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  Christophe Petchanatz

  Trois textes pour Line Clément.

 
  Christophe Petchanatz  
   

plantation.

Ils sont venus pas encore là, flagrants. Lorsqu’ils seront ici l'esprit nous échappera. C’est toujours la même chose : patience, désillusion, imaginant — ailleurs — une très sale petite lucarne, des moucherons agglutinés.

Ça me regarde (ça n’est ni lieu ni être, une possibilité, un piège tout au plus). Alors je marche parmi les roses, et dans la viande rose, me retiens aux épines — partout — et cela passe.

Tu tournes chaque fois des manières différentes.

Les secrets sont dedans (mais ils n’y seront plus lorsque vous y serez).

Quand c’est ouvert on regrette aussitôt le silence d’avant, celui de la surface, qu’on n’a pas apprécié, et qui est tout gâché. On remarque en passant que le monde, ce monde-ci, continue de s’ingénier, tâchant (de plus en plus maladroitement) de ressembler à quelque chose. Tout son être est fibreux, et il bée.

Façon de rappeler qu’en toute chose on peut traduire " droit de passage ".

Face à vous et debout (illusion n’est-ce pas?) comme une perspective avec ces parallèles (car je sais minces bouleversements) qu’il a fallu, forcément, concéder — de moi à l’autre il n’est pas autre, pas tout à fait, suffisamment que je ne puisse reconnaître, le reconnaître, le distinguer, où qu’il soit même agrippé à moi, à mes épaules, serrant de liens étroits les gestes quotidiens.

Elle nous a dit, cela ne peut finir de dire, c’est inlassable, on est là dans le monde, le monde écarquillé, cherchant à voir, à voir encore, à toucher, à comprendre — ce sont vos mondes aussi ; impossibilités.

 

Les cinq océans.

En lambeaux — peut-être en lambeaux. Sûrement. On a pesté contre soleil, contre le vent. On y voulait voir de plus près. On marche sur le sol, le reste à l’avenant.

Même sens que le vent, diagrammes (inattendus : conjonction de reflets et d’ombres cisaillées) et plates-formes. C’est une question d’échelle, de point de vue. Facile. Et cela part d’un coup, c’est une hémorragie, l’eau, le vent, ligatures défaites.

Ici l’on soigne aussi ; c’est plus mystérieux. Mais je n’ai su que l’ombre, la jonction des reflets, les plates-formes.

Ce qui dans l’eau s’arrache vers le haut, fantômes et pigments puis, du dessus, compatissant, se pencher et tâcher démêler ce qui de soi constituerait perte de l’origine ou bien (au contraire?) de quelle perte sommes l’enjeu, l’échec, en un retournement bref, en une chatoyante éviscération que rien ne pourrait empêcher, aucun lest, aucune folle volonté, le ciel plaqué au sol, piteux.

J’ai assisté au grand remue-ménage, le vrai, l’originel ; nous faisons ça quand il nous plaît — nous avons nos recettes. Et puis des yeux chercher une sortie (alors qu’on est dehors!).

Il faut nourrir les corps, les dépouiller. Les océans sont là. Ce qui est difficile, c’est cette double attente, et cette fausse indifférence. On ne peut rien distraire, alors on fait semblant.

 

barbarie, sacrilège & massacre.

On l’a serré du pouce, un dans chaque narine. Oui, on a massé gentiment alors même que se profilait — comme en guise de conclusion — l’excellence : en finir une fois pour toutes avec cette douteuse concavité (et crânes dans les crânes se moquant, les uns fort spongieux — les autres, macérés dans la forme solide, ayant subi, jour après jour, l’empreinte).

Les dents dedans la bouche comme grains de tournesol, comme des amandes avec ce risque inouï, à terme, cet accident : de se manger les dents. De se mâcher la bouche.

Mâcher, remâcher cette terre aussi, où l’on reposerait (réellement, naïvement, comme en villégiature).

