Les sondeurs contre les chômeurs

Le 16 novembre 2003, dépêche de l’AFP : « Les deux tiers des Français (67%) pensent qu’il ‘faut réduire les indemnisations après une longue période de chômage pour contraindre les chômeurs à retrouver du travail, selon un sondage CSA pour France-Info-France3-France Europe Express rendu public dimanche. 29 % considèrent au contraire que ‘dans la période actuelle’, ‘il faut maintenir les indemnisations des chômeurs au même niveau sans limitation de durée’ […] »
Aussitôt France 3 et France Info, qui ont financé cette « étude », divulguent la nouvelle. Elle tombe à pic : le gouvernement veut réduire la durée d’indemnisation des chômeurs. François Fillon, ministre des Affaires sociales, bondit sur l’occasion : « Il y a un sondage récent qui montre que 67 % des Français pensent qu’on doit réduire la durée des allocations de chômage. » (France Inter, 20.11.03)
PLPL s’est procuré les questions posées par l’institut CSA dont le directeur des études, Stéphane Rozès, est le chouchou du PS, du PC, des Verts et de la CGT.
« Dans la période économique actuelle, quelle attitude pensez-vous que le gouvernement doive en priorité adopter vis-à-vis des chômeurs ?
1/ Il faut maintenir les indemnisations des chômeurs au même niveau sans limitation de durée
2/ Il faut réduire les indemnisations après une longue période de chômage pour contraindre les chômeurs à retrouver du travail 
»
Le choix est vicieux. En novembre 2003, l’indemnité de chômage non dégressive est déjà limitée dans la durée (23 mois pour les moins de 50 ans ayant travaillé plus de 14 mois au cours des deux dernières années, 7 mois pour ceux qui ont travaillé 6 mois au cours des 22 derniers mois). Or, en proposant de « maintenir les indemnisations […] sans limitation de durée », le fourbe Rozès suggère le contraire. En outre, à l’heure actuelle, les indemnisations sont déjà réduites « après une longue période de chômage »… puisque tout bonnement supprimées.
Autant dire qu’en proposant de choisir entre 1/ l’indemnisation non dégressive et éternelle des chômeurs (une situation sans doute souhaitable mais qu’aucun politique ne propose plus), et 2/ la « réduction des indemnisations », ce sondage favorise une opération de communication gouvernementale. Les médias n’auront plus ensuite qu’à justifier les décisions de Fillon destinées à rogner encore les droits des chômeurs en invoquant l’appui de l’« opinion ». C’est pourtant Laurence Parisot, PDG de l’IFOP, pas Stéphane Rozès, qu’Ernest-Antoine Sellière a nommée vice-présidente du Medef. Mais le CSA
a sans doute voulu montrer qu’il pouvait lui aussi se charger des basses œuvres du patronat.

Daniel Schneidermann change d’avis

Les tyrans du Monde ont donc congédié Schneidermann, Ramina ayant expliqué qu’« un journaliste n’a pas le droit d’écrire contre son entreprise. » Schneidermann n’a pas tardé à faire le tour des plateaux et des studios pour commenter son infortune. Il doit avoir été surpris car en 1999, cinq ans après l’arrivée au pouvoir du trio maléfique Ramina-RTA-le plagiaire servile, il ne tarissait pas d’éloges sur ses chefs, impressionné en particulier par « le travail et le talent » d’Alain Minc. Il détailla son amour des chefs du QVM dans un essai âcre titré Du journalisme après Bourdieu (Fayard, 1999.) Dix ans plus tôt, Schneidermann réservait sa sévérité à Serge July, lui faisant remarquer « non seulement vous avez retourné votre veste, mais vous l’avez mis en scène magistralement » (« Apostrophes », A2, 14.4.89). En effet. Mais July n’est pas le seul. Désormais Schneidermann ne salue plus le talent d’Alain Minc ou la diplomatie de Colombani. Il travaille dans le journal de… Serge July.

