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’est une sorte de sourde reconstruction qui s’est
opérée, au fil de conversations avec B. Richard (par mèl, s’entend), où il me
demandait de lui conseiller quelques livres... J’ai reparlé de Philip K. Dick. Je
dis reparlé car j’en parle volontiers, mais de loin en loin. Il m’a demandé si
j’avais relu ça récemment ou si c’était de — bons ? — souvenirs de
drogué. Réponse b). Mais ça m’a agacé.
Lors incidemment 1) passant chez les Lovelace, je vois sur un rayon de la bibliothèque,
l’imposant « Dédales sans fin », recueil de textes courts ou moyens, du
sieur PKD. Je l’emprunte; je le relis (en ce moment). 2) Le même Bruno Richard, lui,
réédite ce décembre 50 Lettres Documentaires du respectable Ph. Billé. Dans ces
lettres : l’enquête sur la lecture... (Presque) par hasard, s’ouvre à la
Lxviii de février 94, où Alain Malherbe place PKD en troisième position. D’autres,
peu finalement, aussi avouent ce terrible penchant : Desvois, Tillier, Petchanatz. Peu,
dis-je car j’aurais, de mémoire, imaginé davantage. L’éditeur de
« dédales sans fin (1) » s’appelle omnibus, ce qui ne prouve rien. J’ai donc
relu. À jeun relativement. En tout cas rien de psychotruc. Éventuellement quelques
canons de rouge bien légitimes avec le dîner. C’est un livre de 1264 pages qui
présente les clans de la lune
alphane, brèche dans l’espace, le dieu venu du Centaure, le zappeur (2) de mondes, la vérité avant-dernière,
mensonges et Cie, à rebousse-temps. Je
n’ai pas respecté les majuscules, trop nombreuses, qui émaillaient cette liste.
Pourquoi un Z majuscule à Zappeur et pas à « mondes »? Déjà ça énerve.
J’ai donc lu les trois premiers, le quatrième zappeur est en cours. J’ai zappé
la préface de Goimard et Schwartz. Trop élogieuse (« faire percevoir
l’immensité d’une création littéraire » etc.) et laborieuse. Nous
n’aimons pas le labeur. À ce moment de notre lecture, nous avouons être
passablement déçus. Les textes de K. Dick ne sont ni faits ni à faire (à moins de
jeter toutes les pierres au traducteur, mais ça paraîtrait excessif); il nous casse les
pieds en tritouillant une histoire de divorce ou de ménage boiteux à chaque fois. Et,
pour le détail, pour énerver les hypothétiques aficionados : dans les
clans de la lune alphane, il y a une erreur. Au chapitre 12 (page 150 de la présente
édition) un robot prétend avoir capté l’émission télépathique du fongus,
ce qui est évidemment absurde... Dans brèche dans l’espace, page 192, les
seins de Thisbe sont successivement (à 10 lignes d’écart) décrit comme
« petits [et] coniques », puis « lourds et fermes ». Bien sûr ça
se discute. Ça m’a rappelé au passage cet aimable petit gif rencontré sur
le web.

Quant au Dieu venu du Centaure, dont j’avais bon souvenir, le moins qu’on
puisse dire est qu’il se termine en eau de boudin. Et puis il y a cette manie de K.
Dick d’alourdir son texte de phrases inutiles du type : « Il n’y eut
aucune réponse. De la part de personne. »; « Ce fut effectivement le
cas. »; « Mais Jim avait bien l’intention de continuer. Et d’agir en
dépit de tout. »; « Il prit son temps. Il n’était pas pressé. Et il
avait bien l’intention de découvrir ce qu’il cherchait. »; « Il
sirota sa boisson. », etc. Des histoires de bric et de broc, mal écrites et ou mal
traduites. Qui pourtant laissent, à celui qui a eu l’occasion de les découvrir à
l’adolescence, des souvenirs d’une densité et d’une intensité
remarquables...
Toujours est-il que, pour les vivants : Bruno Richard réédite pour 50 balles 50 LD
(Lettres Documentaires) de Ph. Billé, et publie aussi des recueils de ses dessins (vous
savez, ces pauvres créatures expressionnistes se débattant entre Éros et Thanatos,
comme dirait le cuistre pédant; j’agrandis celles que je préfère en A3 et je mets
ça au mur, chez moi; ça perturbe les visiteurs), que Bruno Richard habite 15 passage de
la Trinité à 75002 Paris et Ph. Billé Philippe Billé 252 rue Ste-Catherine à 33000
Bordeaux. Et que je les verrais bien, tous les deux, chroniqueurs réguliers au site de
l’Homme-Moderne.
(1) Et non « pédales sans fin » ou, mieux (?)
« phalles sans dédain ».
(2)
Le correcteur orthographique me propose
« sapeur », qui n’est pas mal non plus. |
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