Ce qui tombe sur nous, cet à-pic, drain de migraine absorbant le mou, émulsion, levure, bave aussitôt desséchée creusant encore, au bord, sécrétant, pal après pal, l’oeuvre possible et qui défend d’y voir.

Je t’ai pincé le nez, j’ai foulé à regret la pelouse. Et l’on n’est jamais sûr. Chaque fois que je m’éloigne, et tu t’éloignes, cela semble également ajouter aux rancoeurs. Colère, peut-être.

Tu nous repousses ainsi, tu cherches à aveugler. Il faudrait y aller à tâtons, s’ingénier à tamiser l’image, laisser filer entre les doigts le mur, les éléments dont il est fait, avant de remarquer, si l’on bouge la tête, si l’on adopte un angle différent (alors toute attention portée au jeu superbe des vertèbres) on se dit pour finir c’est peut-être le sol qui nous fait face, nous attire, nous absorbe déjà.

Il est passé très vite, sans laisser d’autre indice du point de vue de sa nature.

Nous avions fait du mieux possible et disposé avec soin les ouvertures. Mais il les évitait. Cela n’avançait pas.

Et d’une autre vision, à un autre moment, avec ce goût de craie, de cassonade, et cela colle entre les doigts, chercher à démonter, traduire, inverser la logique des gestes (on la sait humble aussi), la minutie, faisceau de minuscules égarements. Tâcher de se reprendre.

Avec l’ombre je cache, je vous montre autre chose — ou bien pas. Imaginons que vous sortiez de l’ombre, justement. Alors vous ne seriez plus rien. Trop de lumière, diriez-vous. On n’est jamais content.

J’ai décidé de ce trésor, de ce plan. De cette île. Qu’importe si l’océan n’est pas assez liquide! Qu’importe l’horizon — les horizons orientés de façon discutable. J’ai apporté des vivres, des morceaux de mon coeur.

J’ai décidé trésor ; j’ai décidé cabane — et c’était déjà fait. J’ai voulu, parfois, vous inviter, vous joindre à moi. Mais vous faisiez tant de manières...

Moi je trouve excellents ces biscuits, et la fraîcheur humide où s’enfouir peu à peu, sous le signe, détournant l’attention (c’est si facile) en vous abandonnant quelque chose dont vous pensez (comment n’y pas penser?) qu’il s’agit d’une pièce essentielle. Voici : la clé de voûte, dont je m’éloigne. Je vous la laisse : elle ne sert plus à rien.

D’un autre point de vue, sans ironie aucune, sans même, comment diriez-vous? — sans même pervertir — corrompre? — je dois vous avouer (mais la voix est soudain inaudible) : voici l’endroit parfait où passer ses vacances. Quoi? Vous ne voyez donc rien? Et compteriez sur moi pour vous décrire, traduire, anticiper? Ne puis.

Vous voici acculé, avec cette muraille (une phrase tout au plus), avec ces poids, et le bât qui vous sangle, mâchoires en cuir soudain, cette phrase qui pèse, englue, cimente toute gorge : "voici l’endroit parfait où passer ses vacances".

Mais je n’ai pas dit où, ajoute-t-elle, légère, ne faisant que passer.

Légère, oui. Débarrassée. Au fond, y aura-t-il eu drame? N’aurions-nous pas été quelque peu superficiels?

— Elle m’a planté là, insiste ce qui de nous n’est plus (même ceci). Et selon les versions nous pourrions être enclins à éprouver de la pitié, ou un soulagement qu’on ne pourrait décrire.

Là je remue les doigts, je les approche, je ne sais plus déterminer qui, de moi ou d’eux, nous définit le mieux.

Nuque sur plaque de fonte, chemin, cristaux. On sait qu’après, autour, cela grésille. Mauvais.

Ici parce que c’est l’évidence (quelque chose dont la fonction serait "l’anti-paratonnerre"). On vous laissera seul, à terre. Mais en intelligence.
 

 
Christophe Petchanatz    

 

 
    

  
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