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’œuvre de
Bourdieu résulte, pour une large part, d'une intense mobilisation
d'un groupe, le Centre de Sociologie Européenne. Or cette dimension
collective a été singulièrement occultée.
Visite du laboratoire bourdieusien et de ses oubliettes.
Pierre
Bourdieu déclare que « la sociologie de la sociologie
est une dimension fondamentale de l'épistémologie de
la sociologie », en « réponse » à une
question de Loïc Wacquant remarquant qu'il insiste « sur
la nécessité d'un retour réflexif sur le sociologue
et son univers de production » (1992, p. 48). On voudrait
prendre au sérieux ce principe en effectuant une lecture de
l'ouvrage Réponses qui propose explicitement au lecteur
« d'entrer, en quelque sorte, dans son atelier, ce laboratoire
où s'élabore une œuvre » (quatrième de couverture).
Pour faire cette visite, on ne suivra pas le guide, commentant l’œuvre
(lecture au premier degré), on procédera à l'objectivation
du discours du guide sur lui-même, suivant ainsi le principe
central de la méthode sociologique, exposée dans Le
Métier de sociologue (1).
L'attention est portée à la manière dont sont
effectuées les références aux travaux antérieurs,
à la bibliographie des travaux de Bourdieu, à l'usage
du « je » et du « nous » collectif (ne se confondant
pas à l'autre forme de « je », le nous de majesté).
Ce
qui frappe c'est l'amnésie d'une dimension décisive
de l’œuvre de Bourdieu, à savoir la dimension collective. Toute
œuvre en sociologie comporte cette dimension, au moins sous la forme
des emprunts, des inspirations. La faible propension de Pierre Bourdieu
à citer certaines des grandes œuvres auxquelles il emprunte
est connue — ainsi, pour ne prendre qu'un exemple significatif,
Veblen n'est pas mentionné dans La Distinction !
Reproche si fréquent que Loïc Wacquant l'évoque.
La défense est bizarre concernant Norbert Elias : « Ce
n'est pas le lieu de dire ici tout ce qui me sépare d'Elias,
en dehors d'un accord fondamental sur un certain nombre de principes,
souvent empruntés d'ailleurs à Durkheim et Weber »
(p. 69). Aucun élément pour comprendre les raisons
de son silence sur Elias dans certains des grands textes sur l'habitus.
Ainsi pourquoi Elias ne figure-t-il pas dans l'index du Sens pratique
(1980) ?
Mais
l’œuvre de Bourdieu diffère de nombreux autres travaux dans
la discipline sociologique par son ampleur (qu'il est ridicule de
réduire, comme veulent le faire croire certains, à une
suite d'évidences sociologiques au service unique d'un projet
politique) qui résulte, pour une large part, d'une intense
mobilisation de tout un groupe, le centre de Sociologie Européenne.
Je pourrais analyser le travail empirique — passation des
questionnaires, codage, exploitation des données, etc., mais
aussi lecture d'ouvrages — inhérent au métier de
sociologue. On constaterait alors que même en note ou en annexe,
figurent rarement les noms des collaborateurs, des collaboratrices
qui ont assuré ce travail au sein du Centre. Je ne signalerai
qu'en passant le silence sur les individus qui ont fait que la revue
Actes de la Recherche en Sciences Sociales ait une certaine
homogénéité de ton. Pendant longtemps — plus
précisément pendant les 87 premiers numéros,
soit seize années — le seul nom inscrit a été
celui de Pierre Bourdieu. Rien sur Claude Grignon et Jean-Claude Chamboredon
qui ont joué un grand rôle dans la « reprise »
des articles, ou sur d'autres. Pierre Bourdieu était nettement
le nom d'une instance de production collective, instance qui acceptait
de se plier à cette règle de l'anonymat (on sait d'après
la théorie de la domination, chère à l'auteur,
que le consentement est un signe classique de la dépendance
des dominés). Ou pour reprendre un article de l'auteur, son
œuvre est devenue progressivement une croyance dont la valeur est
telle que même ses détracteurs peuvent en tirer profit.
Le
plus important est, du point de vue d'une œuvre et surtout de sa mémorisation,
le problème des publications. Le reste n'est que coulisses.
