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cest triste et froid disent-ils. De lintérieur. Cest assez difficile
déprouver quelque chose. A cause de la distance. On ne sait pas lévaluer
exactement ; on na pas de repères. Cela tient, je crois, au caractère
instable de ce qui constitue notre environnement : lair est épais, certes, et interne.
De se mouvoir soi-même aux confins de soi-même, si jose dire... enfin, ces débats
séternisent et nous ennuient. Lidée que lon se fait de soi, dont on
discute sans fin aussi, cette idée se nourrit dune perception vague, usée, labile
et, comment dirais-je? de seconde main. On doit parler de lunivers, il le faut
semble-t-il. Cest bien ainsi que se construit un monde (je veux dire : un monde
à soi, dont on prend la mesure dont on sinspire enfin à laune
de celui qui nous est présenté comme : vrai, solide ; rassurant. Une
fois ceci réglé (cest-à-dire une fois posées les limites de laffaire, plus
quelques règles simples permettant au dispositif de fonctionner vaille que vaille), il
convient darranger le détail. Tout est là. Et cest le détail qui
permettra que votre ouvrage tienne ou non. Certains sempressent
dagglutiner des cathédrales, des cathédrales fines comme très fine
broderie ; ils les serrent dans leurs mains, ils simpatientent. En général,
cest un léchec. On nobtient plus, au fond, quune boulette grise,
et les merveilles ne sont plus. Dautres se veulent arrimés, vertigineux, et ce sont
des falaises, des gouffres, où ils ne savent plus poser le pied. Au fond de très fines
crevasses serait un peu despoir (enfin : lidée quon en aurait, sur
le moment), quelques branches menues, quelque rhizome... bien sûr le bras se tend, bien
sûr la main se crispe, cest pathétique. Tout, comme un tas de cartons empilés à
la diable, sécroule au premier souffle, au moindre ravissement. Et ce nétait
pas fait pour ça, non plus. Dautres enfin jouent leurs faiblesses et se replient,
se recroquevillent au fond, sur un misérable nid de coton mouillé. Ils pleurnichent et
regardent ailleurs quand une âme sensible veut leur venir en aide... Mais un autre
défaut est notre manque de constance, de confiance en soi. Tout est si difficile... Un
geste, par exemple, un geste élémentaire (diriez-vous), se heurte à mille difficultés,
à tant dimpossibilités... Jai beau penser le mieux possible, et essayer de
commander distinctement, rien ne se passe ou si quelque chose arrive,
cest un tel phénomène quil est difficile de ne pas imaginer quil ne
sagit probablement, après tout, que dun accident. Cette souffrance
même, dont nous nous réclamons tant, il semble bien, à mieux y regarder, quelle
ne soit que le fruit dune savante combinaison, dun calcul quon pourrait
qualifier de sournois, ou au moins mensonger. Mais cest ainsi, et nous
voguons.
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