Laurent
Joffrin organisait un « débat » entre
Philippe Val et Jean-Marie Messier.
Philippe
Val, dictateur du NEM (Non-Evénement du Mercredi,
ex-Charlie Hebdo), a accepté de servir de faire-valoir
à Jean-Marie Messier (lire PLPL n°2-3) :
« Quand, il y a deux ans, alors que Capa m’avait attaqué
en justice, Jean-Marie Messier m’a proposé un débat
public, courageusement, il m’a donné le choix des armes. » Mais
Val hésitait. « Et puis, quand on m’a proposé
un face à face dans l’émission de Laurent Joffrin
[Laurent Mouchard, journaliste menteur
plus connu sous le nom de Laurent Joffrin, est régulièrement
assommé de soliloques sur les Encyclopédistes pré-proustiens
administrés par son ami Ph.Val au cours d'interminables soupers
en tête à tête. C'est pour remercier Mouchard de sa bonté
que Val acceptera sans broncher de participer à son émission.
Lire PLPL n°0], « Diagonales », alors
que tout en moi disait « non », je me suis entendu
répondre « oui » ». (Editorial
du NEM « Pourquoi ce débat ? »
8.11.2000).
En
effet, Val ne refuse rien à son ami Laurent Mouchard-Joffrin,
directeur de la rédaction du Nouvel Observateur ;
c’est lui qui a organise le « débat » dans
le cadre de son émission « culturelle » sur
France Inter. Dirigée par Jean-Luc Hees, un ami de
Val, France Inter sert de machine à promouvoir les
œuvres de Val et les bavardages de Mouchard avec le Petit
reptile desséché Philippe Tesson.
Pour
Val, le débat serait courtois ou ne serait pas
Philippe
Val explique qu’une courtoisie bienveillante gênerait
davantage Messier que des questions perçues comme « agressives » :
« L’homme Messier ne se présente pas comme un
monstre hautain et méprisant. Il est parfaitement capable
de tirer avantage de son affabilité en face d’un contradicteur
agressif. À la fois, je pense qu’il y a une urgence
extrême à mettre son rêve, son projet,
son utopie, au cœur d’un débat contradictoire, et qu’il
y a un danger également extrême à laisser
penser au public que l’opposition à cet ultralibéralisme
échevelé est caricaturale, dogmatique, bornée,
faisant apparaître, par comparaison, la barbarie qu’on
dénonce moins barbare que ce qui la conteste. Jean-Luc
Godard m’avait prévenu : « Dans cette histoire,
le problème, c’est qu’on exagère des deux côtés.
Et si l’on exagère des deux côtés,
c’est forcément le côté de J.-M. Messier
qui l’emporte » (NEM, 8.11.2000)
Aimant
trop être aimé pour prendre le risque d’être
détesté par Messier, Val a plaidé :
« il est un homme, comme moi. Son monde, c’est aussi
le mien. Si, pour les humains, les façons d’exprimer
et de réaliser leurs désirs sont infiniment
diverses, nous avons un fond commun qui rend impossible de
considérer l’autre comme un « étranger » […]
On ne peut pas à la fois dire que la démocratie
est la seule institution où le bonheur n’est pas impossible
et refuser de parlementer. » (NEM,
8.11.2000) Emu, PLPL a pleuré.
Jean-Marie
Messier se déclarera quelques semaines plus tard tout
à fait d’accord avec son nouvel ami Philippe :
« Est-ce qu’on sera capable de sortir un jour dans
ce pays du débat manichéen : je vois quelqu’un,
je lui colle une étiquette, et du débat manichéen
droite/gauche. Ce débat manichéen ne veut rien
dire. Je suis à la tête d’un groupe qui se développe
à un niveau mondial. Je suis donc un partisan de la
« mondialisation ». En même temps, quand je
regarde sur le plan de l’environnement, quand je regarde la
vie de mes salariés, j’ai envie de me dire : qu’est-ce
que je peux faire pour que cette mondialisation soit plus
humaine. Alors cessons de poser des questions de principe
tranchées pour classer les gens et regardons plutôt
à partir de la situation donnée ce qu’on peut
faire pour aller ce dont nous avons tous envie : un monde
plus ouvert, plus tolérant. » (« Arrêt
sur image », La Cinquième, 11.12.2000.)
Le
débat Val / Messier fut courtois
Puisque
le monde de Messier était aussi celui de Philippe Val,
le dictateur du NEM expliqua au cours de l’émission :
« J’ai trente-cinq salariés, je n’ai pas en
tête le chiffre d’affaires. Les écarts de salaire
vont de 1 à 3 à Charlie Hebdo. Je suis payé
30 000 F environ pas mois. » (France
Inter, Diagonales, 5 novembre 2000) Plus loin, il déclare
qu’au NEM : « En terme de pouvoir, évidemment
les responsabilités sont prises par des gens qui se
sont retrouvés à devoir pouvoir les prendre,
à pouvoir les prendre. » À la
différence de Messier, Val possède (avec Cabu)
la majorité du capital de son entreprise : il
est indéboulonnable, au grand dam de la majorité
de l’équipe.
En
conclusion, Val prie pour qu’il y ait « toujours » Messier
à la tête de Vivendi, seul moyen d’éviter
la prise de pouvoir d’un « fonds d’investissement
nazi » : « Je suis sûr que
Jean-Marie Messier est très attentif à ces problèmes
[d’autocensure des salariés de Vivendi]. Mais
il n’y aura pas toujours Jean-Marie Messier [...] Qu’est
ce qui empêche, par exemple, qu’un fonds d’investissement
nazi ou intégriste, religieux ou sectaire, mais qui
cache sa nature, qui agit anonymement, de racheter 20% de
Vivendi, trois mois plus tard que devient cette production
culturelle ? On édite La France juive de
Drumont ? » (France Inter, « Diagonales »,
5 novembre 2000)
Charlie
Hebdo était
le dépliant publicitaire de Vivendi
Diffusée
le 5 novembre 2000 par France Inter, la conversation Val/Messier
fut retranscrite dans le NEM, deux semaines consécutives
(Charlie Hebdo 8 et 15. 11.2000). À la « une » de
l’hebdomadaire, une manchette précisait : « Le
débat de l’année : J.-M. Messier / Ph.
Val ».
Son
issue fut jugée tellement favorable à Messier
que Vivendi diffusa partout le texte publié par le
NEM : « En jouant la provoc', Messier est
toujours un cran au-delà de ce que l'on attend habituellement
d'un patron, et cela ne peut le rendre que sympathique. Pour
Vivendi, ce battage est pain béni. » « Un
magazine interne, tout le monde s'en fout, il va directement
à la poubelle, explique-t-on chez Vivendi, mais une
interview dans «Charlie-Hebdo», cela circule,
parce que les gens trouvent cela rigolo et sympa de voir leur
patron là-dedans, il les surprend. » »(Libération,
4.12.2000)
Depuis,
Val entretient cette complicité avec le patron de Vivendi.
Dans le NEM du 2 janvier 2002, il critique Jean-Marie
Messier mais précise aussitôt : « Je
ne pense pas commettre une indélicatesse en citant
une conversation privée avec Jean-Marie Messier, puisque,
depuis, il a souvent eu l’occasion de répéter
en public ce qu’il me disait en tête à tête. »
Ne
pas vouloir commettre d’indélicatesse à l’égard
d’un patron de multinationale, c’est bien sage pour un journal
qui fut libertaire… Une telle prévenance n’est pas
de mise lorsque Val assimile le linguiste sardon Noam Chomsky
à un nazi (Charlie Hebdo, 19 juin, 26 juin et
3 juillet 2002)