Pierre Bourdieu était haï par les médias : il avait dévoilé leur soumission. Sa mort a enthousiasmé le Parti de la Presse et de l’Argent (PPA). Les journalistes mondains et les essayistes ratés respirent. Mais, dans le métro parisien, station Bourse, un graffiti les prévient : « Les assassins de Pierre Bourdieu seront liquidés. »

   

 

 

 

 

Pierre Nora, historien de chevet de Françoise Giroud : « La sociologie de Bourdieu au nom de laquelle il fait ça [critiquer les médias] est réductrice, simplificatrice, faussement scientifique et… pas vraie. » (LCI, 16.08.98)

Luc Boltanski, un sociologue « fait » par Bourdieu, qui travaillait sur l’incorporation par les enfants de la « morale de classe » puis sur « la production de l’idéologie dominante » a dénoncé chez son ancien maître l’« espèce d’agit-prop des dernières années entretenue par un groupe de suiveurs dogmatisés ». (QVM, 25 janvier 2002) Selon un informateur autorisé, l’ESU aurait refusé de publier un article de la même eau dégoûtante que lui avait envoyé le petit maître aigri.

BHL : « Bourdieu encore. Quoi de commun entre lui et, en vrac, Hue, Villiers, Pasqua, Chevènement, Le Pen ? […] Il est difficile, quand on les écoute, de ne pas entendre les assonnances. Il est difficile, entre le nationalisme des uns et l’antilibéralisme des autres, de ne pas être sensible à la communauté d’affects, de réflexes et, peut-être, d’inspiration. » (Le Point, 23.05.98)

Edwy Plenel, Roi du téléachat (RTA) : Bourdieu propose « une vision schématique du monde médiatique, […] une invitation non pas à la résistance mais à la désertion. » (Le Monde diplomatique, février 1998)

Ramina et Triple-Crème. Le directeur du Monde Jean-Marie Colombani [Ramina], son philosophe de compagnie, Roger Pol-Droit, et Alexandre Adler, cheffaillon de Courrier International, devisent sur la sociologie de Bourdieu deux jours après la mort du sociologue (France Culture, 26.01.2002),
Ramina : S’il y a une profession qui a été rabaissée par Pierre Bourdieu et son œuvre, et surtout peut-être par ses disciples, c’est bien le journalisme, c’est la critique des médias, Roger Pol-Droit ?
R P-D : Oui, il me semble que, sur ce point, il a dit les choses les moins intelligentes de toute son œuvre.
Ramina : On va nous taxer de corporatisme.
R P-D : Ben, tant pis, je l’avoue. […] Ce qu’il dit de la télévision, c’est quand même une série de poncifs et ce n’est pas du tout – c’est ça qui est frappant –, ça n’est pas du tout fondé sur une connaissance fine et précise. […]
Triple-Crème : L’autonomie de la presse par rapport aux forces politiques et aux forces sociales est une chose que le communisme dogmatique a farouchement niée, toujours pour la bonne raison qu’il n’a jamais voulu émanciper sa presse. Donc il fallait comme en miroir qu’il construisît une presse totalement aux ordres de l’autre côté. Eh bien, cette idée a été accréditée une dernière fois par Pierre Bourdieu. […]
Ramina : Voilà ce que nous voulions dire en hommage à l’œuvre de Pierre Bourdieu pour saluer et situer son importance dans la pensée contemporaine.

Le Quotidien vespéral des marchés [ex-Le Monde] « Les critiques de Pierre Bourdieu contre le journalisme ont souvent irrité les journalistes, qui se sont rarement reconnus dans l’image donnée d’eux par le sociologue. Elles ont particulièrement heurté les journalistes du Monde, qui se sont sentis injustement pris pour cibles. Ils ont déploré que Pierre Bourdieu, tout en dénonçant la soumission croissante des médias aux logiques économiques, refuse de reconnaître que Le Monde était précisément un de ceux qui, dans la mesure de leurs moyens, tentaient de résister à ce mouvement. [ndlr : en entrant en Bourse, cornaqué par Alain Minc] » (Thomas Ferenczi, QVM, 26.01.02). Ferenczi est mouché par Acrimed (www.samizdat.net/acrimed)

Christine Ockrent : « Et moi, je vous recommande très vivement – et tant pis pour M. Bourdieu et ses amis – l’ouvrage d’Alain Duhamel qui vient de paraître. » (« Dimanche soir », France 3, 10.01.99)

  

 

 

Laurent Mouchard 1 : Joffrin peste contre le « bizarre croisement entre X-files et Maurice Thorez », la « paranoïa », la « vision fantasmagorique, déstructurante et paranoïaque du monde » de Pierre Boudieu. (ESU, 12.05.98)

Laurent Mouchard 2 : Dans Le Nouvel Observateur du 31 janvier 2002 : « Universitaire péremptoire, chef de clan calculateur, philosophe porté au dogmatisme, polémiste raide. […] On parle Bourdieu comme on parle latin ».

