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Avertissement !
ce texte  peut choquer les âmes sensibles et est contre-indiqué, dans la plupart des législations, aux personnes mineures. Évitez-le si vous êtes dans l'un ou l'autre cas !

 

 Charles Bösersach

  Victime.

 
 

charles bösersach

 
 

 

il la fit déshabiller entièrement, sans lui accorder un seul regard — s’intéressant par contre à ses vêtements, au contenu de ses poches et de son sac à main, qu’il étala sur la table, qu’il contempla longuement.

Il en jeta une partie, rangea le reste dans une boîte à chaussures. La fille grelottait dans un coin.

Le premier coup de cravache lui arracha un petit hoquet.

— La musique des sphères! exulta-t-il.

— Vous savez, continua-t-il tandis que les coups ponctuaient son prêche, comme je déteste cette phraséologie : « les globes, les deux hémisphères charnus »... alors qu’il est si simple, si redoutablement élégant de prononcer « le cul », « les fesses »...

— La croupe? osa-t-elle entre deux sanglots.

— La croupe aussi, c’est vrai.

— De même que cette invention (il l’enculait) destinée à préserver la virginité de nos belles — car il s’agit bien de ceci, n’est-ce pas? « L’amour contre nature ! » : voyez comme la nature a su bien faire les choses — votre cul n’est il pas exactement où ma queue veut aller? Et puis c’était bien commode, oui, quant à rester pucelle... Diriez-vous pucelle, ou vierge?

— Pucelle... Ah!

— Vierge, verge, c’est trop propice. Criez, si cela vous fait mal.

Il la laissa le cul en sang, tel une plaie abominable. En d’autre temps il eut perdu pied, il l’eut achevée d’une manière ou bien d’une autre — mais cette fois il tenait la Victime, une créature pareille à lui-même, Le Mauvais (Le Mauvais! quelle plaisanterie, ajouta-t-il, je suis Le Quidam oui). Victime était son nom.

Il versa sur les plaies de l’alcool à brûler et lui bourra la gorge d’étoupe afin qu’on ne l’entendît pas crier. Il sut lire en ses yeux de la reconnaissance.

— En d’autres temps, reprit-il, je vous aurais tuée. Mais maintenant je vous connais. D’ici ce soir votre cul sera redevenu cette redoutable perfection qu’il était tout à l’heure. Je vous connais, je connais tous vos tours. Pour pleurer et gémir, vous êtes capable de tout. Refaites-vous et ce soir je vous clouerai au mur, je vous écartèlerai et vous écorcherai, puis nous irons dîner. Je vous verrais bien avec un short en cuir très fin, très souple, une seconde peau, et un petit rien en haut. Je sais, je n’ai point encore honoré vos seins. C’est qu’il y a trop à faire! Nous verrons cela demain, un autre jour. Reposez-vous, je dois aller dormir. Dans un instant nous recommencerons. J’ai un marteau, des clous et de grosses tenailles. Je vous clouerai en X sur la table dressée. Je vous enfoncerai le manche de l’outil, j’arracherai vos dents, je goberai vos yeux (tâchez qu’ils aient cette saveur subtile de violette), et si je vous éventre, surtout ne saignez pas : de la chair, oui, tant que vous voudrez, de cette pulpe rose, cette mousse saumon, cette crème de vous — mais pas de sang, pas ce soir. Pas sur le plancher.

Elle fit signe qu’elle comprenait, et qu’elle était d’accord.

— Merveilleux. C’est merveilleux!

Il revient.

— Ce soir je vous l’ai dit je vous emmène au restaurant! Je veux pour vous les mets les plus infâmes. Puis je vous conduirai dans une arrière-salle où des brutes féroces vous prendront devant moi, debout contre le mur, puis deux par deux — faites-vous un vagin bien serré, qu’ils jouissent au mieux... Je voulais vous branler avec un couteau de boucher, je le ferai demain.

Il retire l’étoupe qui l’étouffait (visage cyanosé, les yeux exorbités). Et il la complimente encore.

— Votre cul est tout rose, vous allez vite...

