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Pas Lu

 

  
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Leurs crânes sont des tambours...

Le journal qui mord et fuit...  

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Fottorino fait du vélo

Le sac de nouvelles racoleuses était vide. Les dirigeants du QVM (Quotidien vespéral des marchés, ex-Le Monde) rivaient un œil torve sur leurs ventes toussotantes. L’un d’eux eut une idée : mettre en scène non plus seulement l’information, mais les informateurs.
Éric Fottorino, rédacteur en chef au Monde, serait le cobaye de cette expérimentation. Convoqué par la direction, il apprend : « Nous avons pris ce pari double : organiser une course [cycliste] et y lancer Éric Fottorino. » (QVM, 25.05.01) Le journaliste-cobaye, désormais connu sous le sobriquet de « Guinea Pig », est sommé d’enfourcher une bicyclette.

La course en question, « Le Midi libre », est traditionnellement organisée par le journal du même nom. Mais ce titre régional vient d’être racheté par Le Monde, qui, du même coup, hérite de la course. Mais le Quotidien vespéral des marchés ne faisant rien comme les autres, un éditorial grandiloquent titré « “Le Monde” et le vélo » expliqua que pas un tour de pédale ne serait donné avant que soit signé un « code éthique » contre « la tricherie, la corruption et toute forme d’arrangement ». (QVM, 24.05.01)

Pour récompenser Guinea Pig de ses efforts, le Roi du téléachat Edwy Plenel (RTA), directeur-général adjoint du Monde-SA (entreprise en voie de cotation boursière), va assurer la promotion d’un ouvrage dans lequel Fottorino raconte par le menu les détails de sa préparation physique (Je pars demain, Stock). En prime, le cyclo-journaliste a reçu l’ordre de remplir plusieurs pleines pages du Monde pour y évoquer la raideur de ses mollets.

L’Écho des Start-up (ESU), ex-Libération, publie sur Fottorino un article-fleuve dégoulinant de confraternité. Il se termine sur ces mots : « Pour finir, “Fotto”, le service de voirie de Libération était dans la course et a écrit en grosses lettres des encouragements sincères. Le “vas-y Fotto” dans le col de Treilles, au kilomètre 48, c’était nous. Considérez cela comme un hommage de la rubrique cyclisme de Libération. Car un coureur qui n’a pas son nom sur la chaussée n’est pas un vrai coureur. Vous l’êtes. » (22.05.01)
Cet article prétendait aussi que Fottorino « n’obtient des autres journaux qu’un intérêt de courtoisie. C’est dommage ». Pour vérifier cette information, les archivistes méthodiques de PLPL ont pisté les citations médiatiques du pitre à roulette. Il en ressort que les journalistes de Libération mentent, comme Laurent Mouchard-Joffrin, qui dirigea longtemps leur rédaction. Car, en plus de Libération et du QVM, les tribulations vélocipédiques de Fottorino et son livre soporifique ont été encensés par L’Express (1.03.01), Le Bien public (7.03.01), La Marseillaise (27.03.01), L’Équipe (24.05.01), Le Midi libre (propriété du QVM qui organisait la course, 23, 24, 25, 26, 27, 28.05.01), El Paìs (allié capitalistique du QVM, 24.05.01), Europe 1 (15.05.01, 20 h 15), RMC (21.05.01, 18 h 45 et 19 h 50 ; 22.05.01, 18 h 47), France Culture (21.05.01, 9 h 40), France Info (22.05.01, 19 h 37 ; 23.05.01, 9 h 07), Sud Radio (23.05.01, 7 h 40), RTL (25.05.01, 7 h 40), France 3 (22.05.01, 20 h 14), France 2 (23.05.01, 6 h 53 ; 27.05.01, 18 h 44, avec un commentaire de la ministre des Sports Marie-Georges Buffet), TF1 (24.05.01, 20 h 33), Canal + (25.05.01, 13 h 07), Paris-Première (28.05.01, « Rive droite - Rive gauche », 19 h 50). Dans son édition du 1er juin, Le Point (propriété de François Pinault, principal actionnaire privé du Monde) classe Fottorino « en forme » et prétend que Guinéa Pig « fait l’admiration de ses confrères ».

Ce déluge de publicité gratuite pour le QVM (et pour le livre de Fottorino) est jugée très insuffisant par le Roi du téléachat, qui ne rêve plus que de se couvrir d’euros et faire ainsi grimper le cours de l’action de son entreprise. Prenant l’affaire en main, il décide d’inviter Guinea Pig sur le plateau du « Monde des idées », l’émission qu’il anime sur LCI (groupe Bouygues).

Le dialogue roule au pas et Edwy, comme à son habitude, agite le livre d’un de ses obligés devant les caméras. Soudain, Le Roi du téléachat déraille : « Comme une idée, le crépuscule… Le soleil s’en va, la mort, la vie… Il y a quel… Qu’est-ce que ça dit sur le vélo, ça ? » (LCI, 02.06.01)

Chroniqueuse du Nouvel Observateur, Françoise Giroud s’est émue de l’élan poétique du RTA. Le 28 juin 2001, elle commentait : « “Le Monde des idées” place chaque semaine la barre très haut. »