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Nous n’avons pas à être fiers de constater que nous nous sommes acclimatés
à ce spectacle écœurant »
(Claude Courtot / Les Ménines)
Comparatif : Alexandre Adler / les astrologues.
Les astrologues, par leur fadaises, contribuent incontestablement
à la barbarie de notre temps. Ils accumulent, avec un art de la synthèse
remarquable, un nombre époustouflant d’inepties et parviennent, malgré
tout, à conquérir des esprit intelligents et d’ordinaire clairvoyants.
Alexandre Adler, quant à lui, commentateur infatigable et très envahissant
de l’actualité internationale, se révèle comme un expert dans l’art
de la propagande obscurantiste pro-libérale (« Les vrais démocrates
n’ont pas peur de l’OMC »…).
Mais, me direz-vous, quels rapports entre les astrologues et ce malheureux
Adler ? Et bien, à mon sens, ils ont en commun, dans leur entreprise
respective, l’objectif de faire croître une fiction confortable dans
la tête de leurs victimes : pour les astrologues, le destin,
comme super idéal de soumission des hommes ; pour Adler,
la croyance absurde dans les supposés potentiels du capitalisme.
Résultats : les astrologues et Alexandre Adler se révèlent,
tous ensemble, comme d’excellents pourfendeurs de l’insubordination,
et malheureusement, tout laisse à penser que leur combat visant à
faire admettre que tout changement de société est structurellement
impossible fonctionne pour le moment assez bien.
Pour le moment…
Parlons un peu révolution.
Qu’à mon âge (une petite trentaine), je puisse encore sortir
le plus sérieusement du monde des mots comme « révolte »,
« révolution prolétarienne », « Internationale »
(une bonne IVème de préférence), « jours meilleurs », « lendemains
qui chantent », « communisme », cela en choque plus
d’un.
Allez comprendre pourquoi ! Est-ce que vouloir changer le monde
est si mal vu que cela ? Pour avoir une réponse, balancez ces
mots au cours des dîners avec vos amis ! Cela peut être instructif,
et même parfois très drôle. J’ai notamment souvenir de soubresauts
et de rictus chez les plus calmes d’entre eux... Et puis cela permet
de mettre fin aux sujets de conversations assommants sur les différents
forfaits en cours dans la téléphonie mobile, sur la navrante évolution
de France Inter ou sur l’avenir incertain des start-up.
Des idées pour après la révolution
(si vous en avez d’autres, elles seront les bienvenues)
Pour commencer : je propose, afin de prendre les bonnes
décisions au bon moment, que les prochains soviets commencent par
imposer la dictature de la lenteur (et suppriment, par la même occasion
tout les mots qui rappelleraient les temps anciens, comme « performances »,
« efficacité », etc.).
D’urgence, après avoir rendu l’éducation permanente, il faudra rendre
la poésie obligatoire pour tous. On se récitera des poèmes dans les
transports collectifs qui auront remplacé les embouteillages et les
nuages de gaz carboniques. Ne pas oublier évidemment de procéder au
ratissage de tous les Parcs de loisir, de transformer le palais Brognard
en musée de l’horreur économique, de condamner aux travaux d’intérêt
général à vie (dans un premier temps) : Alexandre Adler, Jean Daniel,
Jean-Marie Colombani, Robert Hue, Laurent Joffrin, Luc Ferry, Thierry
Ardisson, Laure Adler, Serge July et Daniel Cohn-Bendit).
En attendant, quelques lectures pour ne pas sombrer dans la résignation
ou la dépression.
- Révolte.com de Denis Robert / (Les excellentes) Éditions
Les Arènes.
Denis Robert écrit comme certains flics dégainent, sauf que lui ne
répand pas la terreur autour de lui. Dans un cri de révolte ininterrompu
d’une centaine de pages, il met des mots derrière ce que bon nombre
d’entre nous, confusément, intuitivement, pensons de notre monde.
Contre les besoins factices qui nous parasitent, contre les illusions
qui perdurent, un témoignage qui aide à débusquer derrière notre passivité
l’insubordination qui sommeille en nous. Salvateur.
- Les Ménines
de Claude Courtot / Le Cherche Midi éditeur.
Claude Courtot, professeur, écrivain et ancien compagnon de route
des surréalistes, est une personne extrêmement attachante, un chic
type. Son regard flâne sur le monde contemporain, avec l’impression
sourde d’une rage inassouvie, et son lecteur peut en être si troublé
qu’il en oublierait presque d’être insouciant : « Il y a
[chez moi] une méfiance naturelle envers tout ce qui, de près ou de
loin, sous un déguisement ou un autre, prétend m’arracher au monde
réel pour me convier aux délices d’une autre vie. L’au-delà, tout
l’au-delà, oui, est dans cette vie ».
- Propagandes
silencieuses, Masses, Télévision, Cinéma d’Ignacio Ramonet, Éditions
Galilée.
Pour ne plus vivre complètement idiot. Un bon bouquin pour tout savoir
sur la « persuasion clandestine » qui voudrait faire de
nous des êtres mentalement aliénés, pour nous aider à repérer au quotidien
les canaux par lesquels l’idéologie dominante s’insinue en nous, pour
contrer la « décérébration collective » qui nous menace,
pour éviter de se distraire comme des imbéciles conditionnés en masses
festives et, en passant, pour mieux comprendre Apocalypse Now
et les épisodes de Colombo.
Lu dans la presse.
Une nouvelle telle qu’on aimerait en voir moins souvent : « Lionel
Tate est un petit Américain âgé de treize ans. Il vient d'être jugé comme
un adulte responsable de meurtre au premier degré par
une cour de Fort Lauderdale (Floride). Il risque la détention à vie
(sans possibilité de réduction de peine) ou l'exécution par empoisonnement,
les deux seuls choix laissés au juge qui devra statuer le 2 mars prochain.
Lionel Tate avait douze ans lorsqu'en juillet 1999 il avait comme
il l'avait vu faire dans des séries télévisées ceinturé
Tiffany Eunick, une fillette de six ans, pour la lancer sur une table
où elle s'est fracturé le crâne. Apparemment, Lionel était jaloux
de l'attention que la mère de Tiffany accordait à sa fille. Le lendemain
de la mort de la fillette, il est allé voir Mme Eunick-Paul une
mère célibataire pour lui demander s'il pouvait récupérer
les jouets de l'enfant. » (L’Humanité du 06 février 2001)
C’est pas dans Libération.
« Il y a un moment où l’humanité doit prévaloir sur le crime » : en
réclamant publiquement la libération de Papon, Robert Badinter et
Raymond Barre sont logiques avec eux-mêmes : « Que
le vieillard Papon sorte ou non de prison, le plus révoltant n’est
finalement pas là. Mais dans le fait qu’il ait failli n’être jamais
inquiété grâce à d’innombrables complicités de toutes sortes et à
tous les niveaux de la machinerie de l’État et des hommes qui
la composent. Cette solidarité, d’abord sociale car elle est celle
des gens au service d’une même classe, la bourgeoisie, c’est ce qu’expriment
Barre et Badinter. Et cela, quelque soient les considérations dont
ils l’enrobent ». (Lutte Ouvrière du 26 janvier 2001)
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