F.J. OSSANG : FORMERLY! — DAY OF THE OUTLAW, un film de André DeToth (1959), chronique pour Transfuge

Quand on m’a proposé d’écrire sur La Chevauchée des Bannis – DAY OF THE OUTLAW,

autant dire : je n’étais pas si chaud. D’André DeThot, je ne connaissais que The Stranger Wore a Gun (les Massacreurs du Kansas) aperçu après minuit à la tv en dormant à moitié…

C’est alors que DAY OF OUTLAW s’est allumé dans l’obscurité – my God! Que dire…

C’est l’un des plus grands westerns statiques! Le mot n’est pas forcé : Chefs d’Oeuvre de cette fameuse année 59 qui voit la naissance de RIO BRAVO de Hawks, KISS ME DEADLY de Aldrich et… DAY OF THE OUTLAW de André DeToth! Les préceptes du cinéma ‘moderne’ sont jetés – rien ne sera plus pareil…

DAY OF THE OUTLAW est déjà un landscape movie… Un film du Paysage… Les acteurs ne jouent plus, ils éprouvent, et incarnent… Les scènes les plus violentes – la bagarre, ou la danse, ne sont pas répétées, mais improvisées – et filmées comme une performance…

DAY OF THE OUTLAW partage d’ailleurs avec Rio Bravo l’excellent opérateur Russell Harlan…

 

Quand tout commence, on est dans la neige, en plein Nowhereland. Une bande d’abrutis mesquins et procéduriers (les farmers) emmerdent le héros, joué par Ryan, un pionnier du Wyoming, avec leur manie de poser des barbelés, pour fixer leur propriété, bloquant la transhumance des bêtes semi-sauvages de Robert ‘old school’ Ryan…

Là-dessus, 7 desperados déboulent dans ce terminus enneigé, commandés d’une main de fer par Le Captain Bruhn, anciennement de l’Armée des United States – Formerly! – alors même que Ryan se prépare à liquider en duel le représentant des farmers, un nommé Crane, qui manque aussi notablement d’instruction dans le maniement des armes que de testostérone, mais dont l’irrémissible fierté de propriétaire venu de l’Est, fait croire que c’est arrivé –  comme ça! Sauf que lui rappelle Starrett-Ryan : « – Quand Dan et moi on est arrivés ici, Bitters était le refuge de tous les voleurs et tueurs du territoire. La vie d’un homme ne valait pas le prix d’une balle (…) Et maintenant vous vous amenez pour planter vos sales racines!… »

 

C’est un véritable crépuscule des enfoirés qui apparaît sous nos yeux, ils sont tous ignobles! Si Crane est d’abord prêt à mourir pour ses droits qu’il prend pour des idées, les affreux de Brunh ne tardent pas à le rappeler à la réalité. Seul Ryan partage quelque chose avec eux… Un ancien adultère couve sous cette trame de prise d’otage et de fin de la route. On rêve que les tueurs l’emportent, mais ils perdent, ce n’est que justice. L’Ouest est terminé, liquidé…

 

Dans le cercle de montagnes de DAY OF OUTLAW que DeThoth bombarde de panoramiques circulaires, on songe à un inventaire avant liquidation – tour du monde rapide afin de provisionner les possibilités : les seuls êtres humains, le Captain Bruhn, Bob Blaise Ryan et le Mestizo cheyenne n’ont plus d’avenir – vont-ils jeter le gant ou rendre les clefs…

DeToth dut se battre pour imposer le Noir et Blanc qui seul permet cette épure du trait, des conflits, des caractères… « Comment raconter ça avec le vert des sapins, et le rouge des chemises? C’était tout de suite ‘Joyeux Noël’. Non, je voulais la dureté contrastée du noir et blanc, pas la joliesse de la couleur », commentera DeToth…

Cinquante ans plus tard, on filmerait identiquement un eastern, puisque c’est déjà un eastern, bien plus qu’un western contemplatif – le monde de l’Ouest n’avance plus, il stationne et récolte la contamination spéculative. Derrière les montagnes d’Oregon et le Pacifique, on imagine déjà les enjeux de la Sibérie, la Chine…

 

Mais il est difficile de parler de ce film extraordinaire qui provisionne effectivement 50 ans de cinéma à venir – les primitifs et plus-que-modernes sont déjà là : inutile de modifier le script, dit encore DeToth : on change la place d’un mot du dialogue, modifie la focale, et c’est une autre histoire – un autre film… Formerly!

Il tourna les extérieurs dans l’Oregon – où ils captèrent en quelques jours tous les états du ciel, brumes, soleil, tempêtes de neige! DeThoth roulait à fond sur les éléments après avoir repéré le site en avion – même si le monomoteur offert par son ex-épouse Veronica Lake avait été réquisitionné par la Lokheed Airport, pour non-paiement des frais de garage! Ce type, le dernier Borgne d’Hollywood, dit la Légende – avait l’oeil de l’Aigle! 50 ans d’avance – après quoi le cinéma,  loin de créditer la 3D de House of Wax (Le Masque de Cire) – doit tout reprendre à zéro s’il veut survivre…

NOUS Y SOMMES – Il n’y a plus d’Ouest, ni d’Est – juste un cercle de montagnes…

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