En attendant les barbares...
    

 
  Vlad Vlad  
 

Éloge de la sédition.

 
 

Daté 29/09/01.

 

 

    

i tant d’hommes demeurent la tête sous le joug, c’est après tout qu’ils le veulent bien ; la cruauté du tyran, dans l’exercice du pouvoir, ne saurait exister sans le consentement et la peur des esclaves. La puissance du maître, celle des dirigeants, réside dans une sorte de contrat implicite : les esclaves préfèrent souffrir plutôt que de le contredire (La Boétie) ; car il s’agirait de mettre sa peau en jeu, tout autant que ses propres certitudes. Les démocraties modernes fonctionnent comme des simulacres efficaces : elles organisent le consensus de la résignation. Où rien, bien sûr, ne saurait changer.

 Si l’homme de pouvoir fascine, il ne tire sa force que de la faiblesse du sot vulgaire —celui qui ne sait pas dire non— se contentant d’un bonheur misérable ou, au mieux, de déplorer l’état du monde, sans penser une seconde que, si le monde brûle, c’est qu’il est bon à brûler ! Il n’est pas de fatalité du malheur, pour autant que l’on sache en tirer les conséquences et, en premier lieu, lutter contre la conjuration des imbéciles qui domine ce monde.

II

 L’exercice du Pouvoir exige aussi bien la capacité à instrumentaliser la peur que l’aptitude à mentir en toute impunité. Pas question d’incriminer le discours du maître, modèle de vertu et de vérité ! Ce qu’avait bien compris Mazarin, cardinal et homme d’État —doublement haïssable à ce titre— dans son « Bréviaire des politiciens ».
« Si la population est soulevée par une vague de violence incontrôlable, prend pour porte-parole des hommes de Bien qui ramèneront tes sujets à la raison et à la soumission en leur rappelant la crainte de Dieu et le devoir de piété (…) »
Hitler invoquait sans cesse la Providence pour légitimer sa croisade contre le « judéo-bolchévisme ». Bush est persuadé que Dieu bénit l’Amérique ( !). Quant aux récentes déclarations de Berlusconi, elles ont le mérite de démontrer que la référence aux « vraies valeurs » est le dernier recours des oppresseurs quand le pouvoir tremble. Et il n’a pas fini de trembler !

III

 L’absolutisme n’est pas mort : revêtu des défroques de la démocratie, il se pare désormais d’un sentiment de supériorité incontesté et arrogant. Point de salut en dehors du catéchisme néo-libéral !
« Nous devons être conscients de la supériorité de notre civilisation (…), un système de valeurs qui a apporté à tous les pays qui l’ont adopté une large prospérité, qui garantit le respect des droits de l’Homme et des libertés religieuses. » (Le monde, 28/09/01).
En bref, selon Berlusconi, le capitalisme moderne apporte à la fois la « prospérité » et les « Lumières ».
Parlons-en de la prospérité ! Les indicateurs statistiques sont cruels pour les théologiens du néo-libéralisme ! Combien d’américains et d’européens qui végètent en dessous du seuil de pauvreté, promis au statut enviable de salariés flexibles, sous-payés, précaires, sur-endettés ; condamnés à survivre dans des conditions de merde, bouffant de la merde, et seulement « éclairés » par les « lumières » des networks de Berlusconi & Co qui leur expliqueront les « vraies valeurs » : frime, fric, chance, résignation, soumission. Pauvre con de Berlusconi, n’oublie pas que ton paradis néo-libéral n’est pas loin d’une usine classifiée Seveso. Et que ta prospérité pue l’asphyxie à court terme. Demain, les nuages toxiques ou autres rumeurs de guerre, troubleront le confort et la bonne conscience des crevures dont tu es l’archétype : entrepreneur, riche, con et fier de l’être ! Tes « valeurs occidentales » puent autant que les « valeurs islamiques ». D’ailleurs, inutile de criminaliser les opposants à la mondialisation en évoquant crapuleusement une conjonction probable entre ceux-ci et le terrorisme option Ben Laden, ce terrorisme, nous l’exécrons autant que toi-même car, en fin de compte, il fait ton jeu. Les massacres terroristes ont une fonction objective : servir la contre-révolution, renforcer l’État. Pour rétablir l’ordre, rien de tel que des tueries ! Cela, la Sainte-Alliance le savait déjà !

 « Ce qui est réel est rationnel », disait Hegel. Nous avons confiance dans les « ruses de la raison », face à un monde devenu dément. Une raison dont le lieu privilégié, malgré tous les crétins passés et futurs, reste l’Histoire. L’Histoire comme lieu d’accomplissement du principe de liberté ; un principe qui, tôt ou tard, aura raison de toi et de tes séides. Même si l’issue de la lutte est incertaine, son domaine s’étend ! Et ça, tu ne pourras jamais l’empêcher ! Il est temps d’annoncer la nouvelle donne, celle des révoltes contre la résignation, cet immonde sous-produit de la Peur !