Chroniques |
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S.T.O 'bligé d'y aller ? |
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Lézards de la table. | |||||||
31 janvier 2 000. |
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Et c'est comment le manger
teuton, hein, Gunther ? |
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omme tout bon employé travaillant dans une grande ville, je mange au restaurant tous les midis. Gorge profondément sèche. Le gros avantage est que je peux déguster un bon demi, tant il est vraiment vrai qu'ici c'est le pays de la bière, pendant que mes collègues du cru se gavent de Coca Cola. C'est fou le nombre de personnes qui boivent ce breuvage nauséabond et néfaste (le Coca, pas la bière), qui est à la boisson ce que le nutella est à la pâte à tartiner : l'inverse de la civilisation. C'est vrai qu'ils sont habitués dès leur plus jeune âge à boire de l'eau gazeuse. Ici, les demis sont vraiment vraiment des demis, et ils ne sont pas servis en cinq secondes chrono comme au buffet de n'importe quelle gare française. On a moins l'impression de boire du pipi. Dans le nord, la Becks, en Sarre la Becker extra Herb, au centre la Warsteiner sont à mettre au crédit de cette nation au même titre que les Biergarten, ces endroits reposants où l'on boit ce breuvage en été. Essen in Hessen. Mais je m'égare, il était question de
manger. Où ça d'ailleurs ? Et bien, après avoir écarté tous les restaurants
étrangers (indiens, asiatiques, yougoslaves, turcs et surtout italiens) que l'on trouve
aussi en France, et dont mes collègues ont le chic pour dénicher les plus mauvais
spécimens, toujours bondés de surcroît, il ne reste pas beaucoup de dignes
représentants de la cuisine locale. Mais ils sont faciles à repérer : ils sont remplis
de vieux qui, eux, ont su garder le sens des valeurs. Les valeurs culinaires, du moins;
pour les autres je joue mon joker. Je suis gros et j'aime ça. Autre phénomène planétaire, qui concerne aussi bien les filles que les garçons : avez vous remarqué que ce sont les personnes chez qui les mots « surcharge pondérale » prennent tout leur sens qui mangent, remangent, bouffent et bâfrent le plus de saloperies, bonbons, sucreries, gâteaux, sodas sur-sucrés ? L'exemple m'en a été encore fourni cette semaine par une collègue de travail, plus facile à enjamber qu'à contourner, et qui a dévalisé le plateau de Noël constitué des plus immondes gâteaux de la planète. Voir les gros patapoufs se goinfrer me met toujours de bonne humeur car j'ai l'impression que c'est inéluctable, un peu comme c'est dans la nature de la terre de tourner. Réjouissant. Bon appétit les amis. La Sarre dîne. Revenons en Sarre pour trouver le seul restaurant que je regrette - j'ai déménagé - depuis que je mange de l'autre côté du Rhin. C'est d'autant plus surprenant de ma part que je place les restaurateurs au même niveau que les médecins (mais beaucoup plus haut que les chauffeurs de taxis) : des charlatans. Et bien ici, le patron vous accueille en demandant « comme d'hab ? » (normal, comme c'est bon, vous êtes un habitué), ce qui signifie un demi si vous avez suivi, vous savez que c'est une extra Herb le plat du jour entrée, plat principal, dessert et café. Cuisine familiale et traditionnelle garantie. Bien sûr, si vous trouvez que les portions sont congrues, vous pouvez toujours en reprendre, mais après... Et tout cela pour un prix inférieur à celui de ses concurrents du centre-ville où l'on ne mange pas mieux. Eh bien croyez-vous que ce soit la ruée ? Pas du tout, on y rencontre toujours les mêmes têtes. Je n'ai réussi qu'une seule fois à persuader mes collègues de travail d'y venir manger : ils n'y sont jamais revenus, préférant l'italien du bout de la rue qui fait des pizzas comme moi je suis ergothérapeute. Question de goût, sûrement. Comment ça marche ? Ici, on vous demandera si « ça vous a plu ? » à la fin de chaque plat, même si ce n'était pas bon. Vous répondrez invariablement oui : soit vous l'avez mangé car vous aviez faim, soit vous l'avez laissé et on ne va quand même pas vous en refaire un autre, non ? À la fin du repas, vous demanderez l'addition. En règle générale, la serveuse en profite toujours pour disparaître à ce moment là et vous allez donc poireauter pendant un moment. Mais quand enfin elle revient, vous allez pouvoir payer séparément. Même si vous êtes dix à table, elle calculera la note pour chacun des convives. Malin, ça fait dix pourboires, car ici, on paye en liquide et on laisse un pourboire (même si vous payez par carte de crédit, il y a une ligne où vous pouvez indiquer le montant du pourboire). Pas d'imprévu, tout est prévu. Bistro bistro ! Au bistrot en bas de ma tour, le service est assuré exclusivement par des filles dont la principale caractéristique est de dévoiler leurs charmes féminins. Il doit y avoir un concours entre elles. À tel point que l'été dernier, j'ai failli faire la remarque à la serveuse comme quoi sa mini-robe était mal fermée. Mais après inspection minutieuse au cours du repas, j'ai remarqué que c'était fait exprès et qu'il n'y avait pas de fermeture ou un quelconque bouton pour fermer le bordel. Ou alors, j'étais bien prude ou bien j'avais oublié de consulter le dernier catalogue de la redoute. Cette anecdote n'est là que pour dire
qu'on ne compense pas un service médiocre par des poupées gonflables qui tirent une
tronche de dix pieds de long, du style « bon là je travaille comme serveuse, mais
normalement je suis mannequin international chez Élite ». Et le fait de sourire au
client n'implique pas forcément que ce même client va vous faire des propositions
malhonnêtes. De plus, elles sont tellement demeurées qu'elles se trompent une fois sur
deux en rendant la monnaie. Bref, je préfère un peu moins de décorum et un peu plus de
service. Super, Noël. Au marché de Noël encore un truc
qui n'existe pas en France sauf dans les villes de l'est qu'on a oublié de complètement
donner aux allemands j'ai mangé ma première saucisse. Entourée d'un minuscule
bout de pain servant à la préhension de ce sandwich en mini-jupe, c'était aussi
vraisemblablement la dernière. Il est aussi traditionnel de boire du vin chaud. Parfois
la tradition, ça n'a pas que du bon. |
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