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ce texte  peut choquer les âmes sensibles et est contre-indiqué, dans la plupart des législations, aux personnes mineures. Évitez-le si vous êtes dans l'un ou l'autre cas !

 

 Charles Bösersach

  Edwige.

 
 

charles bösersach

 
 

 

Cet après-midi, j’ai acheté L. dans une boutique de la petite rue M. 

Jolie brune, butée. Joli cul, démarche souple, poitrine ferme, lèvres minces et cette expression lasse. Cheveux longs et très noirs (9 épithètes). J’ai demandé à l’examiner davantage et l’on nous a conduits dans une cabine. Nue, elle était plus ordinaire. Mais tout était à mon goût, et le prix raisonnable. 

Contrat habituel. 

Les gens sont si pauvres, ils se vendent pour rien. 

Dans la rue je l’ai fait marcher devant moi. Elle portait mes paquets. J’ai délibérément pris quantité de vivres afin qu’elle ait à charrier lourd, et encombrant. Comme ça. Je regardais son cul, bien serré dans un pantalon de sport. Elle marchait droit malgré sa charge, et gardait une attitude insolente. 

A mes questions elle ne répond que des banalités. 

On me l’avait donnée pour plutôt vierge mais, à l’essai, il s’avéra qu’elle avait ce tour de main, et un certain entrain, qui trahissaient la gueuse. 

Son premier amant fut son père. Un fou. Elle couchait avec ses parents. Elle regardait sa mère en souriant froidement tandis que son père la prenait. Sa mère souriait aussi, doucereuse. Je ne sais rien de tout cela, j’invente. L. m’a juste dit que son père l’avait déflorée. Dépucelée. J’écris cela. 

L. sait à peine lire. Elle aimerait apprendre, paraît-il. J’écris "L. est une idiote". Elle déchiffre avec peine. Son entrain, c’est surtout en finir au plus vite. Je la prends debout, par derrière, tandis qu’elle s’efforce de lire. Elle s’agite, serre. L’envie me passe c’est comme si j’urinais en elle. Elle se cambre un peu, à peine, imperceptiblement, et me voilà dehors. Pour l’ennuyer je lui ordonne de rester ainsi, accoudée, et j’ouvre la fenêtre — qu’elle ait froid. 

J’ai sur L., comme sur la plupart de mes esclaves, droit de vie et de mort. Je ne possède rien. 

J’ai rencontré T. et sa jeune femme. Elle s’intéresse à moi, à ma fortune. Elle prétend que je devrais m’occuper davantage de mon argent, et que j’ai trop de femmes. Elle a demandé à venir me voir. Cette insolente est à mon goût. Vive, un peu débraillée. 

T. n’est pas jaloux, ne s’offusquerait pas. 

La femme de T. 

J’ai pensé à elle tandis que L. et E. me caressaient. J’ai imaginé cette jeune blonde à genoux devant moi, et j’ai imaginé sa bouche fine sur mon ventre, et mes doigts sur son corps. J’ai joui agréablement, et ordonné à L., dont la bouche était pleine, d’embrasser E., et de la caresser. Brusquement contrarié — sans bien savoir pourquoi —je les ai bousculées. 

Edwige. C’est son prénom. J’ai essayé de l’approcher, lors de sa visite. Rien à faire. Elle me repousse en riant, criant au ridicule. J’étais vexé mais je faisais bonne figure. Edwige a recensé mes esclaves, en a dressé la liste. Il y en a trop, a-t-elle décrété. J’ai regardé la feuille, profitant pour m’approcher un peu, frôler la cuisse dénudée (elle portait une longue robe fendue jusqu’à la hanche, et largement décolletée — chair pâle, fine, sternum. Penser à ce moment m’émeut chaque fois). Elle s’écarte, s’esclaffe, me traite de satyre. J’ai regardé la liste et dû admettre que certains noms ne me disaient rien. 

— A quoi vous sert cette abondance? 

Je ne sus que répondre (elle a les yeux verts). 

Couché, je me caresse et répète son prénom. Il faudrait trouver une esclave qui lui ressemble. J’ai fait enquêter. Edwige est d’une famille noble, modérément riche, très cultivée. Elle a suivi l’école militaire (et, stupidement, alors que je sais que cela n’est rien, je l’imagine, dans un vestiaire, serrée entre trois ou quatre brutes qui la malmènent ; non, Edwige c’est autre chose : c’est elle qui commande). 

J’ai appelé C. et le plaisir est venu tout de suite. C. est un sac : elle se couche et somnole. Cela me plaît beaucoup. Chacune ici a son charme. Edwige ne comprend pas. Peut-être est-elle jalouse? Cela m’amuse, jouer avec cette idée : Edwige rêvant d’être une esclave. 

