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  Pierre Bourdieu

 
   

sociologue énervant

 
   

 

Décès de Pierre Bourdieu :(
 

 
   

 


Pierre Bourdieu

 Pierre Bourdieu et ses apôtres.




Le point de... Philippe Meyer, Le Point, N°1533, Page 105, 01/02/02.

 


  

'activité de feu Pierre Bourdieu me faisait davantage songer à celle de Mike Tyson qu'à celle de Michel de Montaigne. Il me semble même qu'au fil des années l'auteur de « La misère du monde » utilisait de plus en plus souvent les feintes et les coups bas du catch sur des rings où on le croyait monté pour pratiquer le noble art. Choqués par ses démonstrations à l'estomac, indisposés par l'impitoyable douceur avec laquelle il imposait ses points de vue, ses séides et ses sicaires, bien des spectateurs sifflaient. Bourdieu, quoique prenant l'air dolent, s'en réjouissait in petto : il préférait être haï que contesté et fuyait les confrontations d'idées en assimilant par avance ses adversaires à des persécuteurs aux troubles motivations ou en les choisissant dans une autre catégorie que la sienne : « Affronter » Guillaume Durand, éviter Jean-François Revel, Pierre Nora, Marcel Gauchet, François Furet ou Pierre Rosanvallon, telle fut sa tactique...

Plus que quiconque, Bourdieu me semblait incarner une espèce d'intellectuel dont la France, société de cour, a le secret, sinon l'exclusivité. Affamé de pouvoir mais ne voulant s'imposer ni la fatigue de le conquérir, ni le risque de le perdre, ni l'ennui d'en rendre compte, ni la responsabilité de l'exercer, arc-bouté sur le modèle de Zola, rêvant d'égaler Sartre, aveugle à tous les crimes excusés par d'autres intellectuels au cours du dernier siècle, sourd aux plaintes des victimes qui ne servaient pas sa cause et ne constituaient pas un socle à sa statue, cet intellectuel-là restera pour moi l'image du plus clérical des clercs.

La télévision l'a canonisé. Poivre avait l'air aussi personnellement affecté que lors de la disparition de Lady Di : un penseur venait de perdre un penseur. À France 2, excusez du peu, David Pujadas a ouvert le 20 heures sur la mort du sociologue... On imagine le frisson qui a parcouru la conférence de rédaction où s'est prise la décision héroïque de donner la première place au décès d'un professeur au Collège de France. « Ça, coco, c'est le service public !... » À moins que ce ne soit, pour la télévision, une façon de se célébrer elle-même en accordant un enterrement de classe exceptionnelle à un homme dont elle avait assis l'influence. Quelle que soit l'explication de cette débauche d'éloges, elle impose de rappeler que, pas plus qu'aucun genre journalistique, la nécrologie n'est exemptée de l'exigence d'impartialité. Si une règle non écrite veut que l'on s'abstienne de dire du mal d'un mort, c'est à sa personne qu'elle s'applique, et non à son oeuvre. Rien n'est plus antinomique du journalisme que la fabrication d'un saint de vitrail. S'agissant d'un partisan des contre-pouvoirs critiques, rien n'était plus nécessaire que d'entendre aussi ceux qui contestaient son oeuvre...

Tout le reste n'est que de la triche.

   


Avant de partir pour Kaboul...

Extraits du "bloc-notes de Bernard-Henri Lévy", Le Point, 15/02/02, N°1535, Page 114.

 [...] Bourdieu ? Non, je n'ai pas réagi à la mort de Bourdieu. Superstition. Respect des morts, même adversaires. Et puis la cause me semblait entendue depuis longtemps. Sur ce mandarin parlant au nom de la « basse intelligentsia », sur ce pur produit de l'élite dénonçant la « distinction », sur cette star des médias théorisant inlassablement son allergie à la « télévision », je ne me posais qu'une vraie question : était-il Alceste ou Tartuffe ? Mais, en même temps, à quoi bon...

 Qui a dit : « l'œuvre d'un écrivain, c'est un placard où se trouve un cadavre » ? Peut-être Céline.

 [...] Bourdieu toujours. Ces bataillons de disciples partant déjà en guerre pour les reliques de la vraie croix. Je pense à Deleuze, que je n'aimais pas non plus, mais que je tenais pour un grand. Je pense à ce métaphysicien qui mourut, lui, sans disciples et qui professait que l'apparition d'une école est toujours mauvais signe pour une pensée. Que faut-il souhaiter ? L'importance d'une philosophie se mesure-t-elle au nombre de ceux qui s'en réclament ? Ou les philosophies majeures sont-elles des philosophies moins visibles, clandestines, furtives, empêchées par leur radicalité même de s'agréger aux blocs d'opinion constitués et qui, si elles agissent sur leur temps, le font sans vraiment s'y mêler ? Image du fleuve Alphée. Image d'un poison qui attaquerait le corps du siècle, mais en secret. [...]

 


Pierre Bourdieu

       
 

   
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