MARSEILLE, 14 juin (AFP) - Le film "Attention danger travail ", récemment présenté en avant-première à Marseille, brosse les portraits de chômeurs heureux d'avoir fui l'usine ou le bureau, suscitant un débat dérangeant sur la place du travail dans la vie, au moment il est question de repousser l'âge de la retraite. Cette suite de documentaires, réunis par Pierre Carles avec le concours de Christophe Coello et Stéphane Goxe, a déjà été vue dans sa version courte par plusieurs milliers de personnes, à la faveur de projections "sauvages" dans des universités ou de petits festivals. "Refusé par la chaîne Arte", selon Pierre Carles, il sort le 24 septembre dans une centaine de salles. "Il y a des gens qui désertent le monde du travail, c'est un fait, mais ils sont invisibles dans les grands médias", a commenté jeudi soir le documentariste de 41 ans, après une projection devant 250 Marseillais. "Si on regarde la télévision, ajoute Carles, on a l'impression qu'on ne peut pas être heureux si on ne consomme pas et si on ne travaille pas pour assurer cette consommation ou surconsommation". La parole est donnée à des chômeurs qui préfèrent vivre du RMI plutôt que de "perdre leur vie à la gagner" en acceptant "des boulots de merde payés des miettes". "P, viré de l'usine et enfin tranquille", raconte qu'il était ouvrier modèle d'une multinationale jusqu'en 1982. Mais, une fois au chômage, il a "commencé à entrevoir beaucoup de choses". "C'est comme si vous étiez au bord du précipice, que l'on vous poussait, et que vous vous rendiez compte, une fois dans le vide, que vous savez voler". Il n'ira plus dans ces entreprises qui "vous jettent par la grande porte" puis "consentent à vous rappeler par la porte de derrière" pour un salaire bien inférieur. Un ancien patron de PME invite à se poser cette question : "Est-ce que j'ai vraiment besoin d'avoir un niveau de vie tel qu'il m'oblige à passer 10 ou 12 heures à travailler ?" "Ce film n'est pas un appel à la glande, même si aucun jugement moral n'est porté sur la paresse, ce n'est pas non plus une diabolisation du travail, au sens d'effort pour créer quelque chose", dit Stéphane Goxe. "Il questionne la place centrale donnée au travail, la manière dont il est organisé et l'idée selon laquelle il est le fondement irremplaçable de notre dignité". Les témoignages sont entrecoupés de reportages dont le plus édifiant est tourné dans une entreprise de télémarketing où un superviseur houspille sans cesse les vendeurs, l'oeil sur leurs statistiques de productivité. En contrepoint, Jean-Pierre Raffarin est filmé à l'assemblée générale du Medef en janvier 2003. "Il nous faut d'abord faire aimer le travail", dit-il, en souhaitant qu'une "bataille culturelle" soit livrée pour que le travail n'apparaisse pas comme "une force aliénante" mais "une force épanouissante". "Après des années de propagande fallacieuse sur les loisirs, vous avez sifflé la fin de la récréation", lance le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière. lbx/mmr/sp/rhl |