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Fâché
à mort.
Laurent
James. Revue
CANCER!
[ Note de L'Homme Moderne : ce texte est un "point
de vue" extérieur au site; il n'engage que son auteur. ]
« Quel
pays merveilleux que l’Italie durant la période fasciste et
immédiatement après ! On pouvait passionnément
croire à la révolte ou à la révolution
qui ne modifieraient pas beaucoup la merveilleuse forme de vie que
nous menions. »
Pasolini, Écrits Corsaires.
'ai
pour habitude de conchier tout pouvoir s’inscrivant dans le champ
social, dans la mesure où il ne tire pas sa légitimité
d’un ascendant esthétique. C’est pourquoi je suis un non-démocrate
intraitable, le simple fait de tenir un bulletin de vote dans les
mains relevant pour moi d’une des plus rebutantes inélégances
qui soient. Et c’est également l’avis de la plupart des arabes
logeant dans les quartiers nord de Marseille, où je me rends
quotidiennement pour des raisons pécuniaires. Et puis, l’Idiot
ne vote pas : ce mobile seul justifie le refus de se rendre dans
un isoloir, afin de s’adonner à ce désir si horriblement
prétentieux que de « donner son avis ».
Tout ce qui peut se passer publiquement dans un pays démocrate
ne m’intéresse pas. Et puisque nous vivons encore dans un système
de communication qui nous oblige à nous déclarer antilepénistes
avant même d’ouvrir la bouche, voici tout de suite mon devoir
d’homme de bien : Le Pen est un ultra-libéral débile
(puisqu’il associe des valeurs sociales à un programme économique
à la Madelin, ce qui est strictement incompatible), Le Pen
est un ultra-jacobin de plus, il ne comprend rien à la littérature
et il semble être très méchant. Comment ?
Ce n’est pas suffisant ? Bon, c’est un enculé. C’est bon,
maintenant, je peux commencer ?
Ah, quel somptueux plaisir ai-je ressenti à l’annonce des résultats
du premier tour des élections présidentielles françaises
du 21 avril 2002 ! Mon dieu, quel ardent sourire décora
alors mon visage plein d’une enivrante béatitude lorsque je
découvris l’éviction de Jospin par Le Pen : la
surprise si intense, le visage de tous ces Ennemis défaits
par la terreur, les pleurs et la rage refoulée : la mèche
retournée d’Arditi, les plis faciaux de haine tenace de Guy
Bedos, le menton baveux de Sophie Duez, le désarroi vrombissant
d’Élie Semoun, et tous les autres que je ne vois pas, tous
ces détenteurs du pouvoir culturel, que tu définis à
juste titre comme le véritable centre de souveraineté,
et que j’imagine en totale déconfiture, la peur au ventre et
la honte à la boutonnière ! Mais elles ont honte
de quoi au juste, toutes ces petites bébêtes socialistes ?
Moi, j’ai sincèrement honte de faire partie d’un pays où
le dernier prétexte trouvé pour sécher les cours
consiste à fouler le pavé au côté des « manifestants
antifascistes ». Et alors ? Vais-je pleurer pour autant ?
Des milliers d’étudiants défilent dans toute la France
en exhibant leurs slogans d’encanaillés du dimanche, alors
qu’à peine la moitié de ces bourgeois tarés se
sont déplacés aux urnes. Non seulement ils ne votent
pas, mais en plus ils se veulent démocrates ! Le beurre
et tout l’argent, comme disait ma mémé frioule. « Du
sang sur les slogans ! Vive la police ! », s’écrie
Johann Cariou à propos des meutes antimondialistes. Et bien
en voilà un d’antimondialiste, les filles : Jean-Marie
Le Pen ! Un véritable combattant de la globalisation,
un pourfendeur de ce fameux nivellement culturel, qui irrite tant
vos susceptibilités de consommateurs intelligents ! J’ai
aujourd’hui 32 ans, c’est-à-dire qu’il ne me manque plus qu’une
année avant de connaître les joies de la résurrection.