Elle se relève, le remercie, se recoiffe distraitement.

— Quelle heure est-il?

— À peine quatre heures, nous avons tout notre temps. Passez dans la cuisine s’il vous plaît, et redresserez la table...

Il revient avec une caisse à outils, elle est déjà en position de crucifiée.

— Le mieux serait que les clous soient rouillés, mais je n’ai que cela! Il montre de grosses pointes en acier.

— Je vais essayer de ne pas me taper sur les doigts!

Il y arrive très bien. Elle grimace affreusement. Il a cloué les mains, regrettant in petto qu’il abîmait sa table, puis les pieds. Jambes écartées elle gémit.

— Je me demande quel est le féminin de Jésus...

Elle trouve la force de sourire.

— Il manque la couronne d’épines... (Il plante de petits clous dans le front et les tempes de la fille), la blessure au flan (il la pénètre avec une grimace obscène) et le verre de vinaigre (l’embrasse à pleine bouche, déverse sa salive et son haleine cariée ; elle se détourne un peu, se rétracte, le fait jouir tout de suite)...

— Vous êtes vraiment épatante.

Elle le remercie.

— Allez-vous m’éventrer maintenant?

— Je ne sais pas, je n’en ai plus tellement envie...

Il fait jouer un couteau sur le ventre marmoréen.

— Marmoréen aussi est un mot ridicule. Blanc. Le ventre blanc comme un poisson oui. Pourquoi es-tu si froide...? Tu ne jouis pas?

— Si.

— Cela ne se voit guère...

— Je jouis de ne pas jouir...

— Rhétorique!

Il a porté sa main entre les jambes de Victime ; elle est très moite.

Il arrache les clous. Les mains et les pieds de Victime sont intacts.

Elle revient, vêtue comme il avait dit.

— Tu ne souffres jamais?

— Si, justement.

— Qu’est-ce qu’il y a...?

— Je suis morte, tu comprends?

Elle a ce rire hystérique qu’il ne comprend pas mais qui la rend si belle, un rire comme du rouge à lèvres, rire de bête carnassière — carnassière d’elle-même.

— Quelle heure est-il?

— À peine cinq heures. Il est trop tôt pour dîner. Qu’est-ce qu’on pourrait faire?

— Je vais faire la vaisselle...

— Fais voir ton cul?

Elle remue obligeamment, il se frotte les mains.

— Ils vont bander, au restaurant.

— Pourquoi faut-il aller au restaurant?

— Tu vas manger. Je veux te voir manger.

— Je n’ai pas faim. (Ton de fillette capricieuse.)

— Justement. Tu vas manger de la viande crue, des légumes pourris. Je les ai prévenus. Je leur ai dit que j’amenais un cas. J’ai dit aussi qu’ils préviennent tous leurs amis. « Amis! ». Il y aura tout ce que la ville compte de fripouilles et de gros bras. Tout ça pour ton petit cul. Et c’est le patron du restaurant qui va encaisser les loyers, je suis trop pleutre, je...

— Tu t’en fous de toute façon...

— C’est vrai. Mais je serai aux premières loges, tu sais. Je n’en perdrai pas une miette. tu sais quoi?

— Non...

— Il faudrait que tu te débattes, que tu cries. Ils seront obligés de te frapper. Ils devront t’attacher...

— S’ils m’attachent, je ne pourrai pas faire la salope...

— Comment?

— Branler, griffer, caresser...

— Ça n’a pas d’importance. Le cul, la chatte, la bouche, cela suffit... Ils devraient être trente, peut-être plus. — Il va s’en mettre plein les poches...

— Et moi plein le cul...

— Ah ah.

Elle fait la vaisselle à l’eau bouillante. Une idée à lui. Ses mains sont rouges et gonflées. Elle trépigne.

— Ça te fait mal?

— Évidemment!

Elle se retourne, visage trempé de larmes.

Il revient dans la chambre, examine le contenu de la boîte à chaussures.

Il crie, pour qu’elle entende.

— Je jette tes papiers...