Nous sommes là sur la scène publique. Bourdieu a écrit
cinq types de livres (ou d'articles) : les livres écrits
individuellement, les livres écrits avec un autre auteur de
même statut que lui, cela étant marqué sur la
couverture par le « et » (les deux livres les plus célèbres
de cette catégorie qui ont lancé Bourdieu sont Les
Héritiers, et La Reproduction), les livres que Bourdieu
a dirigés, comme Un art moyen, ou plus récemment
La Misère du monde, les livres collectifs sans direction
officielle (ainsi Travail et travailleurs en Algérie), les
livres à plusieurs, au sein desquels Bourdieu est nettement
l'auteur principal : Réponses (sur la couverture,
le nom de Wacquant, plus petit, est précédé de
« avec »).
Or
surprise, dans la bibliographie de Réponses ou dans
celle de La Domination masculine (1998), ces livres
de statut différent sont rangés dans une catégorie
unique ! Dans le premier, sur l'étiquette de classement
c'est le « et » qui sert de référence. Ainsi
par exemple Boltanski, Castel et Chamboredon, pour Un art moyen
(1965), sont sur le même plan que Passeron pour Les
Héritiers (1964) ou La Reproduction (1970) !
Or dans le premier cas, chacun reste dans son chapitre, sous
la direction de Bourdieu alors que dans le second, c'est une autre
affaire. Pour Jean-Claude Passeron, il s'agit d'une écriture
« à deux », d'une « co-écriture » — il
pense que les défauts, les excès de l'écriture
dans La Reproduction « ce n'est ni la faute à Bourdieu,
ni la faute à Passeron, mais pour le meilleur et pour le pire,
la faute à la trop longue réécriture du texte,
aggravée par les possibilités de buissonnement qu'encourage
la coécriture, sans parler des compromis entre co-auteurs qui
soldaient diplomatiquement les négociations théoriques
en ajoutant inévitablement les restrictions mentales aux circonlocutions »
(2).
Dans
la seconde bibliographie, la préposition change, c'est « avec »,
mais le brouillage des catégories objectives est le même : une
seule sorte de livres lorsque Bourdieu n'est pas seul. On a même
connu une troisième version, encore moins innocente, celle
d'Homo academicus (1984), où là,
tous les livres « collectifs » portent la mention « en
collaboration ». Le Métier de sociologue (l968),
livre à trois, dont la tranche est presque familièrement
composée d'un « Bourdieu / Chamboredon / Passeron »
est transformé en ouvrage de Pierre Bourdieu (en collaboration
avec J.C. Passeron et J.C. Chamboredon).
Bref,
ces biographies ne nient pas la dimension collective, ne peuvent pas
la nier. Elles minimisent le statut des livres publiés avec
un vrai « et », à égalité, en les novant
avec les autres, de nature différente. À la fin, les
lecteurs les plus jeunes, les lecteurs pressés ont l'impression
d'une grande œuvre composée de livres écrits à
une main, et d'ouvrages dirigés « par ». Bourdieu
est soit soliste, soit un grand chef d'orchestre. Il n'a joué,
semble-t-il, jamais de duo, ni de trio. La production d'une telle
liste, mélangeant les types d’association, a au moins deux
effets, celui d'accroître la taille du groupe dirigé,
et celui de considérer celui-ci regroupé autour de la
figure du « chef » du Centre. Il n'existe qu'une seule structure,
un maître et ses disciples. Le mélange, « savant »,
produit un ordre qui ressemble à une forme de domination.
