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Ayant
des amitiés dans tous les milieux politiques et sociaux, l’homme
est un des meilleurs spécialistes de notre système de protection
sociale . 1»
L'homme qui est ainsi décrit par Frédéric Lemaître, l'un des
journalistes les plus medefisés du Monde se nomme Raymond
Soubie, qui dirige l’un des principaux cabinets de « Ressources
humaines ».
Les
affaires sociales sont son filon, un peu comme le téléachat
moustachu est celui d’Edwy Plenel et le mensonge celui de Laurent
Mouchard-Joffrin. Pour exploiter ce filon, Soubie a recours
à une société de conseil cotée au second marché, Altédia. Très
peu connu du grand public, Soubie est néanmoins l’une des plaques
tournantes du Parti de la presse et de l’argent (PPA). Il a
su « exploiter » à la fois son passé de « spécialiste »
du monde du travail et les liens qu’il a forgés avec les cheffaillons
des médias.
Peu
après sa sortie de l’ENA, Soubie devient le conseiller social
de Jacques Chirac, puis celui de Raymond Barre. En 1978, les
restructurations sanglantes de la sidérurgie sont un peu son
œuvre. C’est lui que le pouvoir envoie négocier avec les syndicalistes
planqués de la CFDT. Pour leur faire avaler les potions amères
du patronat, il les enrobe du miel de la « négociation »,
le maître mot de Soubie, avec « concertation » et
« débat ». Rien de plus efficace pour faciliter les
régressions du droit du travail.
Soubie
complote
Directeur
général du groupe de presse professionnelle Liaisons sociales
en 1984, l’« expert » ne s’éloigne pas pour autant
de l’écuelle de l’État. Quand les « socialistes »
réhabilitent l’« entreprise », Soubie sait monnayer
son savoir. Sa nomination à la présidence de l’Opéra de Paris,
fait ronronner le QVM de bonheur : « L’arrivée
de M. Raymond Soubie apparaît comme une éclaircie. 2»
Car, comme Ramina [Colombani], M. Éclaircie fut non seulement
barriste mais aussi professeur (de « sociologie des organisations »)
à Sciences-Po, cette succursale du PPA où s’incrustent les journalistes,
les essayistes et les sondeurs fanatiques du capitalisme les
plus dépourvus de talent (Alain Duhamel, Jean-Marie Colombani,
Pascal Perrineau, Nicole Bacharan, Jérôme Jaffré, Zaki Laïdi,
Alain-Gérard Slama, etc.).
En
1990, Soubie complote pour devenir gérant du Monde, dont
il veut faire la feuille du patronat et des Américains. Mais
ce projet n’aboutira qu’avec l’arrivée d’Edwy Plenel aux commandes
du quotidien. Entre temps, Soubie crée Altédia Communication
parce que, comme l’explique le QVM, « la France
n’a pas comblé son retard par rapport aux pays anglo-saxons
dans le domaine de la presse et des services professionnels
(salons et séminaires d’informations et de formation, banques
de données, services d’aide à la décision et à la gestion, etc.) 3».
Mais
Soubie a compris que sa notoriété d’expert méritait mieux que
des liens, intellectuellement peu valorisants, avec ce pauvre
Ramina. Il resserre donc ses rapports avec l’État, collectionnant
les postes dans des commissions gouvernementales, dont les recommandations
vont permettre à son cabinet Altédia de prospérer. En 1991,
il entre à l’Observatoire des retraites (OR), composé entre
autres de l’infâme Patrick Artus (aujourd’hui éditorialiste,
avec Ramina, à Challenges) et du barriste Jean-Claude
Casanova (professeur à Sciences-Po et « éditorialiste
associé » au QVM). Soubie et Casanova se retrouveront
en 1993 dans la « Commission d’évaluation de la situation
sociale, économique et financière de la France 4»,
mise en place par Édouard Balladur, un Premier ministre pour
qui Ramina et Minc s’étaient pris de passion.
Soubie
réforme
En
1994, Soubie « analyse le système de l’assurance-maladie
[…] pour maîtriser les dépenses ». En 1995,
il propose à Juppé de « réformer les régimes spéciaux
de retraite ». On comprend mieux que l’annonce du plan
Juppé ait aussitôt été saluée par les cris de joie du PPA, Le
Monde en tête. Mais, malgré le QVM, Claire Chazal
et Libération, des centaines de milliers de futurs lecteurs
de PLPL et les syndicats sardons (SUD et CGT) lutteront
et mettront en échec Soubie et ses « réformes ».