Il déchire minutieusement la carte d’identité, la carte de sécurité sociale, les photographies d’identité. Il arrache chaque page de son carnet d’adresse et s’amuse à les chiffonner. Une par une. Elle est devant lui.

— Ça ne signifie rien.

— Je sais.

Ou bien :

— Ça ne signifie plus rien.

— Je sais.

Mais les locuteurs n’eussent pas été les mêmes.

Sortir. Descendre l’escalier. (Elle peut à peine marcher tant son short est serré ; il y porte la main, elle se retourne, très enjouée : « je te suce dans l’escalier? ». Désemparé il la repousse et elle manque tomber.)

Dans le taxi elle dit, à haute et intelligible voix, comme une enfant récite sa leçon : « Si j’étais un homme je serais pédé. J’aime vraiment trop ça, les bites. » Silence. « Mais l’avantage, pour une femme, c’est qu’on a un trou de plus. ». L’oeil inquiet du chauffeur dans le rétroviseur.

— Je me demande ce que je préfère : sucer, baiser, ou me faire enculer...?

Le chauffeur se racle la gorge. On est arrivé.

— Elle a bu? chuchote-t-il tandis que Le Mauvais paye.

— Non. Elle est folle.

— Vous avez du courage...

— Et comment...

— Bonne soirée quand même...

Ils entrent dans le restaurant. Et derrière eux la porte se ferme à clé.

— On a pensé que ce serait plus pratique...

— On ne mange pas? s’étonne La Victime en minaudant (inquiète cependant).

— T’en fais pas, ajoute un costaud en baissant sa braguette, celui-ci devrait pouvoir t’occuper un instant...

 

Victime glousse, elle n’est pas très rassurée.

Ils la conduisent dans une arrière-salle en la pelotant. Elle fait mine de vouloir s’enfuir, de résister. Un coup de poing dans le ventre la plie en deux. L’Aubergiste la tire par les cheveux. Puis c’est comme d’habitude : on l’attache à plat ventre sur une table malpropre. Aussitôt ça remue dans son ventre et le costaud de tout à l’heure se frotte à son visage puis pénètre sa bouche.

— Tu vois, c’était vraiment pas la peine de te faire du souci...

Il dure. Il lime dans sa bouche, elle ne peut rien faire. Elle essaie d’exprimer, avec ses yeux très doux, en battant des paupières, avec des borborygmes, qu’elle aimerait bien participer, ne pas rester oisive ; elle aimerait bien leur montrer ses qualités, et comment elle sait user bien de sa langue, de ses lèvres, mais l’autre est comme dans un trou, et il se vide, dégorge, en s’enfonçant au plus profond — de peur que j’avale pas? — puis c’est un autre. Elle essaie de les compter du coin de l’oeil. Et ça remue derrière elle. Le con, le cul ; selon. Un vicieux lui rentre les doigts et l’asticote de l’intérieur. Et où est Le Mauvais?

Jouir? Elle se trémousse un peu, ils ne s’aperçoivent de rien. On lui donne bien à sucer, elle n’est pas déçue. Mais personne ne lui fait mal, c’est regrettable...

Bite, lime, sperme. Elle regarde autour d’elle, les objets sur les étagères. Et comment ils sont habillés, la couleur des murs, le sol, les taches un peu partout.

Ça coule, ça fait des bruits qui la réjouissent secrètement -— des bruits dégueulasses. Où est Le Mauvais? Elle ne l’avait pas vu, il est juste devant elle, tout près, bien droit sur sa chaise. Il regarde, il observe. De temps en temps il se lève, il regarde derrière...

Elle sent que son cul palpite, ne se referme plus, elle sent sa chatte ouverte comme une bouche avide qui aurait encore faim... Et les autres, inlassables, dupes, qui croient la posséder!

Elle aime quand ils tirent ses cheveux, quand ils tordent ses bras. Le Mauvais les incite à lui faire du mal :

— Brûlez-la avec des cigarettes, mettez-lui une bouteille dans le cul!