Henri Weber 1 : L’ex-trotskyste devenu sénateur fabiusien expliquait à propos de Bourdieu : « Oui, il s’agit bien de populisme. Ce qui le caractérise, c’est l’insignifiance totale de ses propositions et de ses analyses sur la situation. » (Le Figaro, septembre 1998, cité par homme-moderne.org)

Henri Weber 2 : Bourdieu « s’est voulu, à l’image de Jean-Paul Sartre, la voix des sans-voix et le porte-parole des laissés-pour-compte, contre les puissants, dans la tradition des grands intellectuels français. […] Nous étions quelquefois en désaccord sur la façon de rendre possible ce qui est souhaitable, mais certainement pas en désaccord sur ce qui était souhaitable. » (France Info, 24.01.02)

Esprit, organe central du douste-blazysme : « Un populisme de gauche, voire d’extrême-gauche, qui ne le cède en rien à celui de droite quant à sa nocivité. » (juillet 1998)    

Dans un entretien accordé le 14 décembre 2001 à la revue Flux News (n° 27, décembre 2001-février 2002, Liège), Pierre Bourdieu avait, une dernière fois, insisté sur le rôle nuisible des médias. Les propos qui suivent sont inédits en France.

« Ces gens des médias sont terribles. Un des grands obstacles à la constitution de forces de résistance est le fait que les dominants contrôlent les médias comme jamais dans l’histoire. […] De nos jours, tous les grands journaux français sont complètement contrôlés, très directement ; des journaux apparemment autonomes comme Le Monde sont des sociétés d’actionnaires dominées par les grandes puissances d’argent. Donc l’autonomie relative des médias, qui rendrait possible une certaine représentation fictive, et du même coup un certain soutien aux forces de résistance, tout ça disparaît. […] L’univers médiatico-journalistique des intellectuels médiatiques ou des journalistes intellectuels, tout cet univers-là est globalement parvenu à un état de soumission qui est pathétique. […] Par exemple, l’affaire de Pinault qui crée son musée. J’ai vu des gens qui se prétendaient de gauche, des administrateurs culturels, se précipiter pour accepter ce musée qui est une sorte de vitrine pour grands patrons. C’est tout à fait étonnant qu’il n’y ait pas eu de conscience commune là-dessus. […] Et de même lors du passage du journal Le Monde en société par actions : on pensait que ça allait susciter des réactions critiques, pas du tout, ça a été le silence absolu. […] Les intellectuels sont tellement coupés des réalités sociales que non seulement ils ne contribuent pas, mais ils combattent ceux qui contribuent. »

   

Jacques Julliard, directeur délégué du Nouvel Observateur : « “Le Nouvel Obs” lui-même, sa bête noire, le symbole exécré de la bourgeoisie moderniste, n’a cessé de lui rendre hommage. En fait de recul sociologique et d’objectivité, nous avons été meilleurs que lui, voilà tout. […] Le sociologue s’est fait idéologue à l’état pur. […] Plus il s’impose dans les médias (il a compris qu’il fallait les insulter), plus son discours populiste devient simpliste, naïf, moralisateur comme celui d’un catho déluré. […] Égale à elle-même, la France ne célèbre dans ses grands hommes que leur déchéance. Adieu, Pierre Bourdieu. » (Le Nouvel Observateur, 31.01.02)

Alain-Gérard Slama, éditorialiste au Figaro et prof (nul) à Sciences-Po : « La méthode Bourdieu baigne dans l’atmosphère d’une lumière noire traversée par des éclairs de soupçon. […] Bourdieu disparu, d’autres à coup sûr reprendront le flambeau – plus proches, on veut l’espérer, de l’abbé Pierre que de Ben Laden. » (France Culture, 25.01.02.)

