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Misères de l'info.
Jean-Paul Monferran.
L'humanité,27 Avril 2000, POLITIQUE, Agora.
ous le titre
« Le journalisme et l'économie », la revue Actes de la recherche en
sciences sociales (1) publie un numéro double, centré à la fois sur la difficulté
à mener un « travail d'objectivation » à propos d'un « univers
social » ayant lui-même intégré « certains des instruments qui sont
ordinairement ceux des sciences sociales » (enquêtes d'audiences, qualitatives et
prospectives, études auprès de panels de lecteurs, etc.), et sur ce que « le
sociologue » peut tout de même tenter de « faire voir autrement » ce
que les « agents » du champ journalistique « ne savent que
trop »... Travail rigoureux et multiforme de l'analyse de la fonction du
« journalisme d'investigation » à celle de « la précarité »
d'une information liée à celle de pigistes transformés en « vendeurs » de
reportages dont la qualité première est d'opérer, sans raccourci
mécaniste, une sorte de déconstruction de l'ensemble du champ journalistique... Travail
ambitieux qui s'accompagne d'une invitation « non à moraliser, mais à
politiser » le débat (selon une formule de Pierre Bourdieu), avec des
« journalistes critiques » qui tenteraient de mettre en place « une
véritable déontologie d'action ou de combat » par laquelle ils
« dénonceraient, en tant que journalistes, les journalistes qui détruisent la
profession de journaliste ».
Vaste programme,
dira-t-on, mais dont les Actes fournissent quelques balises pour qui aurait envie
d'y regarder de plus près : de la montée du « marketing
rédactionnel » (dont Patrick Champagne souligne ce qu'elle doit aux effets de
« la restructuration économique » qui touche aussi le journalisme, avec, ici
comme ailleurs, un « abaissement drastique des coûts ») à la manière dont
lesdites « contraintes économiques » jouent sur la définition même du
métier de journaliste et sur la « fabrication » de l'information. D'où, à
la fois, l'analyse de la « prise en main » d'une profession par les grands
groupes financiers et ce que cette évolution génère de transformations dans cette
profession elle-même : par exemple, « l'ajustement » aux attentes supposées
des lecteurs, le « glissement » du champ journalistique lui-même vers
« le pôle économique » dont les transformations récentes de la
ligne éditoriale du Monde témoigneraient ou l'émergence d'un
« système de sous-traitance » avec la multiplication du recours aux pigistes.
Avec le « désarroi » et le sentiment d'une « perte d'identité »
qui, souvent, en résultent pour tous...
J.-P. M.
(1) mars 2000, no 131-132,
éditions du Seuil, 142 pages, 98 francs.
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