège, crime oublié par le droit pénal moderne
mais ressorti pour la bonne cause, celle de l’Opus Dei, par exemple.
Norberto Manero, en 1985, tue un prêtre, piétine son corps
et mange sa cervelle. Norberto Manero fait preuve d’un courage certain.
En dehors d’un sens indéniable de la performance, manger de la
cervelle humaine est l’indice d’un certain sens de la prise de risques,
manger la cervelle d’un prêtre, une cervelle putréfiée
par deux mille années de mensonges, c’est plutôt suicidal
tendancies !
En refusant tout droit au pardon, l’Église romaine exprime sans
doute « sa profonde expérience de l’humanité »,
comme l’affirmait un pontife romain défunt, celui qui exprima
un silence assourdissant face aux réprouvés de l’époque,
pour des considérations de haute diplomatie. La sortie du camp,
c’est par la cheminée, Dieu reconnaîtra les siens.
Pour l’Église, il n’est pas de droit au pardon pour les liquidateurs
de l’Aliénation. Un réflexe corporatiste pour une caste
qui a beaucoup de sang sur les mais, tout en prêchant sa Loi !
Un bon prêtre est un prêtre mort, cela vaut pour toutes
les religions. Cette formule te choque ? Elle a été
inventée par les yanquis. Le prêtre catholique, adventiste
ou faux témoin de Jéhovah doit être traité
comme il se doit : peste mentale, propagateur du pire des
virus, celui de l’infaillibilité de sa foi.
En condamnant Norberto Maneto, l’église catholique romaine a
fait très fort dan,s la démonstration de l’exemplarité
de ses vertus ; et dans la condamnation du vice.
Il y a juste un problème. C’est très bien de condamner
le cannibalisme, mais de la part d’une maffia qui, depuis deux mille
ans, bouffe le cerveau humain —ou liquéfie les consciences,
à l’instar du pseudo-miracle de San Genaro—, c’est plutôt
mal venu. L’Église romaine exhale trop de relents de pourriture
et d’escroquerie, la foi et le besoin de croire ne sont pas des arguments,
l’institution bureaucratique impériale s’est toujours distinguée
par son sens exceptionnel de la tolérance, tu parles ! Si
catholique veut dire « universel », le militantisme de l’église
a toujours eu ses cibles ! Celles que peuvent attester des
milliers de sorcières, d’hérétiques, sauvés
de l’Enfer par la grâce des dominicains —les chiens de Dieu—,
à l’aube des temps dits modernes. Le tribunal de la très
sainte inquisition est la matrice de toutes les horreurs modernes, justement,
celles qu’un tribunal pénal international ne pourra jamais juger.
Autant le rappeler : si des mollahs abrutis condamnent et
tuent, si des sous-merdes intégristes violent et font régner
la terreur dans le sud algérien ou au Pakistan, l’Église
a tué, sans aucun complexe, tué les cors mais aussi l’esprit,
proféré ses anathèmes, dogmes et autres encycliques,
contre tout ce qui pouvait remettre en cause son hégémonie.
Merde à Dieu, nom de Dieu !
L’Église a imposé son pouvoir séculaire par le
sang, par le feu, par la haine et par la peur, l’amnésie d’une
institution décadente et ses velléités de repentance
ne nous impressionnent guère. Parlons-en de la repentance !
Les regrets de l’Église pour les actes de barbarie commis en
son nom sont quand même assez tardifs ! Ainsi, en février
2000, le pape a exprimé ses « regrets », quatre
siècles après la mise à mort de Giordano Bruno,
philosophe et proscrit, par le tribunal du Saint-Office, la tristement
célèbre Inquisition. L’affaire mérite qu’on s’y
arrête, car les « regrets » du souverain-pontife manifestent
un certain sens des nuances. Jean-Paul II exonère les juges inquisitoriaux
car ceux-ci « étaient motivés par le désir
de promouvoir le bien commun ». Voyons en quoi consiste cette
vision du « bien commun », propre à l’Église : après
sept années de cachot, sans parler des tortures, Bruno fut conduit
à Rome, une planche clouée sur la langue —sans doute
pour le faire taire—, puis brûlé vif. Les crimes de Bruno
étaient insupportables pour l’Église, en premier lieu,
remettre en cause la prétention des théologiens à
dire ce qui est vrai et à juger de tout, au nom d’un dogme pour
lequel le doute était le premier des crimes. Il est dangereux
de douter car cela peut conduire au rejet des « certitudes »
héritées de la tradition. Dans sa vision de la pluralité
des mondes, dans son intuition d’un univers infini obéissant
à ses propres lois et non à un prétendu principe
divin, Bruno, dans le contexte de l’époque, celui de la Contre-Réforme,
attaque directement le monopole de l’église sur les savoirs.
En l’espèce, les prétentions de la théologie à
s’ériger en savoir absolu, car conforme aux « Saintes Écritures »,
et à contrôler, annihiler, toute forme de réflexion
critique, qu’elle soit scientifique ou philosophique. Cela, l’église
catholique romaine ne pouvait le tolérer, Bruno devait se rétracter
ou mourir. Giordano Bruno ne se rétracta pas devant le tribunal
de la sottise inquisitoriale, Giordano Bruno, qui haïssait « l’universel »
et le « vulgaire », eut le courage de déclarer : « Je
ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à
rétracter. » L’Église eut la rancune tenace puisque,
non contente d’avoir brûlé le philosophe hérétique,
elle brûla aussi ses livres le 7 août 1603. L’œuvre exprimait,
selon un décret pontifical, « une doctrine, fausse, hérétique,
corruptrice des bonnes coutumes et de la piété chrétienne. »
Rien moins que cela ! Remarquons au passage que l’Église
n’hésita pas au Xxème s. à canoniser le grand maître
de l’inquisition, le jésuite Bellarmin, qui mit à mort
Giordano Bruno ; et poussa la haine d’un penseur libre jusqu’à
ce que fut détruite la statue de Bruno érigée sur
le Campo dei fiori à la fin du XIXè s., lors de la conclusion
des accords de Latran avec le fascisme !
La statue de Bruno est toujours là, elle a toujours valeur de
témoignage contre l’ignominie du dogme catholique et ses capacités
à tuer l’esprit. Quant à la modernité de Giordano
Bruno, elle réside dans son attitude : s’attaquer à
ce que Flaubert appelait très justement « la sérénité
des imbéciles », prêtres ou autres dogmatiques contemporains.
Contre cette sérénité-là, on peut ne pas
être indifférent à la figure de Bruno, hérétique,
philosophe vagabond et nomade de l’esprit. Car, nous, on n’aime pas
les théologiens sédentaires, idiots, séniles et
leur prétendue « sagesse », on préfère
rappeler cela : « N’oublie pas, lorsque tu restes
immobile, la sueur qui coule de ton front creuse ta tombe —alors,
voyage ! » (proverbe gitan).
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