Le temps des bouffons

 

Entre récupération et injures, la presse qui ment s’englue dans le traitement de la contestation. Elle présentait l’anarchisme comme le dernier produit tendance pour étudiants en art dramatique, le trotskisme comme un casting de télévision, le reste comme inexistant. Désormais, le Parti de la presse et de l’argent (PPA) s’expose au grand jour. Sur France Inter, un chef de L’Express (groupe Hersant / Dassault) a interpellé José Bové : « Est-ce qu’il n’y a pas dans le mouvement altermondialiste un rejet de la démocratie, c’est-à-dire un rejet du libéralisme ? » Depuis, le PPA s’époumone à gonfler les polémiques qu’il fabrique afin, par succession d’associations douteuses, d’assimiler résistance à l’air du temps et antisémitisme. Face à eux, les responsables contestataires pratiquent la politique de la fesse tendue (lire p.10). Ils défèrent à toutes les sommations médiatiques, s’exhibent devant les caméras, se dandinent devant les micros, répondent aux questions les plus bêtes. Ils ne font pas avaler ses cravates hideuses à Elkabbach, ils ne tirent pas les oreilles de pachyderme de Moati, ils ne font pas tomber Alain Duhamel de son solex, ils ne poussent pas des cris séditieux devant Arlette Chabot. Plaintivement, ils expliquent l’urgence d’un « autre monde » à ceux qui ont bâti celui-ci, y compris aux animateurs-patrons gavés d’euros. Quand le PPA a bien ri, il éloigne les importuns d’un coup de cravache. Avant de les sonner à nouveau pour le prochain spectacle.
Dans ce numéro, PLPL poursuit la publication de son annuaire de la corruption intellectuelle. Deux nouvelles rubriques l’enrichissent : l’économiste à gages et le sociologue de service, unis sur les plateaux de télévision comme les mâchoires d’un étau autour de nos crânes. Des crânes qui enfin se réveillent.
  

 


La lutte est acharnée mais
PLPL ne décerne la laisse d’or
qu’au plus servile.

 

La propagande en faveur de la Constitution européenne mobilise le Parti de la presse et de l’argent (PPA). Les amants du marché unique (Guetta, Elkabbach, Val, Joffrin, Colombani, BHL, etc.) savent pouvoir compter sur leur crécelle multimédia Daniel Cohn-Bendit. « Dany », c’est Pascal Lamy avec des cheveux. Depuis plus de quinze ans, cet ex-anarchiste de télévision est le chouchou du PPA. En France, si seuls les journalistes votaient, Cohn-Bendit braillerait ses vœux de nouvelle année en direct de l’Élysée. Quels vœux ? Plus de marché, plus de guerres de l’OTAN, plus d’émissions de Christine Ockrent. Son amie Christine l’invite en effet presque chaque mois sur France 3. Quand elle lui demande de conseiller un livre (05.10.03), l’ancien lanceur de pavés choisit le plaidoyer pro-giscardien de son copain Olivier Duhamel, un professeur de droit médiocre et prétentieux, à la fois « socialiste » et bon ami de Luc Ferry. « Dany » adore aussi Moscovici (il le tutoie, l’appelle « Pierre ») et Pascal Lamy. Mais c’est Kouchner qu’il préfère. Ensemble, les deux hommes vont publier un livre, Quand tu seras président. Le début de l’année sera donc pollué par les émissions de promotion de ce duo proaméricain. Ces temps-ci, Cohn-Bendit a des soucis. L’« altermondialisation », d’abord, qui alimente selon lui un risque de « dérive totalitaire » ; il s’en est confié à la revue jaune de Chérèque, CFDT Hebdo (n° 295). Le virage bolchevik de Laurent Fabius, ensuite, qui le terrifie d’autant plus que ce spécialiste des carottes râpées (bio) était l’invité de la dernière université d’été des Verts : « Le problème de Fabius, c’est qu’il ne fait plus du Fabius. Il aurait fallu inviter Bernard Kouchner. Lui au moins assume son social-libéralisme. » (Le Figaro, 26.08.03.) En attendant l’été prochain, « Dany » rêve d’un « forum européen, combinant Davos et le Forum social, pour réfléchir à la nouvelle éthique du capitalisme » (L’Expansion, décembre 2003.) Avant que Francis Mer ne le décore de la légion d’honneur, PLPL lui décerne sa Laisse d’Or !
    

 

 

POUR RELIRE PAS RELU

Ce tire-au-flanc de Claude Imbert
Le 5 septembre 2003, le fondateur du Point Claude Imbert révélait à ses lecteurs « L’impossible vérité » : « La France, empoisonnée par les 35 heures, devient le pays du monde où l’on travaille le moins, où le travail lui-même devient comme une punition à fuir. Où la prétention aux retraites précoces défie la longévité accrue. Où une moitié du peuple qui travaille dur pour survivre voit gambader vers leur prochaine grève des mariolles de la RTT. » La « faute », bien entendu, à la « mamma étatique » qui nourrirait une armée d’assistés sybarites et syndiqués. Une semaine plus tard très précisément, le même hebdomadaire publiait un classement des entreprises « les plus et les moins travailleuses » (12.09.03). Et là, surprise : dans « la moitié du peuple qui travaille dur pour survivre » figurent les fonctionnaires du ministère de la Justice, de l’ANPE, de la Banque de France, de la RATP, de la SNCF, de la Poste, etc. En queue de peloton, là où les salariés fuient le travail « comme une punition », tant il est médiocre et dirigé par des ânes, figure… Le Point, l’entreprise de Claude Imbert, BHL et François Pinault. Sans doute Claude Imbert était-il alors en vacances au moment de la sortie du numéro. Dans la somptueuse villa marocaine de BHL, où un domestique lui aurait renversé un bol d’olives sur son pantalon blanc, affront que l’éditorialiste laverait en déclarant sur LCI : « je suis un peu islamophobe » (24.10.03) ?