III
l la mène à la décharge, à l’entrée du
pays. Il sait qu’à cette heure personne n’y vient jamais. Il n’est pas
rasé ce matin, lorsqu’il sourit ou lorsqu’il parle ses dents jaunies dévoilent
leurs caries. Il fait méchant comme ça.
Elle est toute en blanc, ses gencives ont la couleur vive de son
intimité.
Ils avancent dans le sentier, descendent entre les tas d’ordures jusqu’au fond
du trou, là où l’on trouve des carcasses de voitures, des frigos défoncés, des
monceaux de vêtements pourris, puants, des choses gluantes qu’on peine à
identifier.
Quand ils sont parvenus au terme de leur périple, le vieux se
penche et enfonce ses mains dans le sol boueux et en retire un peu de matière où pendent
des fils, des filaments peut-être végétaux. Il pose ses mains sales sur le visage de la
petite, y dessine des traits comme pour jouer aux Indiens puis s’en prend à ses
cuisses. Elle sent cette odeur de cendre autour d’elle, sur ses joues, ce mélange de
suie et d’immondices.
Lui, les mains pleines de terre, fouille son
sexe comme s’il recelait un trésor. Il va et vient sans ménagement, négligeant le
satin de sa peau et les griffures sales qu’il y fait.
Elle vacille, il la (pousse) d’une méchante pression sur
les reins et elle s’écroule, les genoux et les mains souillés par les ordures. Il
rit un peu, la montre du doigt tandis qu’elle tente de se relever. Sa robe s’est
déchirée.
« Tu as déchiré ta robe
radasse. »
Comme elle pousse sur ses jambes il la maintient au sol et lui
ordonne de rester accroupie. Il la trousse d’une main, remarque une tache de tourbe
sur ses fesses, macule son derrière de la terre qu’il trouve, parfois couverte de
moisissures, de papier brûlé, d’excrément.
Elle est muette, attentive, elle renifle l’air comme un
chat, cherche à deviner la suite sans rien lui demander.
Il exige qu’elle pousse tandis qu’il la fouille
au cul et assiste —écarquillé— au mélange des matières (ses yeux
sont des coquilles d’œufs un peu jaunis, ses pupilles s’opacifient comme
celles des chiens très vieux)
Ne pouvant soutenir le spectacle sans faillir (ça vient —dit-elle)
il poisse ses culottes aussitôt
et sent ses poils s’agglutiner au tissu
il pense aux agrumes à cause des assonances
elle n’ose dire tout haut le mot « grumeau » ni
d’autres moins futiles.
Puis il remonte le slip souillé, encore gros d’ocres
mêlés
lui offre sa main crottée afin qu’elle se hisse sur ses
jambes.
Ils gravissent ensemble la tranchée d’ordures en glissant
sur les écoulements torves, les traînées des limaces, les fruits talés et manquent par
deux fois de s’y affaisser.