À
la tête du supplément livre du QVM, Josyane
Savigneau exécute les basses œuvres de Ramina 1.
« Faire un portrait de Josyane Savigneau aujourd’hui,
c’est comme tenter un portrait de Staline de son vivant »,
a résumé un éditeur. Une attachée
de presse dissèque la source de son pouvoir : « Dix
lignes dans Télérama feront peut-être
vendre autant d’exemplaires qu’une colonne dans
Le Monde [QVM, ndlr], mais la vanité
des auteurs étant ce qu’elle est, il leur faut
cette colonne dans Le Monde. » Proverbiale,
la médiocrité intellectuelle du supplément
livre du QVM tient à une organisation « quasi-militaire »
des colonnes : « On a tenu à distance
ceux qui ne rentraient pas dans la soumission et favorisé
la multiplication des collaborations extérieures, précise
Nicole Zand, ancienne du QVM. De ce fait, le supplément
tourne aujourd’hui avec une masse de pigistes qui m’évoquent
le clientélisme à la romaine. 2 »
Pour aider le consommateur hébété face
à quatorze variétés de boulgour, Édouard
Leclerc a inventé la « marque-repère ».
Pour aider le lecteur hébété devant les
663 romans de la rentrée littéraire, Le Monde
des livres a inventé le « coup de cœur ».
Le suppôt de la littérature industrielle affiche
son talent de sélection au milieu d’un amoncellement
de navets. Ainsi, consacrer les quatre premières « unes »
de la saison 2002 à Philippe Sollers, Christine Angot,
Olivier Rolin et Pascal Quignard serait, selon la rédaction
du QVM, exercer « une nécessaire
fonction critique dans un monde dominé par la promotion-bulldozer 3 ».
Qu’on en juge à travers cet inventaire, très
partiel, des articles et émisssions consacrés
aux ouvrages promus par le QVM — et donc
« boudés par la promotion-bulldozer ».
Angot (« Campus » 05.09,
Les Inrockuptibles 04.09, Le Figaro-cahier
livres 06.09, « Tout le monde en parle »
14.09) ; Sollers (« Campus »
05.09, « Hyper Show » 05.09, « Metropolis »
07.09, Elle 09.09, L’Express 05.09,
Libération 06.09, Elle 16.09, Le
Journal du dimanche 15.09, Point de vue 18.09,
La Quinzaine littéraire 15.09, Le Figaro
19.09) ; Rolin (« Campus »
12.09, « Le Masque et la plume » 15.09,
« Les livres ont la parole » 22.09, Elle
09.09, Le Figaro Magazine 07.09, Les Inrockuptibles
29.08 et 11.09, Marianne 09.09, Marie-Claire
09, « Droit d’auteur » 22.09, « Vol
de nuit » 17.09, Elle 16.09, Voici
16.09, Le Figaro-cahier livres 13.09) ; et Quignard
(Lire 09, L’Express 05.09, « Le
Masque et la Plume » 29.09, Le Figaro Magazine
14.09, Marianne 16.09, Le Nouvel Observateur
12.09, Le Point 13.09). Tous sauvés des ténèbres
grâce à la hardiesse du QVM.
Le lecteur du Monde des livres ne consomme pas du best-seller ;
il se nourrit d’œuvres tout en « style,
élégance, distance et ironie 4 ».
Le bavardage littéreux du Monde des livres transfigure
ses achats. Selon le critique Pierre Jourde, l’auteur
distingué par la grâce du QVM doit de
préférence « s’employer à
faire signe qu’[il] est un grand écrivain,
audacieux, moderne (c’est-à-dire faire tout ce
que l’écrivain populaire ne fait pas) : absence
de ponctuation, auto-commentaire permanent, scatologie omniprésente 5 ».
Faire
un portrait de Josyane Savigneau aujourd’hui,
c’est comme tenter un portrait de Staline de son vivant
La nullité du chef de la rubrique « philosophie »
du QVM des livres est le seul point sur lequel tous
les philosophes français sont unanimes depuis trente
ans. Adorateur des États-Unis et de Jean-François
Revel, Droit est considéré comme
un des plus fameux crétins de sa corporation. S’il
partage cette réputation, patiemment acquise, avec BHL,
c’est que tout jeunes, déjà, ils avaient
vécu les mêmes émois : « La
plupart des “nouveaux philosophes” étaient
des amis. C’étaient des gens de ma khâgne. »
Une même ambition les taraudait : « Moi,
j’avais envie depuis que j’étais petit de
faire du journalisme . 6 »
Roger-Pol, auteur d’un Culte du néant,
n’a pas son pareil pour faire adorer à Josyane
les ouvrages « complexes » : « Prenez
l’exemple de Roger-Pol Droit. Parvenir comme lui à
rester simple sans devenir simpliste exige un talent certain
quand on a affaire à des ouvrages aussi complexes que
la philosophie morale de Kant par exemple . 7 »
Tous
américains !
Une vieille ganache reaganienne qui assimile régulièrement
anticapitalisme et nazisme, Jean-François Revel,
membre de l’Académie française, s’était
réjoui d’avoir vu son avant-dernier livre
pro-américain salué par le QVM des livres
:
« C’est une bonne surprise ».
