Sébastien Morlighem

Chant

 

Dans les dents dans les gencives il y a les nerfs les vaches les grandes résolutions les nourrissons les révisionnistes de toutes parts les peupliers et les goulues il y a nos espérances beurrées nos surprises devant le fait d’é-ja-cu-ler encore et toujours à contre courant éjaculer (sur) le monde il y a la télévision le fenêtron dixit petcha la vie molle du bonheur l’aboutissement du big bang certainement il y a les êtres humains les poupées les vertiges de l’existence suceurs de l’holocauste fort compétents sérieux discrets il y a la famille les vacances les faiblesses sexuelles les doigts dans la bouche la grande courbe paiement après résultat vous serez payés en rots c’est possible oui il y a la concurrence du marché les claviers formatés mes dons surnaturels je suis un ange une mésange une araignée dans la pisse retour de l’être aimé il y a mes joies et mes peines de magazine mes chevilles en chien de fusil un bloc compact et transportable une diarrhée lunaire des astronautes morts il y a les fesses du corps les fesses de l’âme le vagin céleste ce qui reste à montrer au spectacle il y a oui le spectacle on l’avait oublié ce fils bien nourri démonstratif vigoureuse fiente de l’esprit cocufiage intégral définitif ressassement de toujours la même chose depuis toujours il y a notre poésie notre secours pollué mourante remuante la décomposition dans l’action la bouche pète la pensée tête le sein le souffle la tentation de la voix les écritures fantômes du ciel il y de nombreuses étoiles ficelées les bouchers travaillent vite et bien de nos jours il y a les territoires la brume qui les entoure la langue qui les suce et qui enterre les cadavres les morts de l’humanité sont fournis par les vivants il y a le chewing-gum au sperme le sachet qui protège les secrets la boursouflure les biberons tièdes frottés sur le pubis maternel les chiens des tonnes de chiens qui dévalent les escaliers il y a les personnes âgées qui alimentent les aboiements la bave sur le trottoir les feuilles mortes le sentiment de la feuille morte du papier noir il y a les ruines et les vestiges les triques pour fouiller touiller le sol pour mouiller rouiller souiller l’os notre plus précieux trésor le vocabulaire de la chair il y a les écrans ces milliards d’écrans la vie n’existe que parce qu’elle est consommée c’est marqué dessus en lettres scotchées pas d’entourloupe il y a pardi que nenni les proverbes l’émiettement des sentences la femme de ma vie n’est pas celle de mon vit (sic) il y a les granulés qui grognent au fond de la tasse ça fait mal c’est trop dur à avaler il faudrait écraser tout ça modifier génétiquement les parties prenantes le monde est élémentaire et électrique court-circuiter il y a les versions discordantes les témoignages les avalanches la vie est un procès qu’on ne gagne jamais les avocats se font rares cornus et bucéphales il y a les arbres qui tombent du mauvais côté de la littérature dans les moustaches de la littérature on se tient les côtes tellement ça secoue de les voir défiler tous un vrai concours de beauté être écrivain en fin de compte ça se mesure en chocolat plutôt qu’en moutarde la reconnaissance du ventre il y a nous et la ponctuation de nos journées l’énergie grappillée gaspillée la répétition les échanges échecs les ligatures fines et espacées sous l’armature du poil il y a l’action publique la pomme d’arrosoir à vinaigre la fatigue d’avoir à faire ça parce qu’on me l’a demandé et qu’il n’y a rien de mal à jouer au démiurge c’est idoine illocutoire à ma fonction non à mon fonctionnement il y a les ritournelles les figurines de la rhétorique qui enchantent l’air le meimei cyclique à grandes oreilles tandis que la bête grogne et siffle furieusement hors de l’anus il y a pelure de l’âme concept antique jusqu’à la mise à nu les odeurs naturelles les graines de galopin la brutalité ou la gentillesse c’est selon l’élevage ou l’élévation il y a la nifle c’est quoi c’est ça dit-elle en exhibant son sexe bougre ça surprend moi qui me croyait perdu de vulve il y a le fleuve le rythme les coups de soleil l’ultime parangonnage sur lequel se hisser la toile de fond il y a le flou fixe les ombres que l’on mordore l’œil incontinent qui poisse la glande pinéale qui gémit le bulbe du mou pour le chat il y a la joie parfois l’illumination impossible la planète morlu qui attend son architecte et son griot il y a ma filleule de rose l’usine à gaz les câlins et les vesses de poule les chansons du gosier et de l’estomac il y a l’amour à venir des tartines géantes des confettis et des hourras des alléluias et des vivats des confitures de crachat il y a certainement mieux à faire tant pis ou mieux peu importe ça gigote ça gobe des octets il y a la misère l’épanchement de synovie la médiocrité ambiante je n’y comprends rien normal c’est le brouillage il y a ce texte pratiquement écrit d’une seule traite santon de moments vus lus ouïs sentis pour l’homme moderne le cinq janvier mille neuf cent quatre vingt dix neuf le matin et il y a la fin.

 

 

 

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