La souffrance inextinguible qui me meurtrit durant mon entière
jeunesse, durement vécue sous le joug des années M6
et Canal +, de Séguéla et Jack Lang, resurgit aujourd’hui
sous la forme voluptueuse d’une immense fontaine de foutre. Oui, je
jouis d’abondance ; et ce n’est pas sous les caresses de Jean-Marie,
mais bien devant la terrible déroute de ces colonisateurs de
l’âme, que j’aimerais tant voir crever la gueule ouverte. Ma
haine infinie envers ces pourceaux cosmiques ne s’épanchera
dans l’exacerbation christique que lorsque je découvrirai l’échec
radical de Chirac le 5 mai. Toutes ces bonnes âmes, infects
moutons aveugles, pleurent déjà par avance à
l’idée de voter pour le loup noir de leur jeunesse militante :
ils veulent même enfiler des gants sur leurs doigts délicats,
pour bien montrer que ça les dégoûte vraiment
d’exprimer un avis qui n’est pas le leur ! Elles ont tout de
même leur quant-à-soi, les petites salopes ! Ces
monstruosités post-humaines, qui passent leur temps à
déclarer à propos du premier tour : « Les
français n’ont pas voulu ça » (ils sont sacrément
bien renseignés, et surtout extrêmement respectueux des
élections démocratiques au point d’en nier les résultats !)
possèdent un modèle archétypal : Julia-du-Loft,
l’artiste gauchiste des quartiers chic (Croix-Rousse, Montmartre ou
la Plaine, c’est selon), arborant fièrement ses livres de l’antisémite
Proudhon, hargneuse et extrêmement puante envers la seule arabe
du coin, perclue d’amour dégueulasse envers le seul noir cool
du coin, profondément asociale par métier, et
certainement promue aux plus radieux avenirs de directrice de galerie
branchée, passant sa vie à couper les couilles du moindre
plasticien un tant soit peu talentueux passant à sa portée.
Mon Dieu, quand je pense qu’il existe encore des jeunes hommes assez
cons pour être de gauche… N’importe quel débile acéphale
du F.N me semble beaucoup plus humain que ces déchets absolus
de la vie organique, et je préfère sans sourciller poursuivre
une discussion saine et franche avec un eugéniste aux idées
claires, plutôt que de me salir les poignets dans les éclaboussures
fétides d’une cervelle confusément humaniste.
Au risque de bousculer une vision fasciste et unitaire du front national,
j’affirme qu’il existe (au moins) deux types d’électeurs lepénistes.
Le premier est ouvrier, petit commerçant ou artisan ;
il est souvent immigré de deuxième ou troisième
génération : polonais, italien, portugais, espagnol
ou maghrébin (évidemment) ; il fait partie de ces
30 % de la population active dont le pouvoir journalistique ne
parle jamais ; il habite dans une banlieue, ou bien le quartier
pourri d’une grande ville (la Duchère, Château Rouge
ou la Savine, c’est selon). Il se fait chier et cracher dessus du
soir au matin par des tribus de jeunes connards pourris de fric, qui
l’insultent de « sale français » (moi,
ça me ferait pas plaisir) tout en se faisant passer pour des
victimes sociales dès qu’une caméra débarque
dans leur quartier. S’ils te foutent leur poing dans la gueule dès
que tu relèves les yeux, c’est parce que la mairie n’a pas
réaménagé leur salle de boxe qu’un de leurs potes
a détruite par désœuvrement ! Après une
nuit passée à essayer de dormir, le travailleur se fait
ensuite traiter de raciste par le pouvoir culturel en place dès
qu’il s’enhardit à exposer, dans des termes certes fort peu
raffinés, ses menus problèmes de voisinage. Ce n’est
que suite à quelques incendies de synagogues que les intellectuels
se sont décidés à le regarder autrement, après
trois bonnes décennies de mépris royal. Le marxiste
abellien Alain Soral s’est récemment vu octroyer quelques minutes
chez Ardisson pour évoquer ce type de personnage, en précisant
« qu’il devait nécessairement avoir le cœur bien
ancré à gauche pour avoir su éviter jusqu’à
présent le vote lepéniste ». Et bien
voilà, les temps sont aujourd’hui venus où son cœur
a basculé, d’un bord à l’autre de son large torse de
prolétaire. Une « grande actrice du cinéma
français » était assise à côté
de Soral : Anouk Aimée. L’analyse du sociologue a
tellement bousculé son univers de finesse et de dentelles mousselinées
qu’elle a fui dans les coulisses pour boire courageusement un verre
d’eau. Elle doit sûrement être aujourd’hui en première
place d’une manif antifasciste !
