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omment
ce texte a-t-il été publié par le Nouvel Observateur
?
Le texte qui a été publié par le Nouvel Observateur
est magnifique, éclatant, d'une incroyable radicalité
théorique et politique. Il semblait constituer une réponse
à tout ce qui s'était écrit sur lui. C'était
une manière de dire : s'il s'agit de comprendre qui
il était, eh bien, même après sa mort, c'est encore
lui qui le fait le mieux.
Malheureusement,
ce texte est sorti environné d'articles si violemment hostiles
à Bourdieu (je ne les ai découverts qu'après-coup)
que cela a provoqué une réaction indignée de
la famille.
C'est un extrait d'un petit livre qui n’était pas destiné
à une publication, du moins immédiate…
Si. Quand Pierre Bourdieu m’a communiqué ce manuscrit vers
la fin du mois de novembre, il portait en effet la mention « ne
pas faire circuler » sur la première page. J’ai lu le
manuscrit, je lui ai fait un certain nombre de remarques. Il a par
exemple entièrement réécrit la page sur Foucault
dont il m'a envoyé la nouvelle version par mail le 10 décembre.
Et ensuite, il a envoyé son manuscrit à l'éditeur
allemand Suhrkamp. C'est donc un livre qu'il considérait comme
terminé et prêt pour la publication. Il souhaitait — du
moins c'est ce qu'il m'a dit, mais je veux simplement apporter mon
témoignage, et je ne voudrais surtout pas apparaître
comme prétendant être le dépositaire de ses dernières
volontés —, qu'il souhaitait donner les droits mondiaux
à Suhrkamp. Ne serait-ce que parce qu'il l'avait écrit
pour eux. Et il a ajouté, lors de cette conversation (vers
la mi-décembre, si mon souvenir est exact) : « Et
puis le Seuil, Bétourné ou Irène Lindon se débrouilleront
pour obtenir les droits. » C'est-à-dire les trois
éditeurs où il avait publié : Seuil,
Fayard, Minuit.
Quelle fut la genèse de ce texte ?
Bourdieu a commencé à l'écrire après son
dernier cours au Collège de France qui a eu lieu en avril 2001
(et en y insérant sans doute des fragments écrits antérieurement).
Sa dernière année de cours portait sur la sociologie
de la science (il l'a publié en octobre 2001, sous le titre
Science de la science et réflexivité, dans sa propre
maison d'édition, Raison d'agir). La dernière séance
du cours portait sur une analyse sociologique (une « socio-analyse »)
de son propre travail. Le Monde a raconté cette dernière
séance. Aussi quand son éditeur allemand a vu que le
cours allait paraître sous forme de livre, il a cru que tout
le livre était cette « auto-analyse », et il
a annoncé, à paraître, un « Bourdieu
par Bourdieu »… Voyant cela, Bourdieu a d'abord voulu les détromper,
puis il s'est ravisé et a entrepris de faire ce livre annoncé,
qui s'appelle donc Esquisse d’une auto-analyse. Il y a travaillé
à l'automne (après avoir passé le printemps et
l'été à mettre au point le texte de son cours,
qui a, comme je viens de le dire, paru en octobre). Et cela a pris
la forme d'un livre entre octobre et décembre (2001).
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