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dossierLE QVM DES LIVRES

   

 

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La culture, Ramina n’y comprend rien. Mais il connaît son rôle stratégique à une époque où tous les politiciens et les patrons, de Balladur à Messier, écrivent des livres — et où Alain Minc plagie et pille les écrivains. Faire et défaire les renommées, placer certains auteurs sur la ligne de départ des prix littéraires, enterrer les autres, sélectionner les ouvrages promus dans les librairies, produire les débats et composer les plateaux des émissions de télévision : tout cela, Ramina veut en être le maître. Son instrument : Le Monde des livres. Muriel Beyer, directrice littéraire de Plon, a avoué : « Pour des livres de qualité égale, un éditeur aura tendance aujourd’hui à accorder une certaine importance à ce que j’appellerais la “prime médiatique”. On aime bien publier des auteurs qui peuvent intéresser les médias. Tous les éditeurs qui vous diront le contraire mentent. » (Le Figaro, 04.06.02)

 

À la tête du supplément livre du QVM, Josyane Savigneau exécute les basses œuvres de Ramina 1. « Faire un portrait de Josyane Savigneau aujourd’hui, c’est comme tenter un portrait de Staline de son vivant », a résumé un éditeur. Une attachée de presse dissèque la source de son pouvoir : « Dix lignes dans Télérama feront peut-être vendre autant d’exemplaires qu’une colonne dans Le Monde [QVM, ndlr], mais la vanité des auteurs étant ce qu’elle est, il leur faut cette colonne dans Le Monde» Proverbiale, la médiocrité intellectuelle du supplément livre du QVM tient à une organisation « quasi-militaire » des colonnes : « On a tenu à distance ceux qui ne rentraient pas dans la soumission et favorisé la multiplication des collaborations extérieures, précise Nicole Zand, ancienne du QVM. De ce fait, le supplément tourne aujourd’hui avec une masse de pigistes qui m’évoquent le clientélisme à la romaine. 2 »

Pour aider le consommateur hébété face à quatorze variétés de boulgour, Édouard Leclerc a inventé la « marque-repère ». Pour aider le lecteur hébété devant les 663 romans de la rentrée littéraire, Le Monde des livres a inventé le « coup de cœur ». Le suppôt de la littérature industrielle affiche son talent de sélection au milieu d’un amoncellement de navets. Ainsi, consacrer les quatre premières « unes » de la saison 2002 à Philippe Sollers, Christine Angot, Olivier Rolin et Pascal Quignard serait, selon la rédaction du QVM, exercer « une nécessaire fonction critique dans un monde dominé par la promotion-bulldozer 3 ».
Qu’on en juge à travers cet inventaire, très partiel, des articles et émisssions consacrés aux ouvrages promus par le QVM — et donc « boudés par la promotion-bulldozer ». Angot (« Campus » 05.09, Les Inrockuptibles 04.09, Le Figaro-cahier livres 06.09, « Tout le monde en parle » 14.09) ; Sollers (« Campus » 05.09, « Hyper Show » 05.09, « Metropolis » 07.09, Elle 09.09, L’Express 05.09, Libération 06.09, Elle 16.09, Le Journal du dimanche 15.09, Point de vue 18.09, La Quinzaine littéraire 15.09, Le Figaro 19.09) ; Rolin (« Campus » 12.09, « Le Masque et la plume » 15.09, « Les livres ont la parole » 22.09, Elle 09.09, Le Figaro Magazine 07.09, Les Inrockuptibles 29.08 et 11.09, Marianne 09.09, Marie-Claire 09, « Droit d’auteur » 22.09, « Vol de nuit » 17.09, Elle 16.09, Voici 16.09, Le Figaro-cahier livres 13.09) ; et Quignard (Lire 09, L’Express 05.09, « Le Masque et la Plume » 29.09, Le Figaro Magazine 14.09, Marianne 16.09, Le Nouvel Observateur 12.09, Le Point 13.09). Tous sauvés des ténèbres grâce à la hardiesse du QVM.