Le second type de l’électeur frontiste est fils de chef d’entreprise.
Il a le visage lisse, goûte modérément au sexe,
et porte une écharpe bleu ciel. Il n’a jamais vu un seul arabe
de sa vie, si ce n’est Djamel à la télé. Contrairement
au premier, qui s’informe en regardant le JT de TF1, il est abonné
à Canal +. Les Guignols le font hurler de rire, et même
si les sketchs anti-Le Pen le font chier, il aime la dérision
d’une façon générale : Baffie et Laurent
Ruquier sont parmi ses favoris. Le militant qui danse gauchement de
joie bouillante au QG du FN le soir des élections, c’est lui.
Il est si naturellement de droite qu’il ne pense même pas à
l’affirmer, si bien que les nouveaux partisans, ouvriers venus de
chez Robert Hue, arrivent parfois à se persuader qu’ils sont
bien chez des adeptes de leur cause. Mais ils se trompent : Le
Pen est pour le licenciement sans préavis, contre les syndicats
et l’impôt sur les grandes fortunes. Mais comment l’ouvrier
pourrait-il le savoir ? Parmi les centaines d’interviews de Le
Pen lues et vues en vingt ans, a-t-il seulement pris une seule fois
connaissance de façon précise du programme du FN ?
Tous les journalistes qui se sont succédé dans la noble
tâche de soumettre le Borgne à la question se sont, et
ce sans aucune exception, penché sur les myriades de petites
phrases « malheureuses » de l’Indélicat,
spectacularisant ainsi radicalement la question politique, et laissant
dans l’ombre la plus totale le projet du parti nationaliste. Mais
cela ne semblait gêner personne, et j’avais même entendu
il y a une petite dizaine d’années un militant du SCALP affirmer
qu’il n’avait pas besoin de connaître Le Pen pour le combattre !
Sacré valeureux petit guerrier, radieux d’incompétence
sereine. C’est aujourd’hui seulement que les journalistes se résignent
à parler sérieusement du programme frontiste, afin de
bien montrer à tout le monde que « ce n’est pas
un programme réaliste, mais populiste et démagogique ».
Contrairement à tous les autres, je présume ? Pour
ma part, je considère que le premier responsable du merdier
dans lequel nous pataugeons est le Journaliste. Sélectionnant
haineusement ses cibles, soudé par la chiasse à ses
confrères en tous genres, au sommet du pouvoir réel
(et je parle également du pigiste verbocruciste du Progrès
de Lyon) et affectant de ne pas l’être, vivant dans une
constante hypocrisie mauvaise et une perte de mémoire instantanée
(songeons que dès les résultats du premier tour, Elise
Lucet présenta les résultats d’un sondage exclusif quant
aux intentions de vote du second, malgré le peu de foi que
tout scientifique de niveau lycée technique accorde à
ce procédé), et responsable directement du néant
métaphysique qui corrode nos corps, le Journaliste doit être
mis à mort. Et si Le Pen ne devait rester que quelques jours
à la tête de ce pays après le 5 mai et une guerre
civile, je prie ardemment chaque jour qu’il puisse au moins en profiter
pour organiser quelques charniers salvateurs de reporters / critiques /
chroniqueurs / envoyés spéciaux. Ah, les lunettes
d’Arnaud Viviant dans la chaux vive !
Ni
droite, ni gauche : Antifrançais !
Amicalement,
Laurent
James
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