Le collectif et l'individuel

  

Table

Introduction 7
Question politique, question sociologique. La pensée post- et après ?

Prologue : L’air du temps philosophique 23
L’étude de la doxa intellectuelle est une sorte d’exercice spirituel indispensable pour résister aux faux-semblants du sens commun cultivé. Ainsi, il est toujours instructif de puiser dans un type de corpus à prétention philosophique, périodiquement offert par la presse et par certaines revues, comme celui que proposait Le Nouvel Observateur en mars 1998 dans un numéro spécial consacré aux « grandes questions de la philosophie » : on y trouvait de grands success stories comme l’amour, le bonheur, le mal, Dieu, la postmodernité, le retour de la philosophie et, surtout, « l’autre », qui était à l’honneur, occasion de parler du « soi », de l’étranger, de l’exclusion, de la responsabilité.
La contribution de la philosophie est essentielle pour deux raisons : d’une part, elle donne une forme de noblesse théorique aux thèmes de la doxa intellectuelle et, d’autre part, elle permet à certains sociologues de (se) camper sur un terrain soustrait aux contraintes de l’administration scientifique de la preuve.

Le retour de l’éternel, 24. – L’« autre » en théorie et en pratique, 28. – Quelle philosophie pour « notre époque » ?, 32.


I. L’INDIVIDU 39
1. Ne pas multiplier les individus inutilement 41
Les usages actuels de la notion d’individu ont quelque chose de confus et d’équivoque. Il y a plusieurs raisons de se montrer perplexe face à ces usages.Trois points sont envisagés ici : y a-t-il vraiment des combinaisons paradoxales de propriétés chez certains individus ? Doit-on accorder à l’individu un statut d’exception découlant des caractéristiques présumées du temps présent ? La critique du monde existant a-t-elle besoin de l’individu ?

L’individu épistémique, 41. – Un social optionnel, 47. – L’eschatologie postmoderne, 54.


2. À quoi ressemble une sociologie de l’individu ? 59
Pour comprendre l’un des aspects de l’usage sociologique de l’individu, celui qui concerne l’investigation empirique, il est instructif de voir comment procède un auteur qui s’en est fait le héraut. L’une des intentions proclamées est le dépassement de la sociologie dite « classique », présumée incapable de se mesurer à pareil défi. On envisagera ici et le défi et le dépassement.

Comptes et mécomptes de la légitimité, 61. – La légitimité, mode d’emploi, 65. – Les individus vus de près, 68.


3. La sociologie très subtile des neveux de Simmel et de Tarde 73
À côté de l’analyse d’une notion comme l’individu, on peut tenter de faire l’histoire sociale de sa production et de sa circulation parmi des théoriciens de la modernité, des spécialistes des styles de vie, des philosophes postmodernes, etc. L’étude de cas proposée ici prend un autre angle, en s’attachant à un aspect essentiel des stratégies intellectuelles de démarcation menées par des sociologues et des philosophes actuels : celui de la filiation intellectuelle revendiquée envers Simmel et Tarde, constitués (à tort ou à raison) en pionniers de l’individualisme. Une telle étude permet de comprendre la délimitation de la population mobilisée pour une cause de ce type et la structure d’une argumentation dirigée contre les principes de la sociologie durkheimienne. Elle conduit à refuser l’imposition de problématique des discours de réhabilitation qui voue à trop bon compte la tradition durkheimienne au scientisme stérile et à l’absence d’imagination, à la faveur d’un jeu d’oppositions indiscutées (pensée officielle/pensée dissidente ; ordinaire/extraordinaire…).

L’espace des admirateurs contemporains, 76. – En finir avec Durkheim, 83.


II. OUTILS SOCIOLOGIQUES 93
4. « C’est moi qui te le dis ».
Les modalités sociales de la certitude 95

L’individu se trouve de nos jours souvent associé et combiné, sur un mode volontiers prophétique, avec le sujet. Les sociologues n’ont pas à annoncer la bonne nouvelle d’une ascension du sujet dans l’histoire humaine mais à se donner seulement les moyens d’« étudier objectivement le subjectif », selon le voeu de Simiand.
Le sujet est inhérent au langage et à certains usages remarquables. Le Je ne désigne pas seulement le locuteur qui prend la parole dans un contexte défini. En dehors de situations où la position du locuteur dans l’espace social apparaît secondaire (« excusez-moi, je me suis trompé de numéro de téléphone », « je voudrais sortir à la prochaine station »…), le discours tenu livre des informations sur cette position (et sur le rapport à cette position) à travers tout un ensemble de marques, plus ou moins officielles, plus ou moins subtiles. Dans la conversation ordinaire comme dans un entretien sociologique, plusieurs emplois peuvent se succéder et se combiner, à la façon des « cadres » d’Erving Goffman. Un même individu, par exemple un agent de l’administration, peut s’exprimer tantôt en fonction de son statut (« j’ai besoin des documents suivants »), tantôt comme simple locuteur (« excusez-moi, j’ai mal entendu »), tantôt comme simple particulier doté de jugement et d’un for intérieur (« je trouve idiot de vous demander ça… je sais bien »).
L’une des voies à explorer dans une perspective de connaissance objective consiste à analyser ce que l’on peut appeler l’autorité sociale de la première personne. L’étude de l’expression de la certitude fournit, comme on verra, un terrain privilégié pour ce type d’investigations.

La conviction, 96. – L’assurance, 100.


5. Le collectif (groupe, conscience, représentation).
Réflexions durkheimiennes 105

Pour tirer au clair la notion de collectif, le recours à Durkheim s’avère indispensable : il s’agit simultanément de reconstituer l’espace problématique qui a été le sien et de le référer à des phases de sa trajectoire. Mais « réactiver » des « intentions », comme disait Husserl, n’est pas une fin en soi : ce qui importe est de comprendre, hors de toute révérence académique, la valeur actuelle des instruments inventés par Durkheim et les usages que l’on peut en faire dans la théorie mais aussi dans la pratique de la recherche.
La question du collectif peut être envisagée à un double niveau : celui des relations entre des réalités objectives – le groupe et les individus –, et celui de l’inscription du social dans les esprits à travers des représentations, des signes. L’existence sociale suppose bien qu’il existe un ordre collectif et aussi que les individus ne soient pas enfermés dans leur intériorité : ayant la capacité d’avoir une « même » pensée, ils participent à un « même » monde et se définissent par cette participation.

Un mot, trois problèmes, 106. – Du sensible à l’intelligible, 111. – La « ligne de démarcation » de l’année 1895, 120. – L’appropriation collective des moyens de production symbolique, 131. – Le collectif comme « concept nouveau », 138.


Conclusion : Les présupposés collectifs
de l’émancipation collective 147