Cette
solitude des grands est confirmée par un autre indicateur,
puisé dans Réponses. Jamais dans une phrase,
Pierre Bourdieu ne cite, avec lui, un autre des auteurs de même
niveau (ceux qui, lors de la publication, ont été rangés
avec « et »). Le couple « Bourdieu et Passeron »,
du fait de leur séparation dès le début des années
1970, est passé aux oubliettes. L’« ex » Passeron,
animateur avec lui pendant quelques années du séminaire
du Centre, n'existe que dans les parenthèses, lorsqu'il y a
renvoi à un de leurs travaux. La gomme fonctionne bien. On
peut même lire en réponse à une question portant
sur la critique d'une théorie trop « statique » ou
« fermée » les mots suivants : « J'accorde
volontiers que mes écrits peuvent contenir des formulations
malheureuses... Je dois aussi avouer que, dans beaucoup de cas, je
trouve certaines critiques terriblement superficielles et je ne peux
m'empêcher de penser que leurs auteurs ont été
victimes des titres de mes livres : je pense en particulier à
La Reproduction » (Bourdieu, avec Wacquant, p. 58 ; souligné
par moi). Quelques pages plus loin, Pierre Bourdieu prend l'exemple
d'un peintre voulant présenter dans une exposition « un
tableau statistique tiré de mon livre L'Amour de l'art
(idem, p. 62). »
L'effacement
prend encore une autre modalité. Alors que dans Homo Academicus
(1984), il y a renvoi explicite dans les notes à La
Reproduction, au Métier de sociologue, par
exemple, dans l'index complet — et toujours bien établi
dans la collection du Sens commun, ne figurent ni Passeron, ni Chamboredon.
Ou encore dans La Noblesse d’Etat (1989), en page 8, est
cité Rapport pédagogique et communication (cosigné
en 1965 par Bourdieu, Passeron et Saint-Martin). Dans l’index, à
Saint-Martin, il y a renvoi à cette note. À Passeron,
rien, son nom ne figure pas dans l'index. Disparus à quel champ
d'honneur et pour quelle cause ?
Pourquoi
les énoncés justes de Bourdieu —« On ne fait
pas son salut scientifique tout seul. De même que l'on n'est
pas artiste tout seul, mais à condition seulement de participer
au champ artistique, de même c'est le champ scientifique qui
rend possible la raison scientifique... » (avec Wacquant, p. 163)
sont-ils contredits par de tels silences ? Entre l'individu
et le champ, il existe des intermédiaires, des laboratoires,
des équipes mobilisées, d'autres individus qui ont le
droit d'être évoqués. Au-delà sans doute
du sentiment d'injustice que peuvent éprouver ceux de la première
période qui connaissent une telle occultation, ce qui est en
jeu c'est la représentation sociale du travail scientifique.
Faire croire que l’œuvre est personnelle revient à renforcer
le sens commun que le grand savant est seul à avoir de grandes
idées, et qu’il est entouré de « collaborateurs »
ou de « collaboratrices » qui peuvent au mieux les mettre
en application dans le cadre des enquêtes de terrain. Pour l'exprimer
autrement, et en reprenant un concept de Bourdieu — celui de
« capital social de relations » (Actes de la Recherche,
1980, n°31) — les stratégies, conscientes ou
non, mises en œuvre par Bourdieu pour se présenter seul (y
compris sous la figure de l'incompris, de l'injustement attaqué)
font que ce sociologue sait utiliser comme il faut les biens de famille,
accumulés par les autres en les convertissant en capital symbolique : une
célébrité quasi monopolisée.
Ou
pour l'écrire dans une théorie, concurrente, élaborée
par un ancien membre du premier cercle, Luc Boltanski (L'Amour
et la Justice comme compétences, éd. Métailié,
1990), on peut penser qu'il s'agit là d'une des techniques
pour se grandir. Certaines sont utilisées par des individus
peu dotés et qui tendent, selon l'expression courante à
« en rajouter » pour paraître plus sérieux,
pour être entendus. D'autres manœuvres existent pour augmenter
sa taille sociale, par exemple celles que l'on vient d'objectiver,
notamment en se présentant comme un auteur seul, entouré
de collaborateurs nombreux et variés.
Face
à cette occultation de la mémoire collective du Centre
de sociologie européenne, une objection pourrait être
lancée : tous ces individus — comme Boltanski,
Chamboredon, Passeron — qui ont signé livre ou article
avec un « et » égalitaire (il faudrait ajouter au
moins à ce premier cercle Robert Castel, Claude Grignon, Monique
de Saint-Martin, Yvette Delsaut), ne doivent-ils pas leur existence
à la seule chance d'avoir côtoyé le maître ?