Mais les autres sont de bons gars, de bonnes brutes inlassables : ils bandent, pénètrent, remuent, se vident scrupuleusement, s’en retournent discuter avec les autres sans même s’émouvoir. Elle essaie de se rappeler : elle en a sucé douze? ou treize? Treize, ça lui plairait... On l’a baisée quinze fois, et enculée six fois. Preuve que même les brutes ont du respect pour les femmes attachées à plat ventre sur une table de restaurant. Personne ne l’a caressée. Personne n’a cherché ses seins. Personne n’a mordu sa nuque. Quelques-uns ont maltraité ses fesses, les ont malaxées, ouvertes. Un ou deux a enfoncé le doigt...

Elle a trop sucé, ça la dégoûte. Pas de sucer. Seulement c’est trop salé, épais. Elle aime le goût de la bite, même (surtout) la bite malpropre, qui vient de la remuer. Mais ce jus dans sa gorge, épais, comme une morve qu’on n’arrive ni à avaler ni à recracher, et qui colle, dedans (alors qu’elle aime tant qu’on lui décharge sur le ventre, sur les seins... elle aime tant l’odeur que cela a, qu’elle laisse — sortir dans la rue, dans le bus, en exhalant le foutre...). Ils la détachent, elle se relève d’un bond, toute pimpante.

— J’ai soif!

— Elle a de la santé, la petite dame...

 

Le Mauvais est mécontent, ils rentrent de bonne heure.

— Tu vois, par exemple...

Elle est assise sur la table, bien écartée.

Toute la main du Mauvais est dans son ventre. Il a serré le poing.

— Je vais tirer tout doucement. Ferme les yeux et imagine que tu accouches...

C’est très lent. Très délicieux.

Elle le retient par le poignet ; qu’il aille plus doucement encore. L’impression que cela dure des heures. Feulements inhumains. Elle a rarement autant joui.

— On peut faire plus gros?

— Il faut que je tienne quelque chose dans mon poing...

— J’ai peur que cela fasse mal...

— QUOI?

Il la cloue de nouveau. Il lui ouvre les yeux et verse du vinaigre, de l’acide, de la chaux — n’importe. Il la branle avec un gant de crin, il enfonce une brosse à cheveux entre ses jambes. Il verse dans sa bouche un mélange de terre, de viande crue et de merde de chat. Dans son cul une lame, un couteau de cuisine. Couteau à dents. Elle ne saigne pas, ne remue pas. Des spasmes réguliers l’habitent. Sa chair est toute blanche, presque translucide. Les jambes se relèvent un peu, plus maigres. Et il reste les seins, serrés dans un soutien-gorge légèrement trop petit. Que faire? Il la brûle avec sa cigarette, à travers le nylon. Cela grésille, fond, se colle à la chair qui se creuse, boursoufle et cloque. L’odeur n’est pas très agréable. Elle ne saigne pas, elle suinte — une espèce de lymphe qu’elle ne peut empêcher, dommage.

— Une vraie limace...

Elle transpire aussi. Elle respire bruyamment par le nez, en remâchant l’infâme mixture...

Dans les narines il verse goutte à goutte la cire fondue d’une grosse bougie... Quand les narines sont remplies, il retire la brosse à cheveux et enfonce la bougie, allumée, dans le sexe qu’il tient ouvert de la main gauche (pouce et index dans la chair molle). Cela grésille, elle a un petit sursaut, tourne la tête et crache la boue qu’elle a mâchée, elle halète joliment — elle jouit. Enfin, elle jouit. Il voudrait la serrer dans ses bras mais ça n’est pas pratique. Il lui caresse l’épaule, puis le ventre. Le nombril — il enfonce son doigt, il rentre tout entier son doigt dans le nombril! Puis il s’installe au dessus d’elle, ridicule, juché, grotesque — IL LA PÉNÈTRE PAR LE NOMBRIL! il remue, c’est agréable dedans, c’est doux, tiède ; il se vide puis il pisse dedans, le ventre gonfle un peu, elle hoquette — on ne sait plus comment ça marche.

Elle le remercie avec un sourire de speakerine.
     

 

Charles Bösersach

   
Bösersach 

  
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