Déja léché par Claude Imbert et Jacques
Julliard, son best-seller de 2002 à la gloire de
George W. Bush a été à nouveau
salué par le QVM des livres. Roger-Pol
Droit s’est porté volontaire pour cette sinistre
besogne.
À le lire, Revel incarnerait « l’honneur
des intellectuels » : « une
pugnacité et une intelligence rares. […]
L’antiaméricanisme diffère d’une
critique argumentée par sa malveillance fondamentale
et mécanique […] Aux accusations
des antimondialistes, Revel réplique que les pays
en voie de développement progressent économiquement
sous l’effet de la mondialisation et de la croissance
américaine » (QVM des livres,
13.09.02.)
Roger-Pol Droit espérait la Laisse d’or :
raté ! |
Comme
Savigneau, les lecteurs de l’organe central du PPA adorent
que la consultation des cours de la Bourse soit une fête
de l’esprit et que leur expérience des marchés
devienne transcendantale.
Droit pourfend lui aussi l’élitisme : « Je
ne suis pas un critique isolé dans le désert face
à une bibliothèque et qui prend ce qui lui convient.
Je suis critique dans un journal qui est en relation de concurrence
avec les autres journaux et les autres médias. »
Le QVM ne recule devant aucun débat d’envergure
— biopouvoir, histoire de la sexualité —
à condition que Roger-Pol « grille »
Maggiori, responsable de la rubrique « philosophie »
à Libération. « Quand
on se rencontre, raconte Roger-Pol, on s’entend très
bien. […] En public, ce sont évidemment
des relations de concurrence ! »
Comme le relevait l’Acrimed 8,
les journalistes du QVM ont atteint le stade de la fatuité
qui les autorise à penser que la critique d’une
œuvre est à peine moins importante que l’œuvre
elle-même. Dans une lettre imaginaire à Sartre,
Alain Rollat interrogeait : « Mais que resterait-il
de votre littérature, et de celle des autres, en dehors
des bibliothèques et de France Culture, si Bernard Pivot
et deux ou trois autres ne s’acharnaient pas à
veiller sur ces urnes ? » (QVM,
01.02.00)
Plus encore que la défense de Bush, l’exercice
préféré du QVM des livres est
le renvoi d’ascenseur. Pioché au hasard dans un
paquet malodorant de suppléments littéraires du
Monde, l’édition du 5 mars 1999 procurerait
à un jeune Sardon une initiation presque complète
aux pratiques journalistiques de la maison Ramina. Le Sardonet
déplierait d’abord Le Monde des poches.
Immédiatement, lui sauterait au visage un article d’Hervé
Kempf, journaliste au Monde, célébrant
la parution en poche d’un petit livre d’entretiens
de Daniel Cohn-Bendit avec deux journalistes du Monde.
Les yeux du Sardonet s’arrêteraient ensuite sur
une critique enthousiaste du Résident de la République
(format poche), un livre de Jean-Marie Colombani, directeur
du Monde. Perplexe, le Sardonet ouvrirait alors Le
Monde des livres du même jour. Et dégoulinerait
sur ses genoux une confiture de mots doux assemblés par
le vieil universitaire catholique de droite René Rémond
à la gloire d’un autre livre de Ramina (La
Cinquième ou la République des phratries).
Hoquetant de nausée et décidé à
détruire le PPA, le Sardonet n’aura peut-être
pas relevé la présence, dans la même livraison,
d’un entretien avec Georgette Elgey… co-auteure
du livre de Ramina. Cette aventure a ému PLPL.
Cher Sardonet, voilà ce qu’il te faut savoir sur
Le Monde des livres. Le supplément littéraire
du QVM n’explore pas tant « le monde
des livres » que les livres du Monde, de
ses collaborateurs, de ses alliés. Il ne s’agit
pas d’un supplément littéraire mais d’un
dépliant publicitaire. Avec un tel outil, Ramina et son
vizir moustachu [Edwy Plenel] assurent la promotion de leurs
propres ouvrages et de ceux de leurs sicaires : BHL (éditorialiste
associé au Monde), Sollers (éditorialiste
associé au Monde), Alexandre Adler (éditorialiste
associé au Monde), Alain Minc (plagiaire et
président du conseil de surveillance du Monde),
le Roi du téléachat (directeur des rédactions
moustachues du Monde) et Ramina (PDG du Monde)
bénéficient, quoi qu’ils écrivent
(ou plagient), d’une promotion servile dans les colonnes
du Monde des livres.
Longtemps les journalistes du QVM ont sué pour recenser
les livres d’universitaires ; désormais, les
universitaires sont convoqués pour chroniquer les livres
des journalistes du Monde. Si le politilogue René
Rémond se courbe pour lécher Ramina, c’est
un autre historien de Sciences Po, Jean-Noël Jeanneney,
administrateur de la Société des lecteurs du Monde
(comme Minc et Michel Bon…), qu’on siffle pour sanctifier
le petit livre teigneux de Daniel Schneidermann, Du journalisme
après Bourdieu (QVM des livres, 18.06.99).
PLPL, qui a décidé de publier un Annuaire
de la corruption intellectuelle, en offre, en avant-première,
quelques extraits
à ses lecteurs.
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