Schneidermann a (encore) changé d’avis

À la suite de la retraite de Bernard Pivot, Daniel Schneidermann s’inquiétait du sort de l’émission littéraire Bouillon de culture. Dans le supplément télé du QVM, il écrivait : « On évoque aujourd’hui, pour le remplacer, le nom de Guillaume Durand, prototype de ces interchangeables dont les écrans de toutes les chaînes, publiques ou privées, sérieuses ou branchées, ont successivement encadré la face de caméléon. » (Le Monde, 1-2.7.01) Dans son numéro 6 (octobre 2001), PLPL commentait : « PLPL attend de voir si ce propos sera répété le jour où Schneidermann ira - car il ira, et en rampant ! - vendre son dernier livre raté dans l’émission de Durand. » Gagné ! Schneidermann, a rampé sur le plateau de Campus le 2 octobre 2003 pour vendre son dernier livre raté. Et le mot de « caméléon » n’a pas été prononcé.

La tension était à son comble au Monde, mercredi 29 octobre 2003, après la publication de la critique du film « France Boutique » dans les colonnes du Quotidien vespéral des marchés (QVM). Titré « Petits mensonges et grande misère d’une vie rythmée par le téléachat », cet article de Samuel Blumenfeld, journaliste au Monde, aurait déclenché la fureur du directeur de la rédaction, Edwy Plenel. En effet, M. Plenel est également l’animateur d’une émission de téléachat littéraire sur la chaîne câblée de Bouygues LCI. Cette activité lui vaut d’ailleurs le surnom de « Roi du téléachat » (RTA). Dans ce texte servi par un style mordant, Samuel Blumenfeld attaque en particulier « une émission de téléachat diffusé sur une chaîne du câble » – « la plus creuse du paysage audiovisuelle française », précise-t-il – avant de stigmatiser la « rhétorique de bateleur », les « foucades » et « le mode de vie mensonger » de son animateur. Si M. Plenel n’est pas nommé, chacun a identifié la cible de cette charge. Des murmures parcourent les couloirs du Monde : « Blumenfeld nous montre la voie ». De moins en moins isolé au sein d’une rédaction encore secouée par le licenciement du chroniqueur télévision Daniel Schneidermann, Samuel Blumenfeld risque néanmoins sa place. L’Internationale sardonique nous prie de transmettre à M. Blumenfeld ses chaleureuses félicitations pour sa conduite héroïque, et à M. Plenel le communiqué suivant : « Edwy, si tu touches un seul cheveu de notre camarade Blumenfeld, il t’en cuira. »

La « marque » Libération

France 2 célèbre les trente ans de Libération en interrogeant son responsable commercial (01.10.03, 13 h). Pour lui, le journal se résume au losange rouge car « c’est une marque, ce logo, on peut presque le porter sur soi ». Pour July, le contenu n’a pas davantage d’importance : « Feuilleter ce journal, c’est presque un spectacle. Au sens américain du terme. » C’est-à-dire un sac à pub convertible en dollars.

Philippe Val est déçu

Le 26 novembre 2003, Philippe Val confie son désarroi dans un éditorial du NEM [Non Evénement du Mercredi, ou Charlie Hebdo] : « Ni Bush ni Sharon ne nous aident… ». Oui, et c’est même une vraie surprise tant l’humaniste lettré du NEM comptait sur ces deux-là pour faire progresser les idées de Spinoza.

Le cauchemar de Jeambar

Le 20 novembre 2003, Denis Jeambar, directeur de L’Express, éditorialise : « Un bout de l’archipel communiste survit encore dans ce centralisme à la française géré par une bureaucratie trop souvent obèse, étouffante et inefficace. » Jeambar ferait mieux de s’intéresser au gaspillage d’argent public lié au Rafale fabriqué par son principal actionnaire, la Socpresse de Hersant-Dassault.

