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suis citoyen français, je ne vis pas en démocratie ! Ceux qui
se prétendent mes représentants sont des femmes et hommes qui ont
pris le pouvoir (je voudrais tant qu'ils/elles prennent plutôt leurs
responsabilités) au résultat d'un processus où, sans les non-inscrits
aux listes électorales, sans les abstentionnistes, sans les votes
non-exprimés, ils/elles ne représentent que le choix d'une petite
minorité. Je ne les reconnais donc pas comme mes représentants !
La
facilité est de considérer que la responsabilité de cette situation
appartient aux citoyens qui n'ont pas appliqué leur devoir d'expression
électorale. Mais je veux témoigner qu'une grande partie des citoyens
français n'ont précisément aucun moyen d'exprimer leur opinion !
Aux dernières élections, j'étais candidat conseiller municipal sur
une liste apolitique. J'ai alors découvert la pré-élection, dans les
coulisses de la république française, celle qui, par pressions morales,
financières et tout ce qui est humainement imaginable mais difficilement
attaquable en Justice (celle instaurée par les fameux représentants
non-représentatifs), a finalement empêché la liste d'être présentée
au choix des électeurs. La liste s'est en effet réduite proportionnellement
au taux de ses membres les plus influençables ou avec les points de
pression les plus manifestes. J'aurais alors voulu exprimer mon choix : « Aucun
candidat ne me convient ! » Mais cette république ne me
donne pas cette possibilité !
Ainsi,
je vois plutôt la responsabilité de cette situation dans le pouvoir
législatif. Le vote blanc est, c'est inscrit dans les isoloirs, un
vote nul ! C'est dommage, il pourrait représenter exactement
mon opinion : « Aucun candidat ne me convient ! »
Est-ce qu'un processus électif est démocratique si les citoyens n'ont
aucun moyen de remettre en cause le choix électoral qui leur est proposé ?
Est-ce qu'un élu est un représentant si une majorité qui voudrait
d'autres choix, n'a aucun moyen de le faire savoir ?
Ce
serait pourtant simple ! Une majorité de votes blancs dont la
sémantique et les effets seraient établis au travers d'une nouvelle
loi, et l'élection est annulée, reportée à un deuxième tour avec un
choix plus large, reportée jusqu'à ce qu'un élu soit réellement, dans
les faits, un représentant. C'est d'ailleurs le procédé appliqué pour
des élections en entreprise lorsque le quorum n'est pas atteint. Les
moyens concrets de rendre un panel de candidats plus ouvert ne sont
pas limités, sinon par le manque d'imagination ou le désir manipulateur
d'avoir des élections fermées, orientées, normalisées, dépendantes,
oligarchiques. De même, s'en trouverait probablement catalysée l'imagination
des candidats pour communiquer leurs projets avec des moyens plus
aptes à convaincre ceux qui ne sont plus dupes de la rhétorique politicienne
actuelle. Et ce sont probablement ceux qui souhaitent le plus pouvoir
dire : « Je veux d'autres choix ! » En passant,
si certains s'inquiètent de voir le droit de vote de moins en moins
utilisé, je vois dans l'argument précédent un filtre qui permet d'analyser
ce symptôme sous un jour beaucoup plus encourageant. Et si simplement,
les citoyens étaient de plus en plus conscients des vraies valeurs
de la démocratie ? De plus en plus conscients qu'elles ne sont
pas vivantes dans les lieux de pouvoir actuels ?
De plus, il y aurait un autre avantage de taille : les abstentionnistes,
les non-inscrits ou même les votants extrémistes n'auraient plus l'excuse
de manquer d'une expression de vote qui les représente. La république
serait dotée d'un outil de mesure du déphasage entre le monde politique
et le monde administré puisque les différences entre la non-inscription
aux listes, l'abstention et le vote blanc seraient limpides !
Aujourd'hui, à chaque résultat d'élection, le choix majoritaire est
le non-vote. Nous pouvons alors assister à un festival d'interprétations
plus ou moins subjectives pour légitimer le statut d'une élection
ou dénoncer l'élection d'un autre. Il me semble évident que le rôle
urgent des législateurs est de prendre en considération ce fait de
société et d'arrêter de se suffire de l'ersatz de démocratie dans
laquelle nous vivons. D'avoir le courage de faire face à la situation
et de savoir donner à la majorité des citoyens la possibilité de vraiment
élire leurs représentants.
Qui
sera président de la république française en 2002 ? L'élu d'un
système d'influence marketing ou l'élu des citoyens français ?
Personnellement, je voterai pour celui ou celle qui, en actes, saura
donner un sens réel à la " politique " et saura bannir ce
qu'elle est devenue : une machine à pré-éliminer les représentants
motivés par des principes créatifs pour leur préférer des acteurs
de la Norme motivés, avant tout, par le pouvoir et tous ces effets
liberticides inhérents. La démocratie est le pouvoir par le peuple ; seul
un vote blanc explicite et effectif lui donnerait, dans les faits,
le pouvoir d'enrayer la machine précitée.
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