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Raymond
Soubie déteste les grévistes
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En décembre 1995, Soubie fustige un « front du refus »
enhardi par « l’absence de courage des gouvernements
qui se sont succédé et qui ont sans cesse repoussé, par
commodité, les indispensables réformes à entreprendre
dans le secteur public et dans le secteur social. L’avenir
de France Telecom ou de La Poste reste à définir plus
clairement » 1.
En
2001, Soubie insulte les cheminots : « Chaque
fois qu’il y a des tentatives de réforme, on bute sur
cette coalition syndicale hétéroclite avec ses réactions
violentes. […] La SNCF est une espèce de forteresse,
avec ses propres règles, ses tabous, ses traditions, ses
corps, etc. » 2
En
2000, Soubie crache sa haine des agents du Trésor :
« Les réformes ont toujours été beaucoup plus
difficiles dans le secteur public et notamment dans la
fonction publique que dans les entreprises privées. Tout
simplement parce que les sujets se politisent beaucoup
plus, parce que les syndicats y sont beaucoup plus forts
et je dirais que le blocage y est plus naturel. 3»
Soubie
exècre la CGT qui ne suit pas toujours ses conseils :
« La CGT est restée fidèle à sa tradition. Elle
aurait pu signer la dernière version de l’accord Unedic
et afficher ainsi un signe fort d’évolution. Elle ne l’a
pas fait. Ce qui prouve que la ligne réformatrice rencontre
des difficultés. 4»
En
revanche, il ne cesse de célébrer, en particulier dans
le QVM, le « syndicat » dirigé par Nicole
Notat : « La CFDT est animée par un désir
réel de comprendre, d’expliquer et de préparer la transformation
de son époque. […] Elle pense qu’il est de son
devoir d’éclairer ses contemporains, et pas seulement
les salariés, sur ce qu’ils ne veulent pas toujours voir.
Elle dérange. Elle a la foi des découvreurs. 5»
1.
Le Point, 9 décembre 1995.
2. Le Nouvel Observateur, 12 avril 2001.
3. France Inter, 21 mars 2000.
4. Le Nouvel Observateur, 4 janvier 2001.
5. Le Monde, 3 septembre 1988.
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Soubie
ne se décourage pas. En 1997, il préside une commission chargée
cette fois de lutter contre « les freins à l’emploi »
– c’est-à-dire de remettre en cause le droit social. Puis
il s’attache à « examiner la réorganisation du système
de santé ». Selon la CGT, son projet « ouvre
la porte à l’installation des critères de l’assurance privée
dans la Sécurité sociale 5».
L’inspirateur de cette idée ? Groupama, une compagnie d’assurances
actionnaire d’Altédia…
Soubie
ne monte jamais au créneau de manière trop voyante. Point chez
lui de déclaration provocatrice à la Minc ; sa prose, fourbe
et tordue, feint la neutralité. Il soutient le Medef, mais avec
des « réserves ». Ainsi dans Challenges (hebdo
pour étudiants en gestion boutonneux dans lequel « écrit »
Ramina), Soubie a expliqué : « Prendre la parole
pour défendre les entreprises dans un pays qui ne les considère
pas assez est nécessaire, mais cela ne doit pas aller jusqu’à
mettre en péril la recherche de consensus, condition de la réussite
de la refondation sociale. 6»
Presque
aussi fat, imbécile et prétentieux que le sondeur Jérôme Jaffré,
Soubie adore vidanger dans les médias les effluves de ses idées
les plus antisociales. Enfant chéri de La Peste France Inter,
il se précipite en janvier 2000 pour être l’un des premiers
à justifier la décision du Medef de claquer la porte des organismes
à gestion paritaire : « S’il s’agit d’une tactique
pour peser sur les négociations et pour revoir un certain nombre
de régimes, qui sont des régimes anciens, c’est très bien. 7»
Puis, soucieux de garantir que les salariés mourront sans toucher
de retraite, il confie à l’hebdo de Mouchard : « Le
patronat souhaite qu’à l’avenir les salariés cotisent […]
jusqu’à 45 ans en 2023. L’argumentation du Medef est assez logique. 8»
Bon
patron, Soubie se réjouit que la loi des 35 heures coïncide
avec la démolition de nombreuses protections sociales. Mais
une chose l’indigne : « Chacun sait qu’une réduction
du temps de travail avec compensation salariale intégrale ne
créerait pas de l’emploi mais du chômage. La hausse des coûts
est insupportable pour les entreprises. 9»
Quand
il ne s’épand tel une bouse dans le limon du PPA, Soubie exécute
les missions secrètes des gouvernements. Juppé l’envoie torpiller
France Télécom. Grâce à ses amitiés avec la CFDT, Soubie détruit
le front syndical contre « l’ouverture du capital ».
