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élaissant mes habituelles contrées froides et
grises, je suis allé, un temps, profiter des avancées sociales léguées par mes aïeux
sous le soleil du Venezuela.
Rassurez-vous, il n'est pas question d'aller jouer au baroudeur à la découverte du pays
mais plutôt de faire de la voile sur l'île de Margarita, en profitant du soleil et des
alizés qui soufflent en permanence. Et
pourtant elle tourne.
Le Venezuela correspond à ma définition
d'un pays exotique, non à cause de sa position sur tel ou tel continent ou de la langue
qu'on y parle, mais plutôt par rapport à sa position en latitude : dix degrés nord.
Comme son nom l'indique, c'est encore dans l'hémisphère nord, mais entre l'équateur et
le tropique de cancer. Cela signifie qu'en été, le soleil passe deux fois par jour à la
verticale des humains et des cactus, indique la direction nord, puis repasse au sud en se
couchant. Pour moi, européen moyen, habitué depuis tout petit à repérer le sud par
rapport à la direction du soleil, c'est ça l'exotisme.
Pardi, c'est le paradis.
Il y fait trente degrés centigrades jour
et nuit, ce qui rend incongru en cette période la présence des sapins de Noël. Imaginez
le Père Noël en short.
L'île de Maragarita, située à trois cent kilomètres de Caracas, est centrée sur sa
capitale, Porlamar, zone franche détaxée. Ceci explique la fréquence des liaisons
aériennes depuis Caracas, l'aéroport international et l'autoroute qui le relie à la
capitale. Les vieux DC9 et autres B727 aux cadrans usés sont remplis de vénézuéliens
et d'américains qui viennent acheter les produits détaxés sur l'île. Dans le même
temps, le gouvernement essaie de tuer la poule aux ufs d'or en rétablissant la TVA,
d'où la floraison d'autocollant « no al iva » sur les voitures et les murs.
La côte sud est soufflée par les alizés, la côte est (par opposition à l'ouest) est
réservée aux touristes avec ses complexes hôteliers dont la moitié est inachevée. Les
plages de cette côte sont grandes et désertes, l'eau y est chaude, rendant la
pratique du surf un vrai bonheur. L'île toute entière est elle-même en
construction/inachevée, au choix ou plutôt les deux.
Au Venezuela, on n'a pas d'idées mais on a du
pétrole.
Les voitures sont toutes des vieilles
américaines hors d'âge et hors d'usage avec des moteurs à la cylindrée
cubitaineresque. Ces derniers ne sont pas réglés car l'essence ne coûte que
quatre-vingt centimes le litre, donc beaucoup moins cher que l'eau, donc pollution
maximale.
Lu dans un quotidien local : une société pétrolière américaine, exploitant des
gisements au Venezuela, a décidé de faire un don en vue de créer un centre d'éducation
pour l'enfance. Montant du don : trois mille dollars. J'ai relu l'article en me
demandant si il ne manquait pas un ou deux zéros au montant.
Coïncidence, à quelques jours d'intervalle, il est question de cette même société qui
annonce qu'elle va investir plusieurs millions de dollars dans la recherche et le
développement de gisements au Venezuela.
Tout ceci est fort drôle.
Mon nom est personne.
Le serveur de l'hôtel m'a trouvé un
surnom : Superman. Il n'est pas question de mes capacités véliplanchistes, mais bien du
fait que la journée j'enlève mes lunettes pour les remettre le soir. À ce moment là,
mon nom est Clarke. J'ai mis deux semaines à le remarquer, mais il ne se trompe jamais,
m'appelant toujours Clarke quand je porte mes lunettes. Il m'indique aussi la cabine
téléphonique pour me changer.
L'enfer vert.
Interrogeons maintenant trois sujettes de
ce pays :
- la première est mariée avec un suisse, vit à Genève et vient passer ses vacances au
Venezuela.
- la deuxième est mariée à un américain. Elle vit en Argentine et passe également ses
vacances au Venezuela. Elle m'explique qu'un des présidents, il y a quelques années, a
fait bombarder le palais présidentiel pour prendre le pouvoir. Enfin, quelque chose comme
ça. Je suis prêt à le croire. Elle me parle aussi des problèmes récurrents de
violence et d'éducation.
- La troisième vit sur l'île. Elle est originaire de Caracas et se dit bien contente
d'en être partie. Problème d'éducation, quartiers riches "prisons" comme à
Johannesburg, assassinat pour trois dollars (rappelez vous que Steve Austin, lui, vaut
trois milliards de dollars).
Putain, c'est vachement bien d'être un européen. |