Contemporains |
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Favoris (Les) |
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Le passage. |
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n texplique (on ne texplique pas) : la pluie, les arbres, la vitesse (cest pareil). Éléments sans substance, sans épaisseur, et qui cèlent pourtant ces bruissements, ces frémissements, ces passages trop vifs. Pour eux la vie se divise en domaines : celui des feuilles mortes (1), cest : « être là », penché au-dessus du passage, à le toucher peut-être, rameaux, antennes, bras minuscules, tendus, frôlant la pellicule du passage, et se mêlant, du ventre, à tout ce qui sen va. De fait, dans cette situation, si on en prend le temps, cela ne peut que se terminer de cette manière. Sans déroger, jamais. Et en expliquant bien aux jeunes, aux plus jeunes, quil sagit là dun moment dexception si fugace quil vaudrait mieux, au vrai, ne pas même en parler (nétait la verdeur des gestes, des pensées, et ce presque refus de se pencher, comme les autres, sur le passage et nous attribuions cela, par méchante dérision, à de la crainte! lorsque ce nétait quindifférence). De lautre côté, bien sûr, est « le passage ». Nous lavons déjà souvent évoqué. Cest une vitre, quelque chose dessentiellement plat, une surface quon ne peut sempêcher de percevoir autrement : flux gros du va-et-vient rapide de vies têtues, décidées, pressées, dangereuses sûrement. Fins prédateurs, filaments translucides, dune nervosité queux-mêmes supportent mal, ils ne peuvent que tâcher déchapper à linstant, doù cette vitesse, cette détermination, ce retournement sur lextérieur et pourtant ceux des feuilles mortes sont incapables de décider de quel côté sen va le flux, où se situent lamont, laval, de quel côté regarder quand on veut évoquer lavenir (si daventure cette idée pouvait les effleurer, et sil advenait quils puissent associer lidée de lendemain à celle daval ; qui sait?). Enfin il y a lautre berge qui est un peu comme les feuilles mortes, sa symétrie, son envers, sa honte. Quand tout ici (vous savez qui nous sommes) nest que rancoeur, humidité, lassitude (humilité, hasardent certain) là-bas cest rectitude, solidité, pérennité. Il y a pourtant un air de famille, une sorte dair de famille. Peut-être le fait de border le passage; mais de lautre côté. Cest en face, tout près, mais séparé de nous par le flux acide ; cest en face, comme ici, solide quand nous sommes fragiles, debout quand nous rampons pourtant ce nest pas exactement en face. Il y a, en plus de cette différence de qualité qui semble nous opposer, un subtil décalage, une dissymétrie, une très fine discordance qui, bien plus que lécart évoqué tout à lheure, beaucoup plus, nous sépare au lieu quelle nous oppose. Et cela est plus grave. Nous aurions pu supporter de ramper quand les autres se tenaient droits, vivants, solides et bien portants, nous aurions pu supporter dêtre leurs frères malades, leurs doubles chétifs, une copie médiocre, un brouillon, nimporte, mais cet écart, ce battement, il nous semble quil ne peut être induit que par un désir méprisable, sans doute, évidemment de sajuster, même approximativement, aux forces du passage. Ainsi il nous semble que nous sommes les seuls à rester en place c'est-à-dire : à reculer puisque les autres séloignent de nous. Bien sûr cela na pas de cesse, ceux qui sen vont sont remplacés par dautres (du moins cest ce que nous imaginons : on nest jamais très sûr tant tout est semblable, indistinct, régulier) et rien ne rompt cet immuable face à face de part et dautre du passage. Et rien ne nous empêche de concevoir quen fait, suivant quelque obscur penchant, au fond bien légitime, cest nous qui lentement dérivons vers lamont pourquoi pas? Puis nous nous retournons pour constater que ceux de lautre berge sont ici également, derrière nous, que le ciel se referme, quils constituent le ciel, et quentre eux et le passage il ne reste, pour nous, plus guère de place, et quil faut se résoudre, quil faudra se résoudre, bientôt, tout à lheure, à se laisser aller dans le passage, comme un toussotement. (En fait ce nest pas ça : il na rien vu, rien compris il na pas voulu voir cette lame, cette blessure, lentité qui tenait à la fois de la lame et de la blessure, la chair ouverte, rectiligne, et grise, la lame fluide, le chemin. Ce sont des choix stupides, organisés par quelque dieu élémentaire, un dieu qui ne saurait quadditionner, à peine soustraire et rien, rien dautre alors il a posé ici les ingrédients quil fallait pour quil narrive rien, pour que séquilibrent les flux, les masses, les forces, et chacun sur sa chaise figé avec ces petits nerfs qui se tortillent dans les os, filaments qui remuent, le passage des choses, des choses que lon ne peut nommer, faute de mots, faute didées, faute de temps, on a juste assez de se cramponner à cette chaise, dans cette pièce qui tangue, seul, se sachant seul pareil aux autres agrippés à leur chaise dans les pièces adjacentes, nos frères détestables. Quelqu'un me dit cest lheure je regarde ma montre, le mouvement de mon poignet fait rompre quelque chose, apparaissent les filaments, ça me dégoûte, cétait un geste idiot il ny a rien dehors que du zinc des nuages des oiseaux gras qui picorent sans cesse quand ils lèvent la tête quand ils regardent à lintérieur, avec les filaments qui grouillent dans leurs yeux inexpressifs quand au loin lorage agite ses filaments sur la colline noire quand on sent que lhorreur cest que ces filaments, ces « nerfs », ces choses qui nous tiennent et nous écoeurent, sont en train de se rompre alors je me penche je touche du bout des doigts le flux la chair qui emplit le passage cest sous une fine pellicule sèche qui paraît fragile qui paraît plus solide quon y croirait comme une affreuse trahison.) (1). Comment traduire mieux ? |
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