Parole d'experts

Réunis autour du plateau de « Ripostes », sur France 5, le 9 février 2003, les experts ont parlé :
– Emmanuel Todd, spécialiste des USA : « Tony Blair […] ne peut pas emmener l’Angleterre en guerre sans l’aval des Nations-Unies. »
– Nicole Bacharan, alias La Pie qui chante (en américain) : « Si effectivement les États-Unis intervenaient en Irak seuls, sans résolution de l’ONU, ce serait très grave, et je pense qu’on pourrait dire que l’ONU est morte. Mais c’est pas du tout la voie vers laquelle ils se dirigent. »

Jeanbar-la-guerre

Dans L’Express, 27 février 2003, Denis Jeambar, qui était moins gêné par le panurgisme au moment de la guerre du Kosovo, le dénonce dans le cas de l’opposition à la guerre contre l’Irak : « L’unanimisme est toujours un symptôme de dysfonctionnement démocratique. Le panurgisme pacifiste qui, ces jours-ci, envahit le pays est tout aussi révélateur de nos faiblesses. […] Nos emballements trahissent des défaillances plus qu’ils ne révèlent notre courage. En dépit des apparences, ils n’annoncent rien de bon pour la démocratie. »
Dans L’Express, 6 mars 2003, Jeambar récidive : « La lucidité et la résolution ne sont-elles pas du côté de César quand il dit «Alea jacta est» pour trancher une profonde incertitude ? Gavé de confort, le monde occidental ne veut plus courir le moindre risque. Même pas celui de se battre pour défendre ses idéaux. Nul ne semble vouloir entendre un Bernard Kouchner quand il dit : “La guerre est une très mauvaise solution. Mais il y a pis qu’une très mauvaise solution, c’est de laisser en place un dictateur qui massacre son peuple.” […] Comme le dit l’écrivain Pascal Bruckner, on ne peut “échapper à la dureté de l’Histoire en faisant étalage de bons sentiments”. »
Dans L’Express du 20 mars 2003, Jeambar se plagie : « L’anti-américanisme qui gagne l’Europe et qu’encourage, à travers le monde, notre diplomatie du pacifisme est lourd de conséquences : nous avons pris la responsabilité de rompre l’unité des démocraties et de nous appuyer à cette occasion sur des alliés qui partagent peu nos valeurs. Bref, nous avons choisi, délibérément, de diviser notre camp naturel et de nous rapprocher de nations qui n’y appartiennent pas. […] Notre pacifisme militant ressemble à une capitulation alors que s’impose une nouvelle menace dans les relations internationales, la progression continue d’un islamisme radical et d’États voyous qui se sont donnés pour objectif affiché de détruire les démocraties. »

Mouchard espère « une campagne éclair »

Le 20 mars 2003, Laurent Joffrin-Mouchard glose dans Le Nouvel Observateur : « Le réflexe pacifiste, celui qui anime une bonne part des protestataires, ne mène à rien. On sait, au moins depuis 1939, qu’il y a des guerres justes. Même quand elles provoquent des pertes civiles. On le sait d’autant plus qu’on a approuvé la précédente guerre du Golfe pour que soit punie une violation grave du droit international. On le sait d’autant plus qu’on a demandé l’usage de la force contre les entreprises désastreuses de Slobodan Milosevic en Bosnie et au Kosovo. […] La solution pacifique n’ayant pu prévaloir, il faut souhaiter une campagne-éclair. […] Elle représente la seule espérance digne quand sont aux prises une dictature, fût-elle affaiblie, et une démocratie, fût-elle impériale. » Deux jours plus tard, re-Mouchard, cette fois sur France inter, dans son émission « Feux croisés » : « La France doit être favorable à la victoire rapide des armées des démocraties. »
Ce qui leur permettra de préparer d’autres victoires rapides.