Jean Daniel, directeur (narcissique) du Nouvel Observateur : « Le procès le plus mal instruit de Bourdieu est celui qu’il a intenté aux médias en essayant de démonter le mécanisme de leurs dérives effectives. […] Peut-être même a-t-il rêvé, à l’instar de François Furet, qui m’en avait fait la confidence, de diriger un journal. [ndlr : comme Jean Daniel] » (Le Nouvel Observateur, 31.01.02)

Philippe Sollers, éditorialiste au QVM : « Dire que Bourdieu a pu écrire ceci : “Mitterrand pourrait avoir été à la politique, et plus précisément au socialisme, ce que Sollers a été à la littérature.” Bouffée délirante, discours stalinien typique (et comique). […] À une réunion du Monde, hier, j’ai jeté un froid en disant que je trouvais Bourdieu un écrivain médiocre. C’est pourtant évident. » (L’Année du tigre. 1998, Seuil, 1999)

  

 

 

Jean-Marc Sylvestre, courtier de La Peste France Inter : « Il a fondé beaucoup de ses analyses sur des archaïsmes et des erreurs historiques. Il les a défendues avec beaucoup de mauvaise foi. L’erreur historique a été de penser que l’économie n’était pas facteur de progrès social, que le marché, que la concurrence n’était pas en mesure de participer à l’optimum. L’erreur récente, c’est d’avoir combattu la mondialisation, qui est pourtant le seul moyen de permettre aux pays les plus pauvres d’avoir une petite chance de sortir de la misère. » (LCI, 27.01.02)

Daniel Bensaïd, philosophe à la LCR et pigiste au Figaro, n’a pas aimé le livre de Bourdieu Sur la télévision, qui critique… la « pensée jetable » des philosophes de médias : « Le petit bouquin qui a eu un très gros succès de vente n’est pas une thèse scientifique, c’est une intervention dans le registre du pamphlet. » (Le Figaro, 26.01.02)

Alain Finkielkraut, philosophuscule : « Quand je parle de critique totalitaire du conformisme médiatique, en effet je pense à Pierre Bourdieu, que je ne diabolise pas parce que j’ai trop de sympathie pour le diable. » (France Culture, 15.08.99) « On a affaire là en guise de sociologie à une forme de terrorisme intellectuel. » (France Culture, 19.02.98)

Françoise Giroud, ancienne ministre de Giscard d’Estaing : « Pierre Bourdieu méprisait les journalistes, les insultait, a lancé contre eux ses chiens. L’entente était impossible : il voyait la presse truffée de valets du capital, la télévision ligotée par l’Audimat, le mur du silence dressé devant lui pour étouffer sa voix. Paranoïa. » (Le Nouvel Observateur, 31.01.02)

Daniel Schneidermann, chroniqueur télé au Quotidien vespéral des marchés : « Bourdieu, il y a rien, il n’y a pas un fait. Il n’y a pas un fait, il n’y a que des diatribes, il n’y a pas un fait. » (Bouillon de culture, France 2, 28.05.99)

Le Plagiaire Servile Alain Minc avoue s’être précipité pour voir le film de Pierre Carles sur Bourdieu, La sociologie est un sport de combat. Il est ressorti ivre de jalousie : « Bourdieu est fou d’orgueil, narcissique, manipulateur, hypocrite, pervers, grandiloquent, ridicule, insupportable. […] Sa faim de pouvoir est aussi pathologique que le fantasme de l’argent chez un tycoon. Son désir d’influence est aussi exacerbé que l’appétit de puissance chez un homme politique. Son délire manipulateur est aussi fou que l’égotisme chez une star des médias. » (Le Fracas du monde. Journal de l’année 2001, Seuil [éditeur de la collection et des derniers livres de Pierre Bourdieu], 2002, p. 157-158)

Alain Touraine 1 : Le sociologue balladurien stigmatise, dans un quotidien espagnol, « une vague de pamphlets [édités par Pierre Bourdieu] qui connaissent un grand succès de diffusion et qui n’ont aucune valeur scientifique bien qu’ils arborent l’étendard de la science. Tout cela participe d’un nouveau populisme contre les élites » (El Pais, 28.05.98).

Alain Touraine 2 : « Bourdieu est et il restera une des plus grandes figures de la pensée sociale de notre deuxième partie du vingtième siècle. » (RFI, 25.01.02)

Alain Rémond, compère téléramiste de Daniel Schneidermann : « N’y aurait-il pas chez notre inquisiteur quelque chose comme de la jalousie ? De la rivalité ? De la vanité ? La posture de Pierre Bourdieu est celle d’un penseur qui a tout compris avant tout le monde, qui détient la vérité, qui méprise toute cette valetaille collabo, qui dénie aux médias le droit de le critiquer » (Télérama, 05.02.97).

 

 

 
 


PLPL n° 8 - février 2002 page 10