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Un accident de Jet Ski, une île secrète, l’héritage du professeur Starkov, un script disparu, d’étranges menaces, des manipulations génétiques, un virus, des zombies… Nous voilà très vite devant un OFNI* tout à fait déstabilisant ! Construit comme un rêve discontinu, « Dharma Guns » possède effectivement un effet saisissant sur son spectateur, qui pourra très vite se sentir perdu au milieu de toutes ces séquences étranges, ces ruptures incessantes, cette accumulation de pistes que l’on a bien souvent du mal à relier les unes aux autres… Bercé par une narration audacieuse et dispersée, le spectateur se retrouve alors dans un état second, comme s’il se retrouvait finalement au beau milieu d’un rêve éveillé, enveloppé dans le clair obscur de la salle de cinéma éclairée par la seule lumière d’un film par ailleurs très contrasté…
Si l’histoire est volontairement brouillée et ésotérique, c’est sans doute pour mieux transporter le spectateur loin des conventions narratives habituellement admises et le faire se concentrer sur la beauté pure d’un film différent, inédit, véritablement surprenant, dont la grâce émane le plus souvent de la forme même ! La mise en scène, au style furieusement expérimental, est éminemment stimulante et démontre à chaque plan qu’elle est l’œuvre d’un cinéaste marginal, à l’écart de toute les conventions. Vous êtes prévenu : il ne faut pas être réfractaire à l’idée d’être surpris et bouleversé dans ses certitudes de cinéphile pour se prendre d’affection pour « Dharma Guns » ! Il faut savoir vivre une projection comme une pure « expérience », au cours de laquelle l’image et les sons sont en permanence travaillés et détournés… Ossang joue notamment beaucoup sur les contrastes, sur l’ombre et la lumière qui éclaire son film, tourné dans un noir et blanc hyperbolique, expressionniste en diable et proprement impressionnant ! Il distille aussi des touches de couleurs, à l’instar de séquences en jaune ou en vert, ou encore du tout premier plan du film, en couleurs, furtif et presque subliminal, comme s’il nous signifiait une dernière vision du monde réel, que l’on connaît, avant une plongée dans un univers parfaitement « autre »… Le cinéaste impose également une précision incroyable dans la composition des plans, nous hypnotisant plus d’une fois devant des fulgurances visuelles admirables ! Il multiplie enfin les trucs et astuces pour créer des procédés inédits et innovants dans un cinéma presque stimulé par sa propre économie de moyens…
« Dharma Guns »prône finalement une nouvelle forme de cinéma, entre expérience folle et rêverie onirique. De la bouche même de son réalisateur, le film ne se veut-il d’ailleurs pas comme une revisitation du mythe d’Orphée et d’Eurydice qui serait « en butte à la tyrannie du Dieu-Temps » ? La première séquence invite à croire une pareille théorie, aussi absconse qu’elle puisse paraître : ne voit-on pas en effet une femme dans un bateau, tirant derrière elle un homme, qui sombre dans les abysses infernaux au moment même où elle se retourne pour le voir… à l’image bien sûr d’Orphée qui aurait pu ramener son Eurydice des Enfers, si seulement il ne s’était pas retourné pour vérifier qu’elle était bel et bien derrière lui ! Au fond, après Cocteau (« Orphée ») ou Demy (« Parking »), le touche à tout François-Jacques Ossang se déclare lui-même comme peut-être le dernier poète du cinéma contemporain : « Quand la mort « industrielle » du cinéma semble rationnellement – techniquement et économiquement programmée, j’ose espérer démontrer qu’un cinéma de poésie et d’aventure fantastique est possible – mieux : nécessaire… »
* OFNI = Objet Filmique Non Identifié