Claude Imbert continue de braire
(dans la mélasse)

Le fondateur du Point (l’hebdo de Pinault, de Minc, de Giesbert, de BHL et de Revel) explique ainsi une position française qu’il réprouve : « Nous avons, en France, une immigration islamique à ménager. Et sur les bras une politique arabe vache sacrée au Quai d’Orsay. […] J’y vois l’échappée belle d’une France souffrant encore secrètement de sa puissance perdue comme le mutilé souffre de son membre amputé. Le désir, donc, de semer dans l’imaginaire des peuples les cendres de sa légende dorée. […] Jusqu’à fâcher ses plus solides amis. » Puis Imbert s’en prend par réflexe aux grévistes sardons. Sa transition d’un sujet à l’autre est acrobatique : « La France d’aujourd’hui pousse sa tête dans les étoiles mais garde un pied dans les grèves et l’autre dans le déficit. Au pays des 35 heures, éperdu de protections de toutes sortes, perclus par le chômage et l’impôt, la grève pour “défendre le service public” saccage le service et punit le public. La politique d’en haut – les loopings diplomatiques de la patrouille de France – ne fera pas longtemps oublier la politique d’en bas, toujours enlisée dans la mélasse. » (21.03.03)
Un mois plus tôt, le 8 février 2003, Claude Imbert et Jacques Julliard dialoguaient sur LCI de l’intervention de Colin Powell à l’ONU présentant les « preuves » américaines. Le Figaro avait titré en « une » : « Irak : Powell ne gagne pas la bataille des preuves ». Ce n’était pas l’avis d’Imbert : « J’ai trouvé Powell assez bon. Mais c’est vrai que j’étais convaincu d’avance. » Et Julliard répliqua : « Si la guerre a lieu, je souhaite qu’elle réussisse. […] Je fais confiance aux Américains pour régler le problème de la guerre. »

Découverte du QVM : la propagande de guerre

Dans la chronique du médiateur, Robert Solé écrit dans Le Monde du 23 mars 2003 : « Les journalistes français ont appris – lors de la guerre du Golfe, et plus encore dans celles des Balkans – à se méfier de la machine américaine de communication. » « Et plus encore », qu’est-ce à dire ? Le Monde et les autres médias de la PQM [Presse Qui Ment] ne nous avaient-ils pas dit que le traitement de la guerre du Kosovo par les médias avait été « exemplaire » ?

Sollers et Brossolette lèchent Blair
et l’Amérique de Bush

Lors de leur débat hebdomadaire du samedi sur BFM, « À dire vrai », le 22 mars 2003, les deux stratèges ont exposé leur détestation de la France quand elle s’oppose aux États-Unis. Sollers s’indigne : « Nous sommes dans la situation ahurissante d’un pays qui décide, toutes forces confondues, d’être dans le même camp. Je trouve ça très inquiétant. » Sylvie Pierre-Brossolette, journaliste au Figaro Magazine, lui emboîte le pas en pestant contre un « terrorisme intellectuel qui empêche [les Français] de dire qu’ils sont pour la guerre, pour des morts. Dans les ressorts français, je crains qu’il n’y ait cette espèce de démission, ce refus de jouer un rôle actif, physique [sic] dans le monde. »
Après avoir répété la thématique fascisante du peuple veule que doivent dompter des guerriers au ventre plat, Brossolette explique le choix de Chirac hostile à Bush. C’est … la peur des « banlieues » : « Les banlieues auraient été beaucoup plus instables et les terroristes encouragés à agir si Chirac avait pris une position pro-guerre. Beaucoup de musulmans sont très excités et les enfants juifs vont en prendre plein la gueule. »
Tout cela débouche assez naturellement sur un éloge du « courage » de Tony Blair. L’écrivain mondain : « Voilà un leader qui ose braver son opinion publique. En France, je trouve que nous ne sommes pas une démocratie. » Brossolette opine : « Je le trouve très courageux. »

