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VIII
Certains
voient les os avant de voir la chair
Certains
voient la chair avant de voir les os.
Lætitia Sadier
Étincelle
rebelle, je vous mire dans la pénombre, à califourchon sur
le verbe. Votre histoire m’intéresse de plus en plus. Des mots,
oui, vous les remuez au fond de votre âme depuis la découverte
de ces étiquettes… L’homme moderne a déjà permis
cela : le récit de votre expérience à la
portée de quelques-uns. Tenir le fil, la part belle à la
cagoule. Bâtir à coups de lignes un joli mausolée
de poussière. Y apposer sa plus sincère signature, montrer
à la foule sa version des faits, la coucherie intime ; ça
vaudrait le détour, pour sûr, pas de charcutage ! Moi,
touffeur de vos neurones, je vous garderai ici. Nous partagerons cette
fantaisie. J’avais, je crois, préparé quelque proclamation
fabuleuse, une parabole un peu… profane et impérieuse à
vous conter, afin de vous distraire. Et puis non. Il convient d’être
très sérieux. Voyez-vous, apprendre à se tenir debout,
puis droit, marcher, avancer, éluder les avalanches, esquiver les
écueils, conduire le troupeau vers la terre promise, c’est extrêmement
sérieux, autrement sérieux que tous les déchirements
internes, qui ne sont que ressassements, ressassements de ressassements,
ressassements de ressassements de ressassements, et qui pourraient bien
finir par sombrer dans un océan de ressassements ! Ça
grouille de renoncements ! Sous les rimes, les essaims pèlent
de trouille. Bon, assez pleurniché sur la race humaine. Quid du
plancton, des amibes, et même des atomes ? Quant au trou noir,
hein, bernique… Les voix ne devraient pas cesser de vivre leur naissance,
le fait que cette naissance soit leur vie, et rien de plus. Cachez vos
fausses vulves, traîtresses ! L’intervention plurielle se passera
de vos engendrements. Une sève neuve se tapit, escamotée,
sous votre savante technique. Ma trompe coriace fouille voracement le
sol, à la recherche de ce gisement… Cadastre de culottes immaculées
à baiser… La vérité. Il suffit de la prendre un instant
dans sa main pour savoir comment l’éprouver. Mais elle glisse !
La voilà qui gît devant nous, les dents ébranlées,
la lèvre gonflée, la joue toute enflée, le front
ensanglanté ; son menton porte une vive éraflure.
Cette turbulente fillette a découvert une grande couleuvre, bien
trop grande à avaler pour elle, la vilaine bête se traîne
sur le ventre, la bouche en feu – sans fin – les affolements – sans
fin – l’ondée des nymphes – sans fin. La mort
en permission qui rentre au bercail, chic, ça va saler le goût
de la vie ! Le lyrisme à toutes les sauces ! Le drame,
ça attise le chant, la chansonnette de lambeaux, la ritournelle
qui humecte le bulbe, jusqu’au soulèvement, souverain, des épanchements.
Mon cher Orphée, vous feriez mieux de ne pas vous retourner sur
la vérité. Laissez-là vous suivre, docilement. Derrière
vos foulées, elle est une image à tisser. Retournez-vous,
et… Au fond, votre choix est simple : la muse ou la muselière.
La corde pour se pendre… ou pour vibrer. Tête nue. Donnez une valeur
fixe à tout butinage. Vouez-vous à transformer cette désamoureuse
tumeur. Tumultuez ! Après la traversée du Styx, vous
goberez le jaune solaire, ce redoutable détail sémantique.
Et maintenant, l’heure est à l’œil, très-sévère.
Réveillez-vous ! Il est trop tard pour le sommeil. J’ai une
idée brillante. Voulez-vous du théâtre ? Rompons
l’épais testament ! Planches : Paparole, l’être
suprême, va vous refaire le portrait avec son pistolet à
jet d’encre ! De sa garçonnière, au creux des
cieux, il vous regarde avec les yeux de l’âne, d’épaisses
terrines fumées. Il fulmine dans sa brouette volante ! Gare
aux bombardements, car les péquins de croûte y passeront
tous ! L’entendez-vous ? – PEUPLE NIAIS,
TU VAS LE BOUFFER, MON JUGEMENT
DERNIER ! VEAU D'OR OU VACHE ENRAGÉE,
ENTRE LES DEUX YEUX, LA TRUELLE ! MON
CLAIRON, C'EST DU SAUCISSON ! MON
CUL SUR TON NEZ, DU BOUDIN TOUT BAVÉ ! MON
GROIN DE GOUDRON GROGNE ET GRIGNOTE TON INTESTIN, GARGOUILLE
À GLAIRES ! DANS MES LANGES SE
CACHENT LES ANGES ET LEURS AILES DE CARAMEL ! MA
SOURCE EN BRANLE-BAS, DE CON BAS, JAMAIS
NE SE TARIT, RAT ! LA
CRÈME SUBLIME TE NARGUE AU MUSEAU ! ESSUIE
TA FACE, MICHÉ-MESSIE, SUR
MA PIERRE PONCE, MA PIERRE DE ROSETTE ! VAS-Y,
AVALE-LE MOI TON BRÉVIAIRE, QU'ELLE
VIENNE EN GORGE, LA PAROLE SAINTE !
COLIQUE ! ROSAIRE ! TIENS
BON LA BARRE , MA BOUCHÈRE, LA
TEMPÊTE VA GICLER AUX CIEUX, C'EST LE MOUCHOIR DU SAINT-ESPRIT
QUI VA RAMASSER LA MISE GRISE ! – Silence !
Suce-toi l’intérieur de la bouche avant de nous inonder, crétin
de la création ! Cette chambre est nôtre. Même
si tu m’as voulue, dis-toi que tu n’es rien sans moi ! J’aurais pu
te provoquer, remonter ma robe et aller vers le Très-haut, plus
haut que toi, endosser un tout autre costume pour te seoir et chanter
tes louanges. La grille est baissée. Le magasin est fermé.
Dépôt de bilan ! Tu es renvoyé. Mille bises,
mon seigneur ! Voyez, dans mon cerveau, ça se passe ainsi,
comme ça, sans prismes, c’est le cri du rhésus ! Fier
moment rare de moelle, prise en flagrant délit de transubstantification.
Quel torchon, ce tas de neurones… quel substrat tentaculaire ! Nous
aurons beau l’essorer, il en restera toujours quelque chose. Penser c’est
perdre le filtre ! On dit qu’on peut tout dire… qu’en dites-vous ?
Doit-on dire tout ce qu’on peut dire ? Se borner à envoyer
des télégrammes ? Établir un répertoire
des désastres ? Qui nous en empêchera ? La mort ?
Qui nous repêchera ? Mémoire, moire, angoisse de renverser
les formes de l’oubli, la grande voirie universelle.
IX @ index
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