Et le ministre des Télécommunications le félicite : « Raymond
Soubie a été l’une des clés de notre réussite. 10»
Plus
encore que les privatisations, Soubie adore « l’épargne
salariale » : « C’est le signe d’une économie
qui se modernise, avec une responsabilisation croissante de
ses managers. Mais c’est aussi une manière de contourner le
trop-plein d’impôts. Le système se venge de la pression fiscale. 11»
L’« expertise » de l’ami de Ramina penche ici du côté
de ses intérêts. L’épargne salariale, appelée par Soubie « politique
de motivation », constitue en effet 27 % du chiffre
d’affaires d’Altédia…
Soubie
dégraisse
Altédia
s’engraisse aussi grâce aux plans de dégraissage. Selon une
étude envoyée à PLPL par un proche de Soubie, 32 %
du chiffre d’affaire d’Altédia provient de « l’accompagnement
stratégique et opérationnel de démarches de fusions-acquisitions
et de redéploiement ». Au 1er trimestre 2001, la croissance
d’Altédia a été de 40 %. L’explication de la direction
fut donnée le 26 juin 2001, lors de la présentation des résultats
semestriels : « Les restructurations, qui s’accélèrent
lorsque l’environnement économique se dégrade, constituent le
principal relais de croissance de la société de conseil pour
le second semestre et pour l’ensemble de l’année 2002. 12»
Soubie
s’engraisse
En
huit ans, Soubie a croqué un à un une vingtaine de ses concurrents
directs. Il domine à présent ce secteur malfaisant. Une journaliste
du Nouvel Observateur s’est faite l’écho du « bonheur »
soubiesque : « La semaine passée, il a racheté
Courtaud, le numéro un français de la gestion de l’emploi avec
285 millions de francs de chiffre d’affaires et 261 salariés.
Le bonheur pour cet amateur de fine cuisine entré par hasard
dans le social et devenu patron par occasion. 13»
La
dérégulation et le dénigrement permanent des conquêtes sociales
du peuple sardon ont payé. Le 30 juin 2000, Altédia faisait
son entrée en Bourse au titre de premier groupe français en
ressources humaines. L’un des meilleurs spécialistes de « notre
système de protection sociale » est devenu la 235e
fortune française. Dans les poches de Soubie, plus de 579 millions
de francs. Son ami Ramina, qui aime lui aussi beaucoup l’argent,
en serait pâle de jalousie…
1.
Frédéric Lemaître, Le Monde, 11 juin 1997.
2. Le Monde,
20 janvier 1987.
3. Le Monde,
15 mai 1992.
4. Ce groupe réunit
plusieurs ennemis de PLPL : Claude Bébéar, PDG du
groupe AXA ; Patrick Devedjian, ancien nervis d’extrême
droite et député RPR ; Jean-Baptiste de Foucauld, commissaire
général au Plan ; Didier Pineau-Valencienne, PDG de Schneider ;
Alain Minc, président du conseil de surveillance du QVM
et plagiaire servile [lire PLPL
n° 8 – toujours disponible –, consacré à la gauche qui capitule].
5. La Tribune,
29 mars 1998.
6. Challenges,
novembre 2001.
7. France Inter, « Le
téléphone sonne », 18 janvier 2000. Le dossier de PLPL
n° 7, « La Peste France Inter » est encore disponible.
8. Le Nouvel Observateur,
4 janvier 2001.
9. Le Nouvel Observateur,
septembre 1997.
10. La Tribune,
24 octobre 1997.
11. Challenges,
septembre 2000.
12. La Tribune,
2 octobre 2001.
13. Le Nouvel Observateur,
avril 1998.
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