Dossier Messier

 

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Comme Val, Philippe Sollers rencontrait Messier
et se vautrait à ses pieds

Par ses gazouillements, Philippe Sollers a successivement tenté d’attirer l’attention de Mao-Tsé-Toung, d’Edouard Balladur et de Jean-Paul II. En désespoir de cause, il a papillonné autour de Jean-Marie Messier (ex-factotum de Balladur). Le 23 juin 2001, le Figaro magazine publie sur trois pages un « Dialogue Philippe Sollers / Jean-Marie Messier ». Titre : « Je provoque, toi non plus ! ».

Extrait choisi par PLPL (le texte intégral figurait sur le site publicitaire de Messier www.J6M.com) :

Philippe SOLLERS - Faisons comme si les commentaires sur cet entretien avaient déjà eu lieu. Tout s'est bien passé, comme la suite va le prouver. Cette rencontre est en somme assez imprévue, vous êtes un océan, je suis une puce. Ce qui est intéressant ? D'imaginer qui notre dialogue va déranger.

Jean-Marie MESSIER - Oui.
[…]

Sollers  : -  Il y a un problème que vous évoquez bien lorsque vous parlez de la nouvelle économie : des gens sont affolés qu’il puisse exister une convergence entre libéraux et libertaires sur des sujets aussi importants que l’Europe, la création et la diversité culturelle. Je crois intéressant de les bousculer. C’est l’une des raisons de ma présence…

Messier : - … et l’une de celles pour lesquelles j’avais envie de cet entretien. Ce que j’aime chez vous ? L’homme d’art et de culture, mais aussi votre côté volontairement provocateur.

Sollers : - Mieux vaut la provocation que la censure !

Messier : - Surtout que vous maniez la provocation avec finesse …Et c’est là où je veux en venir . Voyez Internet, le réseau libertaire par excellence. Il a rencontré quelques ennuis ces derniers temps. Beaucoup de gens s’en sont réjouis. Pourquoi ? C’est à croire que les marchés perçoivent comme de la provocation qu’on puisse mettre en réseau n’importe quelle idée, quand on veut, où on veut, en une seconde.

Sollers : - Eh oui !

Messier : - Vous pratiquez la provocation avec un art extrême. Je le fais certes plus modestement, car un patron agit sous contrainte. Mais j’apprécie que vous n’ayez pas peur de secouer une société conformiste. On vient de traverser une décennie de conformisme sur tous les plans : économie, politique, littérature, cinéma et … même critique. Rien de pire que le critiquement correct ! Pour ma part, je crois que la vraie capacité de faire bouger la société tient à ce désir de faire passer un certain nombre de choses. Quand on écrit comme vous, quand on agit comme moi, la provocation est un devoir, faute de quoi on se trahit. […] Ce que je mets au-dessus de tout ? L'indépendance, la liberté.

SOLLERS - Voilà, nous sommes d'accord.[…] Votre nom signifie « petit chemin qui permet d'aller à la messe », le messier. Quant à Vivendi, c'est la musique ! C'est l'Italie ! Une sonate de Vivendi...

MESSIER - Vous avez raison, j'aime la musique, la latinité.
[…]

MESSIER - Mais beaucoup continuent à l'orée du XXIe siècle à penser comme s'ils étaient encore au XIXe siècle. En particulier ceux qui se disent qu'internet et les start-up, c'est fini. Ils n'ont rien compris.

SOLLERS - Rien !
[…]

MESSIER - Chacun dans notre position, nous devons faire l'éloge de la révolte. La pire des choses est d'être prisonniers des pesanteurs. Et même devant les totalitarismes qui continuent d'exister dans certains endroits, internet, voyez-vous, c'est un outil formidable.

SOLLERS - Absolument.

MESSIER - Chaque fois à Pékin qu'un magasin de vélo se transforme en cyber café...

SOLLERS - ... ou qu'on me joint sur un portable depuis la place Tien An Men...

MESSIER - ... oui, il y a un immense progrès.

À un moment, Sollers dont tous les livres sont salués par une salves de critiques unanimement louangeuses (le « critiquement correct ») ose dire : « Voilà trois siècles qu’on me traite de provocateur. En attendant, les livres s’accumulent et personne n’en fait mention. Ce qui est jugé ? La personne, son rapport à la société, son image, jamais son œuvre. » 

Philippe Sollers verra dans cet entretien une contribution décisive à l’avant garde littéraire ; il en imposera la publication dans sa revue moribonde L’Infini.