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tant d’hommes demeurent la tête sous le joug, c’est après
tout qu’ils le veulent bien ; la cruauté du tyran, dans
l’exercice du pouvoir, ne saurait exister sans le consentement et la peur
des esclaves. La puissance du maître, celle des dirigeants, réside
dans une sorte de contrat implicite : les esclaves préfèrent
souffrir plutôt que de le contredire (La Boétie) ; car
il s’agirait de mettre sa peau en jeu, tout autant que ses propres certitudes.
Les démocraties modernes fonctionnent comme des simulacres efficaces : elles
organisent le consensus de la résignation. Où rien, bien
sûr, ne saurait changer.
Si
l’homme de pouvoir fascine, il ne tire sa force que de la faiblesse du
sot vulgaire —celui qui ne sait pas dire non— se contentant
d’un bonheur misérable ou, au mieux, de déplorer l’état
du monde, sans penser une seconde que, si le monde brûle, c’est
qu’il est bon à brûler ! Il n’est pas de fatalité
du malheur, pour autant que l’on sache en tirer les conséquences
et, en premier lieu, lutter contre la conjuration des imbéciles
qui domine ce monde.
II
L’exercice
du Pouvoir exige aussi bien la capacité à instrumentaliser
la peur que l’aptitude à mentir en toute impunité. Pas question
d’incriminer le discours du maître, modèle de vertu et de
vérité ! Ce qu’avait bien compris Mazarin, cardinal
et homme d’État —doublement haïssable à ce titre— dans
son « Bréviaire des politiciens ».
« Si la population est soulevée par une vague de violence
incontrôlable, prend pour porte-parole des hommes de Bien qui ramèneront
tes sujets à la raison et à la soumission en leur rappelant
la crainte de Dieu et le devoir de piété (…) »
Hitler invoquait sans cesse la Providence pour légitimer sa croisade
contre le « judéo-bolchévisme ». Bush est persuadé
que Dieu bénit l’Amérique ( !). Quant aux récentes
déclarations de Berlusconi, elles ont le mérite de démontrer
que la référence aux « vraies valeurs » est le
dernier recours des oppresseurs quand le pouvoir tremble. Et il n’a pas
fini de trembler !
III
L’absolutisme
n’est pas mort : revêtu des défroques de la démocratie,
il se pare désormais d’un sentiment de supériorité
incontesté et arrogant. Point de salut en dehors du catéchisme
néo-libéral !
« Nous devons être conscients de la supériorité
de notre civilisation (…), un système de valeurs qui a apporté
à tous les pays qui l’ont adopté une large prospérité,
qui garantit le respect des droits de l’Homme et des libertés religieuses. »
(Le monde, 28/09/01).
En bref, selon Berlusconi, le capitalisme moderne apporte à la
fois la « prospérité » et les « Lumières ».
Parlons-en de la prospérité ! Les indicateurs statistiques
sont cruels pour les théologiens du néo-libéralisme !
Combien d’américains et d’européens qui végètent
en dessous du seuil de pauvreté, promis au statut enviable de salariés
flexibles, sous-payés, précaires, sur-endettés ; condamnés
à survivre dans des conditions de merde, bouffant de la merde,
et seulement « éclairés » par les « lumières »
des networks de Berlusconi & Co qui leur expliqueront les « vraies
valeurs » : frime, fric, chance, résignation, soumission.
Pauvre con de Berlusconi, n’oublie pas que ton paradis néo-libéral
n’est pas loin d’une usine classifiée Seveso. Et que ta prospérité
pue l’asphyxie à court terme. Demain, les nuages toxiques ou autres
rumeurs de guerre, troubleront le confort et la bonne conscience des crevures
dont tu es l’archétype : entrepreneur, riche, con et
fier de l’être ! Tes « valeurs occidentales » puent
autant que les « valeurs islamiques ». D’ailleurs, inutile de
criminaliser les opposants à la mondialisation en évoquant
crapuleusement une conjonction probable entre ceux-ci et le terrorisme
option Ben Laden, ce terrorisme, nous l’exécrons autant que toi-même
car, en fin de compte, il fait ton jeu. Les massacres terroristes ont
une fonction objective : servir la contre-révolution,
renforcer l’État. Pour rétablir l’ordre, rien de tel que
des tueries ! Cela, la Sainte-Alliance le savait déjà !
« Ce
qui est réel est rationnel », disait Hegel. Nous avons
confiance dans les « ruses de la raison », face à un
monde devenu dément. Une raison dont le lieu privilégié,
malgré tous les crétins passés et futurs, reste l’Histoire.
L’Histoire comme lieu d’accomplissement du principe de liberté ; un
principe qui, tôt ou tard, aura raison de toi et de tes séides.
Même si l’issue de la lutte est incertaine, son domaine s’étend !
Et ça, tu ne pourras jamais l’empêcher ! Il est
temps d’annoncer la nouvelle donne, celle des révoltes contre la
résignation, cet immonde sous-produit de la Peur !
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