Les constats de Casanova

Dans l’émission « L’esprit public », sur France Culture le 16 mars 2003, Jean-Claude Casanova a exhibé son humanisme chrétien : « Je constate que depuis les bombardements sur la Libye M. Khadaffi s’est considérablement modéré. » L’éditorialiste associé du Monde avait également donné sa définition de la démocratie quelques semaines plus tôt : « Manifestement Tony Blair est l’homme d’État le plus courageux. Il faut manifester un sentiment de respect à l’égard d’un homme politique qui fait le contraire de ce que son opinion publique pense. »
Mais Casanova est aussi juriste. C’est donc sur ce terrain qu’il s’est montré le plus audacieux : « Encore une fois le droit international n’existe pas. Si les États-Unis interviennent en invoquant la légitime défense, comme ils ont le droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, personne ne pourra les condamner. Il n’y aura pas de violation américaine du droit international. » (23.02.03) Le 2 mars 2003, depuis Washington, Casanova a résumé l’ensemble de sa philosophie : « Je suis pro-israélien, pro-européen et pro-américain. » Ayant entendu cela, la directrice de France Culture, Laure Adler, Laisse d’or de PLPL, a défailli de volupté. Et elle a aussitôt confié une émission régulière à Jean-Claude Casanova. Seul. Que les Sardons se rassurent : il restera éditorialiste au Monde. Ramina l’adore : un Corse balladurien, et qui vénère l’Amérique... Il ne reste plus à Casanova qu’à devenir un prélat onctueux et hypocrite et il pourra alors remplacer le directeur du Monde.

Pascal Bruckner définit le courage

« Être courageux aujourd’hui en France, c’est être pour la guerre en Irak. Et, aux États-Unis, être contre. » (Le Point, 28.02.03) Être intelligent aujourd’hui en France n’est pas le fort de Pascal Bruckner. C’est peut-être pour cela qu’Edwy, quand il s’ennuie de Bernard-Henri (Lévy), se délasse avec son ami Pascal. Il l’a choisi pour rédiger la préface du Bilan du monde, édition 2003. Bruckner a aussitôt traité Attac de « maurassien  » [Charles Maurras fut le très antisémite directeur d’Action française qui appuya le régime de Vichy…]. Pascal a également tenu à « souligner la grande faiblesse théorique de la mouvance altermondialiste qui peine à dépasser le stade de la simple invective » (p. 7). Edwy étant ébloui par ce genre d’analyses, il a multiplié les demandes de textes adressées à Bruckner. Bruckner, dont l’inspiration historique est assez pauvre, a donc aussitôt défendu la guerre en Irak en assimilant Le Monde diplomatique à un fan-club nazi : « Si le débarquement de juin 1944 avait lieu de nos jours, gageons que l’oncle Adolf jouirait de la sympathie d’innombrables humanistes et radicaux de la gauche extrême au motif que l’Oncle Sam tenterait de l’écraser. » (QVM, 04.02.03) Enfin Pascal Bruckner a signé, toujours dans Le Monde, un texte de soutien à Donald Rumsfeld. Cette fois, il l’a fait avec les deux autres ruines intellectuelles qui traînaient dans les parages, Goupil et Glucksmann (04.03.03).

Le retour de la Pie qui chante (en américain)

Interrogée par France Inter, le 18 mars 2003, Nicole Bacharan, consultante médias et prof à Sciences Po, justifie la légalité de la boucherie yankee : « Il n’est pas absurde de l’interpréter [la résolution 1441 des Nations unies] comme une autorisation de recours à la force. Il ne s’agit pas d’argumenter indéfiniment sur des points de droit. […] George Bush peut présenter un argument correct. » Sur « Campus » (France 2), le13 mars 2003, La Pie qui chante (en américain) avait également étalé son génie, mais cette fois en se gaussant des pacifistes : « C’est génial d’être pour la paix ! Je veux dire, moi, je suis une femme, j’ai pas envie qu’on massacre des petits enfants irakiens. Mais je suis pas sûre d’avoir envie que mes enfants grandissent dans un monde où les États-Unis ne nous protègent plus. »

Montbrial rime toujours avec génial

Interrogé par France Inter, le 18 mars 2003, Thierry de Montbrial, éditorialiste associé au Monde, analyse la base juridique de la guerre que Bush vient d’annoncer : « Il y a le camp de ceux qui diront qu’elle est légale, il y a le camp de ceux qui diront qu’elle est illégale. C’est les armes qui décideront. »
Une telle définition du droit est inédite.


PLPL
n° 14, avril 2003 - page 9