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  Pierre Bourdieu

 
   

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Décès de Pierre Bourdieu :(
 

 
   

 


Pierre Bourdieu

 Bourdieu et les médias : la mésentente.




Nouvel observateur, Le journal permanent, 24/01/2002.

 


  

Pierre Bourdieu s'était fait le héraut d'une sévère critique des médias en lançant dans la collection "Liber/Raisons d'agir" plusieurs opuscules de prix abordable qui ont alimenté la polémique tout en rencontrant un grand succès éditorial en 1997-1998. "Les nouveaux chiens de garde", de Serge Halimi (fils de Gisèle Halimi et journaliste au Monde diplomatique) -dont le titre désignait les journalistes- ou "Sur la télévision", la transcription de deux cours de Pierre Bourdieu au Collège de France ont ainsi dénoncé "la corruption de la société médiatique".
Pierre Bourdieu, aux yeux duquel ne trouvaient grâce dans les médias que Le Canard Enchaîné et Le Monde Diplomatique, avait en personne mis ses thèses à l'épreuve lors d'une émission d'"Arrêt sur images" de Daniel Schneiderman, sur La Cinquième (devenue France 5) en janvier 1996.

Les médias de masse en général et la télévision en particulier, disait-il, sont incapables de s'auto-critiquer. La mise en scène, la dictature de l'image, finissent par "cacher en montrant". S'adresser au plus grand nombre empêche, selon lui, de développer les nuances, de surcroît dans le temps de parole restreint accordé par les chaînes de télévision. Ce qui lui avait valu cette réplique de Daniel Schneiderman, dans Le Monde Diplomatique: "Au fond, si l'on vous comprend bien, il n'existe qu'une forme imaginable de communication: le cours magistral au Collège de France. (...) Une heure d'horloge durant, voir un digne professeur délivrer son cours et lancer ses excommunications: qui eût regardé jusqu'au bout cette parodie sans éclater de rire? Oui, la télévision est une moulinette. Les rides d'un invité de plateau, les plis de son front, y seront toujours plus éloquents que sa démonstration. Oui, l'unité de base y est le 'coup de gueule', ou le 'coup de coeur'. (...) Passer à la télévision pour tenter d'y délivrer une pensée, c'est obligatoirement passer un compromis avec la moulinette."

Paradoxe

Un paradoxe ainsi résumé par Bourdieu: "Il faudrait toujours vérifier qu'on va à la télévision pour (et seulement pour) tirer parti de la caractéristique spécifique de cet instrument le fait qu'il permet de s'adresser au plus grand nombre, donc pour dire des choses qui méritent d'être dites au plus grand nombre (par exemple qu'on ne peut rien dire à la télévision)." Appliquée "aux médias" en général, cette thèse avait fait bondir. Un "essai sur le terrorisme sociologique de Pierre Bourdieu" avait paru chez Grasset. Dans L'Express, Alain Finkielkraut avait ironisé sur "le monde devenu simple" selon Bourdieu: "les dominants et les dominés".

Dans les colonnes du Nouvel Observateur en mai 1999, quelques mois après la parution des livres chez Liber, Laurent Joffrin avait dénoncé le qualificatif de "nouveaux chiens de garde" appliqué aux journalistes. "Quand les journalistes obéissent enfin à leurs propres principes, l'influence supposée des propriétaires et celle du conformisme ambiant s'estompent", écrivait le directeur de la rédaction de L'Obs. "La démocratie contemporaine, effectivement marquée par les excès du marché, garde une force de résistance et de réforme. C'est un système ouvert, contradictoire, qui offre des capacités d'action aux dominés, et pas seulement aux dominants. Si les rédactions s'organisent et s'affirment, si les responsables se ressaisissent, si la pression du public s'exerce, les médias peuvent se réformer, sans qu'il soit besoin d'attendre un hypothétique bouleversement du système", ajoutait Laurent Joffrin. Dénonçant ainsi le "sociologue-procureur", il avait apporté son soutien à Daniel Schneiderman, qui avait publié "Du journalisme après Bourdieu" (Fayard). Pierre Bourdieu, selon le journaliste du Monde, "énonce un discours de condamnation des médias en général". "Ceux-ci sont quasiment tenus de le reproduire, donc de lui faire de la publicité. Car s'ils l'ignorent, ils encourent le reproche de censurer le discours de Bourdieu qui reproche aux médias de le censurer."

(N.O.)
   


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