Le lecteur du Monde des livres ne consomme pas du best-seller ; il se nourrit d’œuvres tout en « style, élégance, distance et ironie 4 ». Le bavardage littéreux du Monde des livres transfigure ses achats. Selon le critique Pierre Jourde, l’auteur distingué par la grâce du QVM doit de préférence « s’employer à faire signe qu’[il] est un grand écrivain, audacieux, moderne (c’est-à-dire faire tout ce que l’écrivain populaire ne fait pas) : absence de ponctuation, auto-commentaire permanent, scatologie omniprésente 5 ».

Faire un portrait de Josyane Savigneau aujourd’hui,
c’est comme tenter un portrait de Staline de son vivant

La nullité du chef de la rubrique « philosophie » du QVM des livres est le seul point sur lequel tous les philosophes français sont unanimes depuis trente ans. Adorateur des États-Unis et de Jean-François Revel, Droit est considéré comme un des plus fameux crétins de sa corporation. S’il partage cette réputation, patiemment acquise, avec BHL, c’est que tout jeunes, déjà, ils avaient vécu les mêmes émois : « La plupart des “nouveaux philosophes” étaient des amis. C’étaient des gens de ma khâgne. » Une même ambition les taraudait : « Moi, j’avais envie depuis que j’étais petit de faire du journalisme . 6 »
Roger-Pol, auteur d’un Culte du néant, n’a pas son pareil pour faire adorer à Josyane les ouvrages « complexes » : « Prenez l’exemple de Roger-Pol Droit. Parvenir comme lui à rester simple sans devenir simpliste exige un talent certain quand on a affaire à des ouvrages aussi complexes que la philosophie morale de Kant par exemple . 7 »

 

Tous américains !

Une vieille ganache reaganienne qui assimile régulièrement anticapitalisme et nazisme, Jean-François Revel, membre de l’Académie française, s’était réjoui d’avoir vu son avant-dernier livre pro-américain salué par le QVM des livres :
« C’est une bonne surprise ». Déja léché par Claude Imbert et Jacques Julliard, son best-seller de 2002 à la gloire de George W. Bush a été à nouveau salué par le QVM des livres. Roger-Pol Droit s’est porté volontaire pour cette sinistre besogne.
À le lire, Revel incarnerait « l’honneur des intellectuels » : « une pugnacité et une intelligence rares. […] L’antiaméricanisme diffère d’une critique argumentée par sa malveillance fondamentale et mécanique […] Aux accusations des antimondialistes, Revel réplique que les pays en voie de développement progressent économiquement sous l’effet de la mondialisation et de la croissance américaine » (QVM des livres, 13.09.02.)
Roger-Pol Droit espérait la Laisse d’or : raté !

Comme Savigneau, les lecteurs de l’organe central du PPA adorent que la consultation des cours de la Bourse soit une fête de l’esprit et que leur expérience des marchés devienne transcendantale.
Droit pourfend lui aussi l’élitisme : « Je ne suis pas un critique isolé dans le désert face à une bibliothèque et qui prend ce qui lui convient. Je suis critique dans un journal qui est en relation de concurrence avec les autres journaux et les autres médias. » Le QVM ne recule devant aucun débat d’envergure — biopouvoir, histoire de la sexualité — à condition que Roger-Pol « grille » Maggiori, responsable de la rubrique « philosophie » à Libération. « Quand on se rencontre, raconte Roger-Pol, on s’entend très bien. […] En public, ce sont évidemment des relations de concurrence ! »

