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  Pierre Bourdieu

 
   

sociologue énervant

 
   

 

Décès de Pierre Bourdieu :(
 

 
   

 


Pierre Bourdieu

 POST MORTEM
 Bourdieu dans le texte.




Sud-Ouest, 25-27/01/02.

 


  

Le 15 mars dernier, il avait répondu aux questions des étudiants de Sciences Po Bordeaux.

n amphi bondé, des étudiants jusque dans les couloirs ou suivant ces deux heures d'échanges sur le réseau vidéo interne : le Grand Oral de Pierre Bourdieu était très attendu à l'Institut d'études politiques de Bordeaux. Le sociologue avait fait un large tour d'horizon de sa carrière. Quelques extraits.
Les origines béarnaises.
« Ma première enquête sur le thème « Célibat et condition paysanne » en Béarn m'a permis d'avoir la connaissance de mon propre milieu. Ce fut une expérience capitale pour apprendre à éviter le risque qu'il y a toujours d'introduire des préjugés dans la lutte contre les préjugés. Cette idée centrale de la réflexivité se retrouve dans mon dernier cours au Collège de France consacré à la façon d'arracher la science aux effets sociaux. »

Les grandes écoles.
« Les écoles d'élite vous enferment dans un cercle magique, une cage de verre dont on ne peut pas sortir. A Normale Sup, la philosophie ne me donnait pas satisfaction, et j'allais suivre des cours à l'extérieur. Par exemple, ceux de Georges Canguilhem, un normalien dévoyé, de petite origine provinciale comme moi, et qui passait son temps à engueuler les étudiants, sans trop s'expliquer le pourquoi de sa fureur. »

Son parcours.
« Bizarrement, les grands choix, je ne les ai jamais faits : j'ai choisi en bon élève ce qu'il y avait de mieux. Maths ou philo ? J'ai fait les deux. Et j'ai continué à la rue d'Ulm en philo, croyant que c'était ce que je préférais. Prédisposé à trouver une porte de sortie, je suis allé vers la philosophie des sciences, puis vers l'ethnologie, ennoblie par Lévi-Strauss. Enfin vers la sociologie, ce que j'aurais dû faire dès le début. »

La sociologie.
« Elle est là pour nous assister dans les expériences ordinaires de la vie. Il faut la dédramatiser. Pour ma part, je ne l'ai jamais vue comme une façon de continuer la politique par d'autres moyens. Elle permet de maîtriser sa propre expérience socialement déterminée : car pour négocier avec ses déterminismes, il faut bien les connaître. La sociologie n'est pas une morale. En revanche, elle peut remplir la fonction qu'on assigne généralement à la psychanalyse. Bref, je lui vois beaucoup de vertus, contrairement à l'idée qu'on s'en fait généralement. »

Ses maîtres.
« Mon originalité vient sans doute de l'effort pour relier ce qui paraissait incompatible. J'ai refusé par exemple l'alternative de ceux qui comme Aron opposaient Marx et Weber en vertu d'une lecture néo-kantienne de ce dernier, qui le mutile. J'ai souvent montré qu'il y a des oppositions fictives. Je ne suis pas pour autant un éclectique : simplement je pense que des ressources formidables sont affaiblies, car on ne sait pas rendre additifs ces apports. C'est dans cet esprit que j'ai inventé le "capital culturel", une notion devenue universelle sans dire qu'elle est de Pierre Bourdieu. »

Le déterminisme.
« Bien sûr, il arrive que l'individu fasse des choix et j'ai eu tendance à minimiser la part des intentions conscientes. Mais je suis allé chercher dans la tradition anglo-saxonne, plutôt méprisée au pays de Descartes, l'idée qu'au principe de nos actions, il y a des « dispositions », c'est-à-dire des façons permanentes de percevoir, d'apprécier et d'agir inscrites dans le corps et qui fonctionnent sans passer par la conscience. Et ce qui est vrai dans le choix du conjoint ou d'un appartement est aussi vrai dans l'action scientifique, là où l'on s'attendrait à trouver les choix les plus rationnels. »

Alain Minc.
« Cette lumière prétend que Bourdieu dit toujours la même chose. C'est comme d'accuser un physicien de ne faire que de la physique sans s'intéresser à ses résultats. Il est consternant d'exécuter de cette façon vingt ans de travail. »

L'Europe.
« On nous vend une Europe préparée à la Commission, très antidémocratique, faite de technocrates non élus n'ayant de comptes à rendre à personne. Il faut un nouveau type de contre-pouvoir syndicalo-associatif, mais il est très difficile à mettre sur pied. »

La souffrance.
« Je souffre car le monde va mal, et les choses sont bien pires que ce que je peux en dire. Si vous (NDLR : les étudiants) saviez, vous seriez très mobilisés. C'est un devoir d'État d'intervenir. Mais il faut malgré tout rester prudent, car il faut durer pour exister socialement et donner une force sociale à votre effort pour sortir de la passivité politique. »
   


Pierre Bourdieu

       
 

   
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