Jeune, pure et dure, une histoire du cinéma expérimental et d’avant garde en France, Cinémathèque 2001.
Texte de FJ Ossang
Ce film doit avoir la pureté coupante et confusément colorée d’un poème de Georg Trakl – non au cinéma plus misérable que la misère, plus sexuel que le sexe, plus lourd que le plomb tant il se paraphrase.
(acte 1). Électricité, trame de menace coupe-circuit, hydrocution. Chercher des équivalences de son aux couleurs – rythmes d’agression psychique. Sonder le matériau, la densité chimique des émotions – et plus seulement la physique narrative.
Des questions simples : foncer un rose par le son revient-il à rougir ? Qu’est-ce qu’un bleu électrique de mort (en son) ?
Peut-on coder la transcription, ou juste munir de contrepoints… le cristal – ou la ténèbre bouchée ?
Comment justement contaminer, corriger, contraindre et soumettre l’image et sa machine coloriante (la gestique enfonce la séduction des images-morts) ? « Celui qui préfère la couleur à la forme est un lâche » (William Blake).
Les gestes, les mots, les sons ont la force des caractères.
L’image est la seule puissance de la fascination (danger).
Le son peut servir de contrechamp à une autre image…
DOUBLER l’interprétation : trame-son d’une image (réelle ou non), de façon à pouvoir décliner des récurrences, pas seulement par surimpression et contrepoint d’images-mémoire, mais au son, au bruit, aux mots.
2 axes : chaos-géhenne et didactique bressonnienne – bruitisme bressonnien et revisitation d’Eisenstein par le Third Mind.
Les questions du cinéma 25-35 ou 55-75 sont aujourd’hui déplacées mais demeurent les mêmes. En revenir au questionnement d’Eisenstein, Bresson, Murnau, décanté-accéléré par la relecture de Nietzsche (naissance de la tragédie) ou W.S. Burroughs.
Activer (utiliser activement) la mobilisation technologique du cinéma actuel (recentrage de la vision pensée des « fondateurs » et du caractère réalisable de ces intuitions – montage dialectique – démusication et modèles – coloration et mise en timbres) hors d’une prévarication académique (intertitres contre samples, son direct, off, synchro, récitants…). Il existe des armes que les « pères » n’avaient pas, mais qui leur reviennent.
Remonter radicalement le courant « coma technologique » turbinant les crânes secs et l’académisme des réalisateurs actuels.
« Je suis un réacteur – je me propulse en créant un vide qui m’active en avant, toujours en avant… »
Vider, démembrer, dénombrer, et ré-activer les éléments du Kino, retour au poème et à la partition bruitiste, flammer de couleurs primantes, et découper au ciseau à feu-froid des blocs de nature et de mots – après on VERRA…
Église / Clinique / Vaisseau Fantôme – allées transformées par la lumière en coursives et soutes de la Maria Celeste, Vaisseau Fantome. Dans le choeur, un tableau comme on en trouve dans les églises des XVIème/XVIIème siècles – marine des ténèbres, lueur christique et réverbération démonique – où l’ambiguïté des charges de répulsion et de fascination luttent chez l’observateur qu’elles « captivent ». De la même façon qu’un défilé par les coursives, puis le sous-sol de la clinique, ou telle révélation d’icône, corroborent l’intime communication entre ciel et enfer – le très-haut, le très-bas (manie religieuse hétérogène ou tentation manichéenne, qu’atteste la prière d’Angstel – confuse, contradictoire, presque dialectique (l’ombre d’Isis) – entre le goût de perdition, et la nécessaire résolution).
Religiosité passée vite, jamais soulignée, mais déclinée tout le film – tout l’art est omniprésent, dans la manière ou l’essence, tant il est « revisité » par la vitesse et la distraction, jamais objectivement imité, mais ACTIVÉ par la nécessité (comme Artaud dit : « l’art, c’est ce qui accélère la vie » – du Moyen Âge au XXème siècle, early sixties ou structures portantes d’Asger Jorn) – c’est-à-dire qu’il ne se donne jamais à voir, filmé statiquement comme une évidence : il est part intégrante, caution comme prétexte au chaos qui régit la problématique d’Angstel (hétérogénéité du réel et du sacré)… Littérature !
Intégré, suscité, jamais imité : l’art en vient comme les personnages (Angstel, Vince, Satarenko) – il accélère le « film » – comme le cinéma ne doit jamais le signer (idem % à la limite du symbolisme des couleurs picturales appliqué au ciné – ça ne marche jamais : c’est pas une couleur juste, – juste une couleur – mais C’EST elle…)
Contamination entre la gestion de l’art du film et celle des mots d’Angstel : dire vrai, voir juste, même « si c’est un artifice pour aller vite, encore plus vite ». Je rassemble les membres épars d’Osiris – ou : l’envers de l’envers n’est pas l’endroit.
DÉCOUPAGE (à armer la couleur, la contrer ou démesurer les émanations – fluide ou ruptif). Détail : un close-up n&b ne produit pas l’effet d’un close-up couleurs (pourquoi). Pourquoi le découpage des films actuels semble « comatisé » par de l’émanation.
Profaner la coloration par les structures.
DÉTERRITORIALISER.