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ukowski
a toujours choqué la critique et le public, sauf les irréductibles.
Trop sale, trop vieux, trop crade, trop déglingué, comme
Céline en d’autres temps. Bukowski vous emmerde. Il nous raconte
des histoires mal digérées de bitures au mauvais vin,
de baise triste, de jobs merdiques. Mauvaise conscience de l’Amérique
(Postier) ou claque dans la gueule du « jeunisme »
(Mémoires d’un vieux dégueulasse), Bukowski savait
que la place de l’écrivain est à sa table de travail,
devant une vieille Underwood, à trois heures du mat’ !
Parce que dehors, il y a les salauds, que le frigo est vide, et que
l’on n’a pas la force d’aller à la prochaine station-service,
qui de toute manière est fermée.
Bukowski cautérise au fer rouge les plaies de l’Amérique,
odeurs de viandes mortes ou, au choix, de viande brûlée,
le rêve américain se dissout dans les rues sombres de
Los Angeles, où les homeless n’ont pas leur place, sinon morts,
ou prêts de l’être. Bukowski est aux antipodes de l’Amérique
liftée des yuppies, ces sinistres crapules bronzées,
friquées et dynamiques qui se donnent en modèle au reste
de la planète, esclaves de Bill Gates, courtiers à Wall
Street, discopouffes de seconde zone, qui tous suintent leur bêtise
satisfaite.
Mais la mort et son odeur rodent sur L.A.. L’écrivain est d’abord
un veilleur. Ainsi, ses cauchemars sont plus vrais.
Salut Bukowski, excuse-moi pour cette familiarité que tu n’aurais
peut-être pas accepté. Peut-être, en ce moment,
vides-tu une bonne bouteille de blanc ? Pas du vin californien
vénéneux mais une bonne bouteille made in France. En
compagnie, qui sait ? de Louis-Ferdinand Céline.
Où ça d’ailleurs ? Dans une taverne qui a pour
nom « Le Cabaret de l’Enfer », un endroit infréquentable,
mais où se trouvent pourtant des gens de bonne compagnie.
Au cabaret de l’Enfer, c’est le Diable qui fait le D.J., music de
Screamin’ Jay Hawkins, Voodoo Rock ! Mais, en fait, on n’a d’yeux
que pour les serveuses topless, belles à damner un père
de l’Église, avec leur beauté irréelle, beauté
du Diable en quelque sorte !
L-F.
grogne. Le Voyage n’est donc pas fini. Il serait peut-être temps
de dormir. Et il y a des cons de journalistes qui viennent recueillir
vos impressions d’avant le cercueil ou d’après la décomposition…
Je suis mutilé à plus de 90%, moi !
Au
cabaret du Diable, toutes les places ne sont pas prises . Et
ça nous fait chaud au cœur ! J’aurais aimé vous
narrer cette conversation post-mortem entre Bukowski et Céline.
Il n’en reste qu’un fragment, toujours ça de pris !
- L-F
C. : Persevere diabolicum est ! On voit bien que
vous n’avez pas eu l’article L42X au cul !
- Ch.B. :
Si la peur devait nous faire taire ! Une autre Pacifico serait
nécessaire, nonobstant votre abstinence, cher maître !
- L-F
C. : Sachez Bukowski que je déteste la viande saoule ! C’est
anti-hygiénique ! Je suis catégorique !
In vino no veritas !
- Ch.B. : En
Enfer, on peut bien s’accommoder des faiblesses humaines !
Et puis, cher maître, ne soyez pas si paranoïaque ! Même
si le complot de la bêtise est universel !
… Long
silence…
- Ch.B. :
(S’en foutant complètement) J’aime pas l’eau de Vichy, d’ailleurs,
Vichy, je sais même pas où c’est ! Karen,
petite pouffe, amène-toi subito ! une Pacifico vite,
je t’apprendrais à lire du Stephen King ! Tu vois
où cela t’amène ! Sans parler du death metal
ou de l’écoute prolongée de Marylin Manson !
(Il fout la main au cul de Karen qui est belle, quoiqu’un peu sorcière,
rougit et se casse presto)
- L-F
C. : Putain, dans ma prison au Danemark c’était pareil.
Avant, elles s’offraient toutes, ces chiennes. Puis, elles se refusent
dès qu’on la gale, une réputation sulfureuse et l’a42X
au cul !
…
Long silence…
- Toute
la ruse du Démon consiste à réfuter sa propre
existence, sachez-le Bukowski !
- Ch.B.
: (De plus en plus bourré mais presque lucide)
Karen, une autre bière ou je te vomis dessus. Ou pire, je
te condamne à lire les œuvres de ces malheureux philosophes
français, des polygraphes mondains, foireux comme un vieux
pet ! En traduction, ces navets font jouir les yuppies.
- Karen :
Fuck off, Buk ! Tu sais bien que je sais presque pas lire !
- Ch.B. :
Ça ne m’étonne guère, vu ton niveau de moralité.
Idiote et fière de l’être. Mais tu as un beau cul !
À l’heure du Jugement, cela devrait te sauver.
- Karen :
(Sèchement) Mon cul est plus beau que le tien. Le Jugement
a eu lieu, Buk, et je suis pas sauvée ! Bien au contraire.
- Ch.B. :
(résigné) La damnation fait partie de la dure condition
humaine.
Ici
L-F C. se réveille, éructe, parle de complot, s’indigne,
évoque « l’agité du bocal » et autres « ténias
sub-humains ». Il aurait même raison que tout le monde
s’en fout. Bukowski s’en fout aussi, se tait et rallume une cigarette
extra-longue. Karen revient, boudeuse, avec une autre Pacifico à
la main. Bukowski la considère d’un œil lubrique, se fend la
gueule et lui refout la main au cul.
Karen fait semblant de s’offusquer, donne son plus beau sourire et
embrasse le vieux lass’dég.
- Bukowski :
(Enfin heureux). Est-ce le baiser de la mort ?
Ainsi
vont les choses, dans la taverne de l’Enfer…
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