Il est impossible d'établir un bilan après coup des
contributions à l’œuvre mixte, personnelle et collective, de
chacun des membres du premier cercle, d'autant plus que le silence
de Bourdieu n'est guère brisé par les déclarations
des autres, y compris ceux qui ont quitté le Centre (c'est
le cas, à des dates différentes, avec des modalités
différentes, au moins de Boltanski, Castel, Chamboredon, Grignon,
Passeron, de Saint-Martin).
En
revanche, ce qui est certain, c'est la fécondité des
travaux menés ensuite à l'extérieur par les sortants.
Un peu arbitrairement, sans doute, on en retiendra quatre : Le
Savant et le populaire (Hautes Etudes, Gallimard-Seuil, 1989)
de Grignon et Passeron ; Le Raisonnement sociologique
de Passeron (éd. Nathan, 1991) ; De la justification.
Les économies de la grandeur de Boltanski (et Thévenot,
éd. Gallimard, 1991) ; Les Métamorphoses
de la question sociale de Castel (éd. Fayard, 1995). Il
s'agit non pas de les résumer, mais de souligner, en quelques
lignes, la pertinence des travaux construits « à côté »
de l’œuvre élaborée par tous et chacun, pendant la première
période du Centre de Sociologie Européenne :
Avec
Le Savant et le populaire, Grignon et Passeron appréhendent
les limites d'une vision sociologique qui repose, presque exclusivement,
sur une logique de la domination. Il affirment que la culture populaire
ne peut être comprise uniquement en référence
à ce schème. C'est dire que la théorie de la
légitimité culturelle, aussi intéressante soit
elle, occulte certaines dimensions des conduites qui ne renvoient
pas à un axe vertical, mais à un axe horizontal, comme
les cultures de métier, les cultures régionales, les
cultures religieuses, les cultures générationnelles.
On pourrait aussi prendre le cas de la réception des œuvres
dans les musées. Non, la visite d'un musée ne peut pas
se résumer à l'exclusive recherche d’un profit de distinction,
ou à l'expression d'une bonne volonté culturelle. Elle
est aussi la source de plaisirs que le sociologue se doit d’analyser.
Passeron (3)
lutte ainsi contre « le purisme monomaniaque privilégiant
une composante », plaidant pour une sociologie de l'hétérogénéité
sociale des comportements, permettant de comprendre la place, variable
selon les pratiques, les groupes sociaux, les moments, de la domination.
Au-delà
de leurs façons de faire différentes, Passeron et Castel
ont un objectif commun : réhabiliter au sein de la
sociologie la place de l'histoire. Passeron (1991) le réalise
dans une perspective épistémologique en désignant
le raisonnement sociologique comme un « entre-deux », avec
le langage des variables qui s'inscrit dans des procédures
quasi expérimentales (comme l'enquête par questionnaire)
d'un côté, et avec la prise en compte de la comparaison
historique, du contexte de l'autre. De manière autocritique,
il montre que dans La Reproduction le modèle proposé
pêche surtout par sa généralité, par l'occultation
du fait qu'il s'agit d'une théorie d'une période pendant
laquelle l'institution scolaire occupe une position particulière
dans la production et la reproduction des individus et de la structure
sociale. Le souci de la trop grande généralité
(qui n'est pas une pratique désintéressée) conduit
alors le sociologue à considérer le contexte comme une
simple conjoncture, comme un élément secondaire, et
à se centrer sur ce que l'on affirme être des invariants.
Pour
écrire son plaidoyer d'une sociologie historique, Castel s'y
prend autrement, il établit « une chronique du salariat ».
Il y a bien des homologies de position entre les paumés de
la terre aujourd'hui et hier, il y a bien homologie des processus
qui conduisent à devenir ces paumés. Mais ces constantes
n'engendrent pas pour autant une absence d'histoire : ont
surgi « des discontinuités, des bifurcations, des innovations »
(p.16), après une période caractérisée
par « une puissante synergie entre la croissance économique
avec son corollaire, le quasi plein emploi, et le développement
des droits du travail et de la protection sociale » (p.384).
Ainsi se trouvé dépassée une conception du changement
social qui, dans la perspective de la domination, se limite trop souvent
à « tout change pour que rien ne change ».