Mon esclave. 

Chacun convoite ce qu’il n’a pas, probablement. 

Mais cette idée ne me satisfait guère. 

Il faudrait qu’elle soit contrainte de m’obéir. 

[...] 

Nous avons conclu un arrangement, un jeu : elle a accepté la charge de mes affaires ; elle s’engage à faire fructifier mon bien. Chaque entreprise médiocre fera Edwige mon esclave pour un jour. Et chaque bon résultat lui donnera crédit d’autant. 

Edwige s’ingénie à gagner, je suis découragé. Elle a plus de trente jours de crédit à sa disposition. Elle m’a amené à revendre un certain nombre d’esclaves. Elle possède cette rhétorique implacable, une métaphysique, oserais-je, qui me laisse sans voix. Et puis, je tourne autour d’elle comme un chien amoureux. Je dédaigne mes filles (c’est ainsi que j’appelle mes esclaves). Je les prends par dépit, et déçu par avance. 

Edwige m’enrichit. Son mari s’en amuse. J’ai essayé de lui parler. Comment est-elle au lit? Il rit. Il a l’air très content. Est-il content d’Edwige, ou bien de ma question? 

Je dors peu. Je réunis mes filles, je leur fais faire n’importe quoi et je m’agite inconsidérément. Elles me regardent avec inquiétude. 

Edwige tient mes affaires. Je m’excite en pensant à sa cuisse. Pitoyable. 

Il me reste six filles. Edwige m’a séparé de L., que j’aimais bien. Je ne sais comment elle s’y est prise. Ses arguments paraissaient raisonnables. Je lui en veux. L. a été rachetée par un barbon (et moi, que suis-je d’autre?) qui aujourd’hui refuse de me la revendre. Lui aussi rit de moi. Lorsque je lui rends visite, il prend un vif plaisir à me laisser regarder L. Il la caresse devant moi. L. semble ne pas me voir. 

J’en veux beaucoup à Edwige, je ne la désire plus. C’est L. que je veux. Que je reveux. J’avais un sentiment pour cette fille. Le vieux refuse mes propositions, même les plus généreuses. Je crois qu’il est de connivence avec Edwige. Je les imagine bien riant tous deux de moi, et la main du barbon sur la cuisse d’Edwige, et la bouche d’Edwige sur le corps du barbon — pourquoi pas? — tandis que L. ... 

[...] 

J’ai organisé quelque chose avec des vagabonds. Ça me coûte assez cher. Nous allons enlever Edwige, et la violer au coin d’un bois. Puis nous irons reprendre L. Il me semble que c’est un plan audacieux. Je me sens rajeunir. 

Edwige se promène le soir, dans le grand parc de la rue C. Nous nous sommes cachés derrière les bosquets. Mes hommes s’élancent et font cercle autour d’elle. Ils la tiennent. Elle ne réagit pas. J’approche, masqué, en me déboutonnant. Mes hommes la lâchent et se tournent vers moi. Ils me saisissent. 

Bien sûr, Edwige avait tout deviné. Elle rit. Elle dit aussi qu’elle doit me punir. Et voici ce qu’elle fait : 

Ils m’ont attaché à un arbre et Edwige, devant moi, sans me quitter des yeux, se donne à chaque bandit. Chacun la prend à sa manière. 

— C’est bien ce que tu voulais, n’est-ce pas? me demande-t-elle tandis qu’un gaillard ahane dans son dos. 

Elle m’a tutoyé. 

Ils jouissent d’elle à leur guise (croient-ils). Certains en prendront plusieurs fois. Échevelée, luisante de sueur, l’haleine lourde (elle a cédé sa bouche aussi, sans ciller, sans que ses yeux me quittent), elle s’approche de moi, effleure mon sexe tendu, et rit. 

Ils amènent L. 

Ils la tuent. La dépècent. Edwige rit et bat des mains comme une enfant. Ils éviscèrent. La carcasse de L. est par terre et on m’oblige à me coucher dessus. J’ai vomi. Je gémis. Le pied d’Edwige sur mes reins — Allons, du nerf! — et je dois faire semblant de posséder le cadavre de L. 

Edwige est assise sur mon dos, elle me griffe. Ils vont me tuer. 

Mais ils me laissent. Je me réveille seul, au petit matin, sur la carcasse de L. Je pense à Edwige avec beaucoup de respect. 

Le lendemain, comme si rien n’était arrivé, elle est chez moi, et vérifie mes comptes. 

Je l’enlace. 

— Que voulez-vous enfin? 

Je suis forcé d’admettre que je n’en sais rien.

 

Charles Bösersach

  
Bösersach 

  
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