Sac à pub diplomatique

TF1, dont les publicités les plus chères coûtent 92 000 euros pour un spot de trente secondes, se plaint de ne plus avoir assez de place pour accueillir tous les annonceurs. Est-ce ce qui explique qu’après avoir envahi France Inter (ce qui a l’avantage de réduire le temps de parole de CCBDP [Ce cul béni de Paoli], la publicité se déverse à présent comme du poisson pourri dans les pages du Monde diplomatique ? Zéro page en août, deux en septembre, trois en octobre, cinq en novembre, six en décembre. Courage camarades publicitaires, encore vingt-six pages à racheter et Le Monde (diplomatique) vous appartient.

PLPL comble le « trou » de la sécu

À l’heure où le PPA hurle que la « réforme » (i. e. la démolition) de la sécurité sociale est « inéluctable » en raison de son déficit, le Conseil des économistes sardons a découvert dans Les Échos le moyen de rétablir les comptes. Selon ce quotidien économique, « l’enveloppe des allégements de cotisations sociales patronales grimpera de 1,6 à 1,7 milliard en 2004. [...] Au total, le poste des baisses de charges sociales devrait peser l’an prochain entre 17 et 18 milliards d’euros (pas loin de 120 milliards de francs), bien plus que les crédits dont bénéficient la plupart des ministères. Et atteindra 21 milliards dans deux ans. » (3.9.03) Fermer le robinet d’euros qui arrose les entreprises renflouerait instantanément le déficit de l’assurance maladie, estimé à 11 milliards d’euros pour 2004. Gageons que les patrons de presse « humanistes » comme Ramina, Lagardère, Hersant ou Crassus [Serge July, ndlr] se montreront enthousiastes.

Le monde d’Aguiton

Dans le livre Où va le mouvement altermondialisation ? (La Découverte, 2003), Christophe Aguiton assimile la révolution mondiale aux chahuts étudiants des gosses de milliardaires. « Dans les États-Unis d’aujourd’hui, écrit-il, c’est peut-être à Harvard que le mouvement de contestation est le plus important. C’est le signe que les mouvements de contestation ne se limitent pas à la périphérie et aux couches les plus exploitées, mais qu’il s’agit de crises majeures du système, le fissurant à partir de son centre. » Obsédé par « le centre du système », notre BHL de la contestation a participé à un colloque cinq étoiles réuni les 25 et 26 novembre à l’Unesco « sous le haut patronage de M. Jacques Chirac, président de la République ». Jean-Pierre Raffarin, supérieur hiérarchique de Sarkozy, le compagnon de télé d’Aguiton, était prévu, mais il n’a pas pu venir. En revanche, sous le regard d’Élie Wiesel qui présidait la séance, Christophe a bredouillé des généralités prétentieuses sur le fordisme et invoqué André Glucksmann (!). Pire, il a été surclassé par Alain Minc qui le précédait à la tribune et qui avait choisi, lui, de parler… du « partage des richesses. » Le plagiaire servile a décrit Aguiton comme « mon complice de la séance » et s’est déclaré ravi de sa rencontre avec le BHL de la contestation. « J’ai moins de désaccords avec lui que je ne le pensais. Dans cette institution il a fait une version très light de l’altermondialisation. »

Sciences-Po de chambre

L’hypothèse d’un référendum sur la Constitution européenne tétanise les intellectuels à gages que France 5 a invités à l’émission « C’ dans l’air » (27.10.03). Pour Dominique Reynié, un prof de Sciences Po qu’on entend désormais en permanence et que même François Bayrou trouve idiot (France 3, 23.11.03), un « déferlement poujadiste est inéluctable » en cas de consultation populaire. Roland Cayrol, autre sondologue breveté Sciences Po, a surenchéri : « Déjà chez nous, quand on parle des institutions, tout le monde s’endort […] Ne demandez pas aux Français de s’intéresser à ça. » Ils risqueraient en effet de voter « non ». Et, comme au moment du référendum corse, d’humilier le PPA.

« LA » question autorisée

Sur France Inter, dans l’émission de Stéphane Paoli, un auditeur ne rencontre aucune censure quand il roucoule, le 16 octobre 2003 : « Stéphane Paoli, Jean-Luc Hees avait raison de dire que vous êtes la Rolls des journalistes. »


PLPL
n° 17, décembre 2003 - page 9