Pour
Ardisson, impertinence télévisée rimait
avec révérence à Messier
Thierry
Ardisson s’est agenouillé devant Jean-Marie Messier,
son employeur potentiel, lors de l’émission « Tout
le monde en parle » du 16 décembre
2000 (France 2).
PLPL
a retranscrit ce dialogue digne d’une anthologie de la servilité
(lire PLPL n°2-3)
-
Thierry Ardisson : Tout le monde en parle, c’est l’homme de
l’année, il est là, le voici, Jean-Marie Messier
! [...] Alors sur la quatrième de couverture,
en général, l’auteur la relit, il est écrit
que vous êtes l’un des maîtres du monde. Vous
l’avez relu, ça ?
-
Jean-Marie Messier : Ben oui, il paraît qu’on le dit.
-TA
: Donc vous l’avez admis maintenant...
-
Jean-Marie Messier : Ben moi je trouve ça assez rigolo.
D’abord vous n’êtes pas patron si vous n’êtes
pas un peu mégalo, non ?
-
TA : Oui
-
Jean-Marie Messier : Ce qui est un peu fou, c’est de faire
ce qu’on essaye de faire en ce moment, par exemple. De prendre
un petit groupe français et d’en faire un numéro
un dans les métiers de la com. Vous savez, ça
me rappelle un peu le slogan de 68 : « soyez réaliste,
demandez l’impossible ». C’est le genre de défi
que j’aime bien.
-
TA : Ah il est fort Messier. Très fort. Maître
du monde mais il arrive à nous parler de 68. C’est
bien. [...] Vous avez eu deux idées géniales
pour ce bouquin. La première, c’est le titre, J6M.com.
C’est évidemment de reprendre l’expression des Guignols.
Très bonne idée. Et puis vous dévoilez
votre salaire. Alors ça alors c’est tellement rare
en France des patrons qui dévoilent leur salaire. Vous
gagnez combien ?
-
Jean-Marie Messier : L’an dernier, j’ai gagné 20 millions
de francs brut, c’est à dire 7 millions de francs net.
-
TA : Audrey [une mannequin de vingt ans présente
sur le plateau], ça laisse rêveur, non ?
-
Audrey : Oui. Mais c’est quand même incroyable tout
ce qu’on se fait prendre.
[...]
-
TA : Alors Audrey, vous, ce qui vous choque en fait, c’est
pas tellement que Jean-Marie Messier gagne 20 millions par
an, c’est qu’il ne lui reste que 7 millions. C’est votre côté
américain, ça.
-
Audrey : Peut être. Mais je pense que tout le monde
est assez choqué de tout ce qu’on se fait prélever.
[...]
-
TA : Vous avez fait beaucoup de promo pour votre bouquin,
vous avez fait des télés, des radios, des journaux.
Quel bilan vous faites de ça ?
-
Jean-Marie Messier : ce que je trouve sympa, c’est quand vous
allez dans un endroit, comme en arrivant là sur le
plateau, il y a quelqu’un qui arrive avec le bouquin et qui
dit : « vous pourriez me mettre une petite dédicace ? »
-
TA : [...] Moi j’ai juste une question à vous poser
sur le look. Vous êtes un homme organisé, vous
préparez bien les trucs, vous êtes tenace, pourquoi
vous vous coiffez comme moi en gros. C’est-à-dire :
pourquoi avoir la raie sur le côté, pourquoi
ne pas avoir une coiffure un peu plus moderne ?
-
Jean-Marie Messier : Vous me préféreriez en
brosse ?
-
TA : Non mais je vous pose la question. Vous y avez pensé
à ça ?
-
TA : [...] Votre grande idée, vous avez eu une grande
idée quand même, et c’est ce qui fait notamment
votre force, c’est le parler vrai. C’est-à-dire que
finalement, à la différence des hommes politiques
et de certains animateurs de télévision, vous
vous imposez un devoir de transparence, et vous dites les
choses : quand on vous pose une question, vous y répondez.
[...] Alors vous êtes un grand patron mais en même
temps [...] vous avez un côté social qui vient
sans doute de votre éducation catholique. Catholicisme
social, tout le monde connais. [...] Alors Jean-Marie Messier
on peut dire aussi que vous êtes resté très
simple. Par exemple, vous faites du RTT, de la récupération
du temps de travail, c’est-à-dire qu’une fois par semaine,
le mercredi, vous allez voir vos enfants. Chez vous, je ne
sais il n’y a pas de tableaux, il n’y a pas de meubles anciens.
Vous dites : « je ne suis pas jet set ». Vous
n’avez pas une limousine avec les vitres fumées et
des assistants qui vous allument vos cigarettes par exemple ?
[...] Jean-Marie Messier, vous n’avez pas non plus beaucoup
d’épouses. Vous n’en avez qu’une. Non parce qu’avec
le pognon que vous avez, vous pourriez en avoir plusieurs.
Et vous n’en avez qu’une, voilà. Et c’est la même
depuis 20 ans en plus. Et elle est prof de physique dans un
lycée, donc vraiment c’est.. voyez... bon... vous êtes
simple, finalement. C’est la fille d’un général
en plus. Pour élever les enfants, c’est pas idiot.
[...]
« J’essaie
de vous critiquer, mais j’avoue que c’est très compliqué.
Dans le prologue de votre livre, en plus, vous vous critiquez
vous-même. Vous savez, vous êtes très malin.
Vous dites dans le prologue du livre : « Jean-Marie,
tu en fais trop ». Donc comme ça après
c’est difficile de vous dire : « Jean-Marie, tu
en fais trop « parce que vous l’avez dit dans le
prologue du livre.
-
Jean-Marie Messier : Ca c’est ce que j’entends tous les jours.
-
TA : Vous êtes d’une habileté redoutable !
Bon, vous en faites trop dans les médias, moi je ne
trouve pas. Enfin, vous vendez votre livre comme tout écrivain.
Pas plus que Frédéric Beigbeder en tout cas.
vous êtes grisé par cette notoriété
un peu soudaine ? [...] Beaucoup de colloques, beaucoup
de séminaires, vous portez la bonne parole. On vous
appelle Jean-Marie Messie. Vous le savez quand même.
Vous aimez bien quand même expliquer vos actions, vos
actes.
[...]
TA
: Les Guignols, c’est eux qui ont trouvé le titre J6M.
Vous savez ce qu’ils disent quand même : ils disent
: « Ça c’est ce qu’on fait à la télé,
mais entre nous, on l’appelle gros-cul ». Vous voyez
ce que je veux dire : vous ne les amènerez pas
à être gentils.
-
Jean-Marie Messier : Il ne s’agit pas de les amener à
être gentils. Le principal c’est qu’il soient drôles
et impertinents.
…
Et qu’ils rapportent plein d’argent.