Nicolas
Sarkozy, ministre de l'Intérieur, achève de défendre
son projet : Qui ne comprend qu'il faut désormais tenir
compte de la désespérance des cinq millions de Français qui
ont choisi le vote extrême ? (...) Que pèsent les
protestations dites “anti-sécuritaires” lorsque la vie ou l'intégrité
physique des forces de l'ordre sont en jeu ?
Noël
Mamère dénonce la pénalisation de la misère. Il quitte
la tribune sous les huées. Julien Dray monte alors à la tribune
au nom du groupe socialiste.
Julien Dray : (...) A l'instar de Jean-Pierre Raffarin,
nous pensons qu'un délinquant est un délinquant. Il n'y a pas
ici, d'un côté les indécis, de l'autre les déterminés – n'en
déplaise aux manichéens. Oui, il existe un terreau propice à
la délinquance, mais cela ne justifie en rien l'acte délictueux.
On ne choisit pas le lieu de sa naissance, mais on choisit sa
vie – et l'on choisit de devenir délinquant. La société,
dès lors, ne peut trouver d'autre solution que la répression –
proportionnée à l'acte, et favorisant la réinsertion de l'individu.
Pour le bien-être de notre pays, je ne peux que souhaiter
votre succès. (...)Votre texte présente une certaine
continuité avec le plan stratégique préparé par le précédent
gouvernement. (...) Il faut être dur avec le crime mais
aussi avec les causes du crime (ndlr: slogan lancé par Tony
Blair). (...)
Nicolas
Sarkozy, enthousiaste, répond à Julien Dray : (...) J'ai
trouvé votre intervention courageuse et riche. Reposant sur
votre expérience d'élu de terrain, elle marque votre refus d'une
approche idéologique en ce domaine et je vous en remercie. Je
vous remercie également d'avoir reconnu la difficulté de notre
tâche, je suis, pour ma part, tout à fait conscient de celle
de mes prédécesseurs. D'où l'esprit dans lequel je viens devant
vous. Pourrons-nous travailler ensemble ? Pourquoi pas ? (...)
Monsieur Dray, je ne saurais vous dire le plaisir que j'ai
eu de vous entendre vanter comme vous l'avez fait le modèle
américain. Jamais je ne serais allé si loin ! Je vous remercie !
Le
président donne la parole à Manuel Valls pour une explication
de vote du groupe socialiste.
Manuel
Valls 4:
Je me félicite de la courtoisie qui a empreint le débat entre
le ministre et M. Dray. (...) L'insécurité est devenue
la première préoccupation de nos concitoyens. (...) L'intervention
de Julien Dray a été réaliste et objective. Elle indique que
nous vous soutiendrons quand ce sera nécessaire, car nous savons
que, trop souvent, policiers et gendarmes sont vilipendés et
agressés. (...) Le débat, s'il est mené avec sérénité,
permettra qu'un grand pas soit fait dans le rétablissement de
l'autorité de la République. La motion de Julien Dray doit donc
être appuyée massivement.
Maurice Leroy intervient pour le groupe UDF :
Le groupe UDF salue l'intervention de Julien Dray. (...) MM. Dray
et Valls ont su faire preuve d’esprit de responsabilité (...)
Pascal
Clément (madeliniste de la première heure) :
Je dois avouer mon émotion devant le concert de louanges qui
s'abat sur la tête de ce pauvre Julien Dray, qui n’en demandait
pas tant...
Enchanté
de sa prestation, Julien Dray plastronnera plus tard :
« Globalement, nous avons été plus offensifs que ne
l’attendaient nos adversaires 5. »
La réconciliation autour de la police de Pascal Clément, ancien
militant d’extrême-droite, et de Julien Dray, ex-membre de la
Ligue communiste révolutionnaire, aurait été soudée par un bon
mot de Clément : « Entre Julien et l’UMP, les seules
choses qui restent compliquées, ce sont les montres ! »
1
Le Canard enchaîné, 28 août 2002.
2
Régler en espèces une telle somme est interdit par la loi, que
fabrique le député Dray. Dray fut donc interrogé par ses amis
de la police. Ce gredin a néanmoins été aussitôt relâché, au
risque de le voir bientôt terroriser avec ses liasses d’euros
d’autres bijoutiers des quartiers difficiles, comme Van Cleef & Arpels,
rue de la Paix à Paris. Les montres à complication restent d’une
extrême précision pendant des décennies ; la « maîtrise
du temps » fait partie des fantasmes habituels des grands
patrons et autres hommes de pouvoir.
3
La loi de Sarkozy, maire de Neuilly-sur-Seine, gonfle le budget
de la police et favorise la répression des Sardonets (jeunes
Sardons).
4
Manuel Valls, ex-conseiller en communication de Lionel Jospin,
a déclaré au cours d’une réunion préparatoire du groupe PS :
« Arrêtez ! On n’a pas été battus aux élections par
trop de social-libéralisme, mais par trop de social-laxisme ! »
(Le Canard enchaîné, 24.07.02)
5
Le Monde, 9 août 2002.
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