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’ai beau faire, j’ai du mal à me laisser
embringuer sans réticence aucune dans la croisade démocratique contre le petit Satan
carinthien Jörg Haider.
Non que ses gesticulations de mini-bête immonde m’amusent ou m’indiffèrent, ni
que je me sente dériver vers la banquise gaucho-bordiguiste qui posa une stricte
équivalence entre démocratie formelle et nazisme, non, simplement il me semble que sur
la vague anti-FPÖ on flotte en peu aimable compagnie.
Je ponds donc quelques notes à ce sujet, que je te prierai d’amender ou de conspuer,
ami lecteur.
Note 1 : comment distinguer entre fascistes fréquentables
et petits hitlers ?
C’est, en fait, pure convention, cher ami :
Écartons d’entrée les plus reconnaissables d’entre ces parias :
attifés d’uniformes bruns, noirs ou réséda, bariolés de svastikas ou de
leurs équivalents indigènes, ce sont de gros vilains, tout le monde est d’accord.
Attention toutefois, ami lecteur, à ne pas poursuivre de ta vindicte d’innocents
scouts, en démocratie de marché ça ne se fait pas, c’est comme péter à table;
s’ils ont été noyés par un prêtre taquin, tu peux cependant morigéner leur
sorte.
À l’exact opposé, les fascistes qui sont ou ont été
au pouvoir sans faire l’unanimité contre eux sont fréquentables, un point
c’est tout. Il en va ainsi, par exemple mais la liste n’est pas
exhaustive : des suisses qui ont un ministre au gouvernement collégial (un seul
pour l’instant ?); en Italie, des chemises noires du M.S.I. ou des nervis
lombards de Bossi; des bavarois enchristés de la C.S.U. pourtant copains de Haider; en
France, des renégats lepénistes ou mégrétistes récupérés à pelletées par la
droite française; en Amérique du Nord, des fondamentalistes chrétiens de Robertson et
de l’antisémite Buchanan qui ne seraient, pour sûr qu’innocents républicains
ou réformistes.
Le gars Jörg, quant à lui, est un peu con, il ne peut se
départir de références nationales-socialistes qui franchissent mal les cols alpins. À
sa décharge, notons toutefois qu’elles font un malheur à l’interne, dans son
petit coin de nature, nostalgique de l’Empire austro-hongrois et du grand Reich tout
à la fois, malmené par des décennies de coalitions de brigands conservateurs et
socdéms qui ne se privèrent par ailleurs pas d’entonner récemment l’antienne
xénophobe.
Note 2 : À qui profite l’unanimisme
anti-fascisme ?
Fastoche : jamais à toi ami anarchiste ou de la
gauche communiste mais toujours aux " démocrates " installés.
Pour la bourgeoisie de pouvoir, tu es ordinairement un amusant producteur de récréations
artistiques avant-gardistes à son usage et, plus récemment, on a pu remarquer que des
versions anémiées de tes diatribes nourrissent ses valets des classes moyennes à la
télévision, tandis que ta fougue musicale nourrit ses esclaves populaires et juvéniles.
Les meilleurs de tes compagnons, frappés d’entrisme, d’ambition ou de
vieillissement, deviennent d’excellents sénateurs socdéms, adjoints au maire de
Paris, inspecteurs généraux de l’éducation, éditorialistes et directeurs de
journaux, débatteurs télévisuels ou premiers ministres, qui sait ?
Pour les grandes occasions et les fêtes espagnoles, tu fais de l’excellente
chair à canonner par-devant ou par derrière.
Lorsque se profile, comme aujourd’hui, une bête
immonde de première ou de moindre catégorie, tu deviens chair à manifs : tu fais
nombre, défilant derrière le coordonnateur anti-extrême-droite Cambadélis,
accessoirement condamné comme complice d’un marchand de sommeil fascistoïde,
zyeutant la belle montre à 250 000 boules de l’histrion de SOS-Racisme Dray
etc., tu es, en somme, principalement destiné à fabriquer à divers socialistes de
marché, démocrates chrétiens et autres crevures conservatrices, une belle et
étincelante virginité démocratique !
S’il te plait, ami lecteur, n’oublie pas de conspuer ces guignols aussi lorsque
tu manifestes.
Note 3 : Alors, y’a bon les
démocrates ?
Notons d’abord que tout ce petit monde énervé par
Haider ne fait, dans le même temps, parvenir aux oreilles du sous-tzar Poutine que de
molles protestations sur ces agissements criminels aux marches de l’Empire.
Passons rapidement, en gros et sans détail, la revue quelques-uns de ceux qui grondent le
nouveau gauleiter :
Le Chirac qui sut condamner vertement Vichy est pourtant celui-là même qui trouve que
les nègres puent, qui partage le pieu d’une intégriste catholique, nourrit dans son
sein divers affidés à Laissez-Les-Vivre (pour lesquels avortement et holocauste
antisémite sont équivalents) et organisa avec Pasqua et Méhaignerie la chasse aux
étrangers; chasse fort peu amendée par Jospin et consorts, férus de double peine, de
charters et de sûreté intérieure, qui laissent périr les grévistes de la faim pourvu
qu’on en parle peu. Le second rôle Aznar couvre les tortures de sa gendarmesque,
exile les Basques emprisonnés, tandis qu’Outre-Manche, le si souriant Blair
réhabilite le travail forcé pour les handicapés, les mères célibataires et les jeunes
sans-emploi; plus loin, le scandalisé Barak peine à dé-légaliser la torture
judiciaire, félicite les briseurs de membres des ados palestiniens. Mais, outrecuidance
suprême, voici que s’avance, protestant lui aussi, Bill Clinton, en congé de la
campagne électorale hystériquement réactionnaire qui sévit actuellement par chez lui,
au pays de la peine de mort et des bavures policières...
Allez ! Produits toi-même
tes exemples, ami lecteur, je fatigue ! Mais, n’oublie pas que tous les salauds
ne sont pas post-fascistes, loin s’en faut...
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