Vlad : Prosperity Road.
05/12/99
e Roman nous ennuie. Enfin, un certain type de roman. En
particulier, l'écriture romanesque traditionnelle qui reproduit en toute bonne conscience
les codes hérités du XIXè siècle.
Reste qu'il y a autre chose. Des romans qui fonctionnent encore avec effet direct sur le
plexus solaire. C'est dur, brutal, mais c'est bon et c'est le cas de « KING
roman de rue » (Anonyme). (1)
Dans King, le narrateur un chien nous entraîne dans la banlieue improbable d'une mégapole tout aussi improbable. On se retrouve en plein no man's land. Pas exactement dans la rue de la prospérité, là-haut, sur les collines. Là où la néo-bourgeoisie, les nouveaux riches planquent leur charme si peu discret. Retranchés dans leur paranoïa froide, protégés par des herses, clôtures électrifiées et autres mouchards électroniques.
Non, on est tout en bas, en pleine zone suburbaine. Dans ces zones où personne ne va et où la Cité ce qu'il en reste recrache ses détritus, ses déchets non-recyclables. Y compris les déchets humains, les mutants du XXXIè s., les pauvres. Enfin, les plus pauvres. À ceux-là, il reste de vagues décharges parsemées de carcasses rouillées, de frigos pourris, de télés éclatées, de broussailles, de mauvaise herbe. À ceux-là, il reste les terrains vagues à côté de la M(2) 2000, dernier cercle avant l'Enfer où les pauvres essaient de survivre en s'arnaquant les uns les autres dans des cahutes de tôle, de carton et de plastique récupéré. Dans cette zone où les humains disputent l'espace aux rats, on meurt aussi, parfois. Mais quand un pauvre bougre meurt, brûlé vif par des jeunes cons, c'est aussi parce qu'il était imperméable à la religion des yuppies. Parce que « son hérésie était de ne pas avoir d'argent ».
« Tire-toi de là, sale chien ». C'est le
discours du riche aux plus pauvres en cette fin de siècle. Fin de l'alibi
humanitaire ! Haine de proximité, si l'on veut. Ou plutôt, haine issue du refus de
proximité : pas question de se côtoyer, à chacun son monde !
Aux pauvres, les riches laissent au moins quelque chose en toute
propriété : le désespoir. Ainsi, nous dit l'auteur de King, le
désespoir s'accroît avec la saison humide.
« Ici, le désespoir premier naît dès le moment où on n'arrive plus à imaginer qu'une chose puisse être à nouveau sèche. Le premier désespoir c'est l'humidité.
Humidité + Froid = Désespoir
Désespoir + Faim = Dieu inexistant à jamais
Dieu inexistant à jamais + Alcool = Je suis foutu »
Ici le désespoir est une équation à inconnues multiples !
Pourtant, dans le no man's land désolé décrit dans King,
les pauvres ne sont pas des bons pauvres c'est-à-dire des pauvres résignés. Ils
survivent, aiment, crient, se battent, se prennent des châtaignes (Chienne de
vie !). parfois, ils en reprennent ou en bouffent.
Il faut savoir accommoder les marrons. Alors, on ne résiste pas à l'envie de citer la
recette :
« Avant de les griller, il faut couper les marrons, sans quoi ils explosent. Une
entaille au couteau, dans le sens de la hauteur, de haut en bas. Comme ça, sous l'effet
de la chaleur, et grâce à cette fente, leur écorce s'ouvre comme un manteau qu'on
déboutonne. Et leur chair brûlante s'exhibe, un peu poudreuse par endroits, ridée à
d'autres, toute suppliante d'être dégustée. »
Il y a de la chaleur dans King. On en redemanderait
presque. Même si ça brûle, comme une châtaigne trop chaude
Et puis, il y a une autre raison d'aimer King ; c'est un chien qui parle. Pas un
chien bien dressé, un chien de riches, aussi idiot que ses maîtres ! Yorkshire ou
Rottweiller ! Non, un sale clebs, un chien de pauvre. Pas beau, abîmé. Mais vivant
et ne portant ni laisse, ni muselière. Bref, pas « un chien au service des
cochons », qui se « vend pour un salaire de chien ». Mais un chien qui
sait mordre, satisfaire les chiennes et porter sur le monde des humains un regard qui en
vaut d'autres