Vlad : Millenium.
21/10/99
e poids des générations mortes
nen finit pas de pourrir le cerveau des vivants. Enfin, ce qui leur sert de cerveau
: reptilien de préférence !
À la bourse des valeurs, les indices cumulés de la peur et de la bêtise améliorent
leur score. la peur devient un marché rentable. Lapocalypse a ses actionnaires,
pourvu que les retombées éditoriales ou sur le web se traduisent en termes de cash-flow.
Ça fait peur, mais ça se vend : argument imparable, qui concerne le dernier movie made
in Hollywood ou le nouvel ersatz mystique disponible sur les linéaires. Sectes, bazar
mystique, lApocalypse, cest très " tendance ".
Léconomie de la peur fonctionne à plein rendement. le futur est plein de
" trous noirs ", histoire de masquer une peur bien réelle. La peur du
vide, celle du non-événement total : lan 2000.
Lan 2000, il ne se passera
rien, du moins pour les media. Rien dautre quun sinistre recyclage dont on
connaît déjà les ingrédients : des catastrophes prétendument naturelles ; des zones
dombre sur les " zones grises " avec attentats, massacres et
meurtres en série. Ajouter la touche (obligatoire) de lactualité people,
publicitaire et commémorative.
Sans oublier une touche, tout aussi obligatoire dapitoiement humanitaire (excellent
pour les digestions difficiles). Menu invariable, quoique parfois avarié. Rien que de
très normal : lécume des jours...
Lactualité est soumise au même principe dobsolescence qui sapplique aux rasoirs jetables, à Alain Minc, ou aux " penseurs " post-modernes et autres philosophes de Cour. Durée dutilisation limitée. Après, cest direct poubelle...
Il nempêche quavec
la peur du Millenium, le temps cyclique revient en force : fin du devenir historique, fin
de lHistoire. Tout nest que retour de lidentique, du même. Reviens à
léternel, à limmuable. Fais gaffe à ton karma ! Après tout, le valium
nest pas fait pour les chiens.
Justement. Tas tout compris : CAVE CANEM !
La peur du Millenium a de quoi
nous énerver. Qui a besoin après tout de régresser au stade des terreurs de lan
mil ? Nostalgie de lhorreur ou envie de la fin du monde ? La peur du millénium,
rumeur de fin des temps nest au mieux quune régression totale.
Au commencement était la fin ! La catastrophe ! Manière d'ignorer que la peur de la fin
est d'abord peur d'un monde qui a perdu son sens, fonctionne comme théâtre absurde,
théâtre de l'Horreur : ingestion de boues animales, techniques de clonage
(anthropotechnologie) voire armes psychotroniques
Au Carnaval de l'Horreur les
rôles sont déjà bien distribués !
La perte de sens du monde n'est point liée au destin, au fatum, au hasard (1). Mais bel et bien liée à l'ordre des choses. Un ordre où les
choses, la valeur comptent plus que le vivant, comme dans le scénario d'une alchimie
négative où l'or devient boue. S'agit-il d'un mauvais rêve ? Tout le problème vient du
fait que le mauvais rêve est devenu réel. La catastrophe n'est pas à venir : elle a
déjà eu lieu. L'enfer, le Sheol n'est pas dans l'au-delà, mais bien ici-bas. À nous
d'en sortir (comment?).
On peut répondre que la raison
n'a pas à s'effacer devant des mystiques de bas étage. Tout cela pue comme le vieux
couple Peur/artefacts mystiques. Il faut avoir le Q.I. bloqué à 105 pour croire au new
age, au kali yuga, au qui jong ou aux "centuries". Ou ce qui n'est pas
incompatible le cerveau ramolli par la syphilis, l'absinthe, TF1 ou le stalinisme.
Ne nous faisons pas trop d'illusions cependant quant à une éventuelle "sortie du
tunnel". La force de la bêtise réside dans la non-pensée érigée en système. «
La bêtise au front de taureau » (Baudelaire) ou « la nuit où toutes les vaches sont
noires », comme le disait Hegel à propos de l'idéalisme de Schelling, qui croit que
l'attitude philosophique implique l'accès immédiat à l'Absolu. Imposture de l'Absolu et
de ceux qui en font leur fonds de commerce. Imposture du Millenium. On solde. Le futur est
à notre portée.
À portée de quoi au fait ?
P.S. : Si « le sommeil de la Raison engendre des monstres », il est temps de passer un pacte avec l'insomnie ! Ne pas dormir, cela vaut mieux que de mauvais rêves !
(1) W. Benjamin, d'après Adorno, explique pourquoi la tête de mort fonctionne comme objet-symbole de l'âge baroque. Qu'évoquent la confrontation à des orbites noires, vides, à un rictus grimaçant, sinon le face à face avec le néant. Celui de l'être face à un ciel vide ; où la vieille évidence théocentrique laisse place à l'angoisse.