Comme le relevait l’Acrimed 8, les journalistes du QVM ont atteint le stade de la fatuité qui les autorise à penser que la critique d’une œuvre est à peine moins importante que l’œuvre elle-même. Dans une lettre imaginaire à Sartre, Alain Rollat interrogeait : « Mais que resterait-il de votre littérature, et de celle des autres, en dehors des bibliothèques et de France Culture, si Bernard Pivot et deux ou trois autres ne s’acharnaient pas à veiller sur ces urnes ? » (QVM, 01.02.00)
Plus encore que la défense de Bush, l’exercice préféré du QVM des livres est le renvoi d’ascenseur. Pioché au hasard dans un paquet malodorant de suppléments littéraires du Monde, l’édition du 5 mars 1999 procurerait à un jeune Sardon une initiation presque complète aux pratiques journalistiques de la maison Ramina. Le Sardonet déplierait d’abord Le Monde des poches. Immédiatement, lui sauterait au visage un article d’Hervé Kempf, journaliste au Monde, célébrant la parution en poche d’un petit livre d’entretiens de Daniel Cohn-Bendit avec deux journalistes du Monde. Les yeux du Sardonet s’arrêteraient ensuite sur une critique enthousiaste du Résident de la République (format poche), un livre de Jean-Marie Colombani, directeur du Monde. Perplexe, le Sardonet ouvrirait alors Le Monde des livres du même jour. Et dégoulinerait sur ses genoux une confiture de mots doux assemblés par le vieil universitaire catholique de droite René Rémond à la gloire d’un autre livre de Ramina (La Cinquième ou la République des phratries). Hoquetant de nausée et décidé à détruire le PPA, le Sardonet n’aura peut-être pas relevé la présence, dans la même livraison, d’un entretien avec Georgette Elgey… co-auteure du livre de Ramina. Cette aventure a ému PLPL.

Cher Sardonet, voilà ce qu’il te faut savoir sur Le Monde des livres. Le supplément littéraire du QVM n’explore pas tant « le monde des livres » que les livres du Monde, de ses collaborateurs, de ses alliés. Il ne s’agit pas d’un supplément littéraire mais d’un dépliant publicitaire. Avec un tel outil, Ramina et son vizir moustachu [Edwy Plenel] assurent la promotion de leurs propres ouvrages et de ceux de leurs sicaires : BHL (éditorialiste associé au Monde), Sollers (éditorialiste associé au Monde), Alexandre Adler (éditorialiste associé au Monde), Alain Minc (plagiaire et président du conseil de surveillance du Monde), le Roi du téléachat (directeur des rédactions moustachues du Monde) et Ramina (PDG du Monde) bénéficient, quoi qu’ils écrivent (ou plagient), d’une promotion servile dans les colonnes du Monde des livres.
Longtemps les journalistes du QVM ont sué pour recenser les livres d’universitaires ; désormais, les universitaires sont convoqués pour chroniquer les livres des journalistes du Monde. Si le politilogue René Rémond se courbe pour lécher Ramina, c’est un autre historien de Sciences Po, Jean-Noël Jeanneney, administrateur de la Société des lecteurs du Monde (comme Minc et Michel Bon…), qu’on siffle pour sanctifier le petit livre teigneux de Daniel Schneidermann, Du journalisme après Bourdieu (QVM des livres, 18.06.99). PLPL, qui a décidé de publier un Annuaire de la corruption intellectuelle, en offre, en avant-première, quelques extraits à ses lecteurs.
    

 

 

 
 

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1 PLPL rend hommage au courage de son informatrice au Monde des livres, salariée de Ramina qui, bravant les représailles, n’a pas craint de nous faire parvenir les informations les plus disquafiantes pour ses chefs.
2 Source des trois citations précédentes : Livres Hebdo, 27 avril 2002.
3 Josyane Savigneau, présentation des huit « séquences » du Monde sur son site Internet, 09.02.
4 Josyane Savigneau, Le Monde des livres, 08.09.00.
5 Pierre Jourde, La Littérature sans estomac, L’esprit des péninsules, Paris, 2001, p.14.
6 Les citations de Droit sont extraites de Olivier Godechot, Le Marché du livre philosophique en France, de 1945 à nos jours, maîtrise d’histoire, université Paris I, 1996, annexes, p. 39-47.
7 Josyane Savigneau, Contrepoints, dossier « La critique : un métier ? ».
8 Acrimed, Action Critique Médias, est une vitrine universitaire de PLPL. Ses travaux sont consultables sur le site <acrimed.org>.