C'est
peut-être Boltanski (et Thévenot) qui rompt le plus explicitement
avec le passé de la théorie « Bourdieu » (désignée
ici comme le nom singulier de l'entreprise collective). Le « sens
commun » ne désigne plus la bête noire du sociologue.
Ce que les gens disent de ce qu’ils font est un objet légitime
de la sociologie, et pas seulement au titre de l'illusion. Il existe
ainsi « une similarité entre la façon dont une
personne, pour rendre compréhensible sa conduite, s’identifie
en se rapprochant d’autres personnes sous un rapport qui lui semble
pertinent et la façon dont le chercheur place dans la même
catégorie des êtres disparates pour pouvoir expliquer
leurs conduites par une même loi » (1991, p.15). Cette
équivalence requiert un travail de mesure de la grandeur des
personnes (et de leurs comportements). Dans certaines situations,
les acteurs se disputent, n'appliquant ni les mêmes principes
d'équivalence, ni les mêmes justifications du choix de
ces derniers. Les uns peuvent, par exemple, s'appuyer sur un monde
marchand ou sur un monde industriel (au sein duquel priment la compétence
et l'efficacité), les autres sur un monde domestique (au sein
duquel comptent les relations interpersonnelles), ou sur un monde
de l'opinion (avec le poids de la reconnaissance sociale).
Pour
reprendre l'hypothèse que j'ai proposée, à savoir
que la manière dont Pierre Bourdieu rend compte du passé
du Centre est une manœuvre pour se grandir, on peut se demander à
quel monde se rattache ce type de justification qui consiste à
élaborer une présentation rétrospective de soi.
Ne s'agit-il pas du monde de l'inspiration, monde « d'une grandeur
qui se soustrait à la mesure et d'une forme d'équivalence
qui privilégie la singularité » (Boltanski, Thévenot,
p.200) ? À ce niveau, Pierre Bourdieu ne chercherait-il
pas à appartenir à la catégorie des « grands
inspirés » qui, « par ce qu'ils ont de plus original
et de plus singulier, c'est-à-dire par leur génie propre...
se donnent aux autres et servent le bien commun » (idem, p.203) ?
Avec son engagement dans la sphère politique, l'évolution
actuelle de Bourdieu serait alors, selon mon interprétation,
moins en rupture avec la période précédente qu’on
le prétend.
Objectivement
il y a cohérence entre la première phase de construction
de la singularité et la seconde, la mise à la disposition
de cet être singulier et inspiré — et de sa
pensée — au service de l'intérêt général,
et plus précisément, pour que l'identité puisse
être pensée et représentée comme unité
de soi, au service des « dominés ». À ceci
près que pendant la première phase, Bourdieu dénonçait
l'intellectuel « total », notamment sous les traits de Sartre
(dans Le Sens pratique et dans London Review of Books, vol.2,
22,1980) qu’aujourd’hui il cherche à incarner. Cette contradiction
entre dessein objectif et commentaires subjectifs de l'auteur le contraindra,
sans nul doute, à une nouvelle actualisation de la mémoire
de ses textes et de ses prises de position antérieurs, tentant
d'occulter ses critiques précédentes. On peut regretter
que l'auteur de « L'illusion biographique » (Actes
de la Recherche, n° 62-63, 1986) dénonçant l'inclinaison
« à se faire l'idéologue de sa propre vie en sélectionnant
en fonction d'une intention globale certains événements
significatifs et en établissant entre eux des connections propres
à leur donner cohérence » y succombe aussi bien.
(1)
Les références complètes de tous les ouvrages
de Pierre Bourdieu cités dans cet article figurent dans notre
bibliographie « Bourdieu en 30 livres ». N.D.L.R..
(2)
Jean-Claude Passeron répond à des questions de Raymonde
Moulin et de Paul Veyne (Moulin R., Veyne P., 1996, « Entretien
avec Jean-Claude Passeron. Un itinéraire de sociologue ».
Revue Européenne des Sciences Sociales, n° 103, pp.275-304).
(3)
Dans « L’œil et ses Maîtres », postface à Les
jolis paysans peints, catalogue, Imerec, Marseille, 1990).
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